Bismillâhir Rahmânir Rahîm... De par le Nom de Dieu, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux...
Mes chers frères et soeurs, assalâmou 'alaykoum wa rahmatoullâhi wa barakâtouh... Mes amis non-musulmans, bonjour à toutes et à tous...
Tout le monde le dit : l'ignorance, l'incompréhension et la peur sont les pires bases sur lesquelles pourraient jamais s'établir des relations de coexistence entre les pays musulmans et les pays occidentaux. En effet, c'est le dialogue qui doit être instauré entre les différentes civilisations. Cependant, pour qu'un dialogue soit fructueux, il demande qu'un certain nombre de points soit partagé entre l'une et l'autre partie...
En ce qui concerne les musulmans, le dialogue fait partie de leurs traditions de toujours, puisque Dieu dit dans le Coran :
"Appelle vers le chemin de ton Seigneur par la sagesse et l'exhortation excellente. Et discute avec eux de la manière la plus courtoise." (Coran 16/25)
"Et ne discutez avec les Gens du Livre que la manière la meilleure – exception faite de ceux d'entre eux qui sont injustes [avec qui il ne sert à rien de discuter, Coran 6/68] – et dites-leur : "Nous croyons en ce qui a été descendu vers nous et ce qui a été descendu vers vous. Notre Dieu et votre Dieu est Un, et nous Lui sommes soumis." (Coran 29/46)
En fait, Dieu a fait du dialogue un impératif découlant de la diversité des couleurs de peau, des langues et des religions des hommes sur terre. De cette diversité dont Il parle en ces termes :
"O les hommes, Nous vous avons créés à partir d'un seul homme et d'une seule femme, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès de Dieu, est celui d'entre vous qui est le plus pieux. Dieu est Savant, Informé." (Coran 49/13)
"Et parmi Ses Signes figurent la création des cieux et de la terre, et la diversité de vos langues et de vos couleurs" (Coran 30/22).
"Si Dieu l'avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais (Il ne l'a pas fait) afin de vous éprouver dans ce qu'Il vous a donné. Aussi, pressez-vous vers les bonnes œuvres. Vers Dieu se fera votre retour à tous, et alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez." (Coran 5/48)
Le dialogue ne peut avoir pour but l'effacement de tout point de divergence entre deux personnes ou deux groupes de personnes. Il doit avoir pour objectif d'amener les uns et les autres à se respecter, et ce par le biais d'une part de la découverte de points et de valeurs communes, et, d'autre part, de la connaissance éclairée des différences existant chez l'autre. En effet, connaître, avec références à l'appui, la position différente de l'autre suscite le respect mutuel, tandis que les préjugés brumeux n'engendrent, eux, que la crainte et le rejet.
>Pour que le dialogue entre pays musulmans et pays occidentaux soit fructueux, trois dimensions sont donc à prendre en considération :
1) Chacun devrait s'interroger sur les choses à réformer dans son aire de civilisation.
2) Chacun devrait s'interroger sur la pertinence des idées qu'il entretenait jusqu'à présent à propos de son interlocuteur
3) Chacun devrait comprendre qu'il y a effectivement certains points sur lesquels son interlocuteur a et le droit d'avoir des positions différentes des siennes.
1) Pour ce qui est de la première dimension, elle consisterait pour les pays majoritairement musulmans à agir pour faire se résorber un certain nombre de pratiques révoltantes : l'absence de démocratie, la pratique de la clitoridectomie, l'imposition du conjoint des jeunes femmes, les meurtres d'honneur, etc. etc. Et elle consisterait pour les pays occidentaux à agir pour l'existence de moins de course au profit, de plus de chaleur entre les citoyens, de plus d'éthique et de repères...
2) Pour ce qui est de la seconde dimension, il faut comprendre qu'à cause de différences entre les sources et les histoires des civilisations musulmane et occidentale, des malentendus existent qui engendrent des quiproquos : on mélange des termes, on applique sur la civilisation avec qui on est en dialogue la grille de lecture qui est celle de notre civilisation, etc... Ceci est valable en ce qui concerne les pays musulmans, où de larges parties de la populations ont des idées reçues sur l'Occident : certains croient par exemple, aujourd'hui encore, qu'il s'agit de pays chrétiens (alors qu'ils sont laïques). Cela est également vrai en ce qui concerne les pays occidentaux, où de larges franges de la population ont des idées reçues sur l'islam : "l'islam est pour la guerre", "l'islam a pour vocation de massacrer tous ceux qui ne sont pas musulmans", "Allah est une divinité différente de Dieu", "la femme n'a pas de droits en islam", etc. Il est devenu nécessaire aujourd'hui de reconsidérer ces idées qui sont en fait autant de malentendus. Lire à ce sujet mon article : Pourquoi certains Occidentaux ont-ils du mal à comprendre l'islam ? Cliquez içi: [www.maison-islam.com].
3) Enfin, en ce qui concerne la troisième dimension, elle consiste à reconnaître que, malgré la réalisation des deux dimensions précédentes, certaines différences existent qui ne pourront que subsister entre pays musulmans et pays occidentaux, parce que les références et les histoires des premiers et des seconds ne sont pas les mêmes. Ainsi, la démocratie n'a pu voir le jour en Occident que dans le cadre d'une gestion des affaires sociales sans référence à des normes provenant d'une Révélation divine. Mais cela est dû à l'histoire de l'Occident (où, dans le catholicisme dominant, le religieux ne pouvait s'exprimer que par un clergé, et où les minorités non-catholiques ont énormément souffert). Dans la civilisation musulmane, il n'y a pas d'institution cléricale (le cas chi'ite étant spécifique) à laquelle serait réservé le droit d'interpréter et d'appliquer les normes de la Révélation divine. De plus, l'existence de minorités non-musulmanes est explicitement prévue dans les sources de l'islam, et leurs droits clairement définis. Ici, c'est donc une démocratie de type musulman qui doit voir le jour. A quoi bon vouloir importer dans les pays musulmans la solution qui est née à cause des problèmes spécifiques à l'Occident ?
Il y aura donc forcément des différences qui subsisteront. Est-on prêt à accepter celles-ci ?
* Si la réponse est "non", le dialogue s'avérera difficile, pour ne pas dire quasiment impossible.
* Si par contre la réponse est "oui" – et j'estime que dans votre esprit, cher(e) ami(e), elle est "oui" – il faut comprendre que cela englobe les cinq points suivants :
1/ d'abord la conviction que la terre est un village planétaire où les décisions mises en place en un lieu ont des retombées universelles.
2/ puis le sentiment réel – et non pas feint – d'appartenir à un même genre – la famille humaine – au-delà de nos différences de religion, de couleur de peau et d'yeux, de langue et de civilisation.
3/ ensuite la conviction qu'il existe une différence entre "modernisation" et "occidentalisation", et que le modèle occidental n'est pas le seul modèle qui puisse offrir aux hommes des droits et une vie dans la justice, la liberté et le bonheur.
4/ également la compréhension du fait que tout ce qui ne se fait pas comme l'Occident ne se fait pas contre lui : les populations majoritairement musulmanes ne veulent pas un modèle qui soit en réaction contre l'Occident, elles veulent être fidèles à leurs sources (al-assâlah) et y puiser les principes qu'elles appliqueront en tenant compte de la contemporanétié (al-mu'âsarah). La différence est de taille !
5/ enfin, la reconnaissance effective (et non pas seulement théorique) du droit des cultures non-occidentales à exister sur terre, à établir les objectifs qui leur sont propres et à choisir, parmi tous les moyens modernes permettant d'atteindre ces objectifs, ceux qui sont conformes à leur éthique.
Ces points se doivent d'être aujourd'hui appliqués autrement que sur les pages des discours officiels. Autrement, tous les slogans de "coexistence pacifique des civilisations" risquent bien n'être jamais plus que de belles paroles et de beaux textes, et tous les échanges de vues n'être rien de plus qu'un dialogue de sourds et de muets... Tandis que la réalité du terrain continuera à engendrer une haine aussi grande que ses effets seront dévastateurs. Il ne nous restera plus, alors, que les larmes et le sang quand les fruits empoisonnés des préjugés, des malentendus et, partant, de cette haine, engendreront les pires scénarios à l'échelle planétaire.
A l'inverse, c'est lorsque ces convictions seront acquises de part et d'autre que le dialogue pourra, véritablement, être de qualité. Et alors seulement ce dernier donnera naissance à ses précieux fruits… ces fruits que chacun, aujourd'hui, attend de lui.
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