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La démocratie et l’islam (3ème partie)
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8 décembre 2006 18:03
Pour consulter la première partie : [www.yabiladi.com]
Pour consulter la deuxième partie : [www.yabiladi.com]

La concertation, le conseil, l’injonction du convenable et l’interdiction du blâmable

L’islam a érigé la concertation (Ash-Shûrâ) en règle dans la vie islamique. Il a enjoint au gouverneur de consulter et a enjoint à la communauté de prodiguer le conseil, au point que la religion toute entière a été assimilée au conseil... Or, le conseil inclut le conseil donné à la communauté musulmane, dont les princes et les gouverneurs.

De même, l’islam a élevé l’injonction du convenable et l’interdiction du blâmable au rang de l’obligation ferme. Mieux encore il a décrété que la forme de jihâd la plus méritoire consiste à dire une parole juste face à un despote. Ceci signifie que l’islam considère que la résistance à la tyrannie et à la corruption intérieure est plus importante encore aux yeux de Dieu que la résistance à l’invasion extérieure. Car la tyrannie est souvent la prémice de l’invasion extérieure.
Le regard de l’islam sur les gouverneurs

L’islam considère le gouverneur comme un mandataire de la nation, ou un employé chez elle. Or, la source a le droit de demander des comptes à son mandataire, et de lui retirer son mandat, notamment s’il n’honore pas sa charge.

En islam, le gouverneur n’exerce pas un pouvoir infaillible. Au contraire, c’est un homme susceptible de voir juste et de se tromper, de faire justice et de commettre l’injustice ; l’ensemble des musulmans ont le droit de le corriger lorsqu’il se trompe et de le rectifier lorsqu’il dévie.

C’est ce qu’ont déclaré les plus grands gouverneurs musulmans, après le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — : les Califes Bien-Guidés, dont nous avons reçu l’ordre de suivre la tradition, et de nous y attacher en tant que prolongement de la tradition de notre premier maître, Muhammad — paix et bénédictions sur lui —.

Le premier Calife, Abû Bakr, a dit dans son discours d’investiture : « Ô gens, j’ai été nommé à votre tête, mais je ne suis pas le meilleur d’entre vous. Si vous me voyez dans le vrai, aidez-moi. Et si vous me voyez dans le faux, corrigez-moi. Obéissez-moi aussi longtemps que j’obéis à Dieu à votre égard. Mais si je Lui désobéis, aucune obéissance de votre part ne m’est due. »

Le deuxième Calife, `Umar, a dit : « Que Dieu fasse miséricorde à toute personne qui me fait cadeau de mes défauts. » Il a dit aussi : « Ô gens, quiconque parmi vous voit en moi quelque déviance qu’il me rectifie. » Ce sur quoi un homme dans le public a répondu : « Par Dieu, fils d’Al-Khattâb, si nous voyons en toi quelque déviance nous la rectifierons du tranchant de nos épées ! »

À une autre occasion, une femme a rejeté son opinion alors qu’il se tenait sur le minbar, sans qu’il ne s’en offusque. Au contraire, il a commenté : « Une femme a vu juste, et `Umar s’est trompé ! »

De même, `Alî Ibn Abî Tâlib — que Dieu honore sa face — a dit à un homme qui s’était opposé à lui dans une affaire : « Tu as raison et j’ai tort. "Certes au-dessus de chaque savant il y a Plus Connaisseur." [24] »
L’islam est un pionnier

L’islam a été prompt à établir les principes démocratiques, tout en laissant les détails pratiques à l’appréciation des musulmans, selon les fondements de leur religion, et en harmonie avec les besoins de leur vie, et l’évolution de leur vie dans le temps et dans l’espace, et selon le progrès de l’humanité.
L’intérêt de la démocratie

Le principal intérêt de la démocratie réside dans le fait qu’elle a réussi à trouver — au prix d’une longue lutte contre les tyrans et les despotes, toutes sortes de Ptolémées, de rois et de princes — des formules et des moyens, considérés à ce jour comme fournissant aux peuples les meilleures garanties contre le despotisme des tyrans.

Naturellement, rien n’interdit à l’humanité, à ses penseurs et ses leaders, de réfléchir à d’autres formules et d’autres moyens susceptibles de réaliser de meilleurs résultats. D’ici là et jusqu’à ce que cela se transforme en réalité concrète dans la vie des gens, nous nous voyons dans l’obligation de nous inspirer des méthodes de la démocratie et d’y puiser ce dont nous avons besoin pour réaliser la justice, la concertation, le respect des droits de l’homme, et la lutte contre les tyrans orgueilleux.

Or, parmi les principes juridiques unanimement reconnus, on cite : « Ce qui est indispensable à la réalisation d’une obligation est à son tour une obligation. » Corollairement, les moyens requis pour réaliser les finalités de la sharî`ah acquièrent le même statut que ces finalités.

Il n’existe aucun obstacle juridique au fait d’emprunter une idée théorique ou une solution pratique aux non-musulmans. Ainsi le Prophète — paix et bénédictions sur lui — a-t-il adopté l’idée de creuser une tranchée lors de la bataille des Coalisés, sachant qu’il s’agit d’une technique persane. De même, il a profité des prisonniers de guerre capturés lors de la bataille de Badr — les lettrés d’entre eux — dans l’enseignement de l’écriture aux enfants musulmans, malgré leur mécréance. Car le croyant est en quête de sagesse, quelle que soit sa provenance, il en est le plus ardent aspirant.

J’ai indiqué dans l’un de mes écrits que nous avons le droit d’emprunter aux autres les idées et les méthodes qui servent nos intérêts, dès lors que cela ne s’oppose pas en l’espèce à un texte explicite ni à une règle juridique établie. Il nous appartient de transformer ce que nous empruntons, de l’augmenter et d’y laisser notre empreinte, de manière à nous l’approprier et à estomper son appartenance d’origine. [25]
Le vote fait partie du Témoignage

Si nous méditons au sujet du système électoral et du vote, on s’aperçoit que cela revient d’un point de vue islamique à porter témoignage sur la compétence d’un candidat. Il convient donc que le votant remplisse les conditions requises concernant les témoins devant la justice, à savoir la droiture et la bonne réputation. Le Très-Haut dit en effet : « et prenez deux hommes intègres parmi vous comme témoins » [26] ; « d’entre ceux que vous agréez comme témoins » [27].

Quiconque se porte témoin de la compétence d’un incompétent se rend coupable d’un péché majeur, le faux témoignage, chose que Dieu — Exalté soit-Il — a cité conjointement avec l’associationnisme : « Abstenez-vous de la souillure des idoles et abstenez-vous des paroles mensongères. » [28] Quiconque témoigne de la compétence d’un candidat seulement parce qu’il appartient à la même famille où à la même origine, ou en vue d’obtenir une faveur future, aura désobéi au commandement de Dieu — Exalté soit-Il — : « Et acquittez-vous du témoignage envers Dieu. » [29]

Quiconque fait défaut à l’accomplissement de son devoir électoral, au point de faire échouer le candidat le plus apte et le plus loyal et de donner la victoire à celui qui n’en est pas digne, aura tu le témoignage dont la oumma a grandement besoin. Or le Très-Haut dit : « Et que les témoins ne refusent pas si on les requiert. » [30] « Et ne taisez pas le témoignage : quiconque le tait a, certes, un cœur pécheur. » [31]

L’on peut tenir un discours similaire à propos des critères que doivent remplir les candidats, à plus forte raison. En ajoutant ces critères et ces directives au système électoral, nous en faisons un système islamique au bout du compte, bien qu’il soit à l’origine emprunté à autrui.
La souveraineté du peuple et la souveraineté de Dieu

Il convient de souligner de nouveau le principe annoncé en préambule, à savoir que l’essence de la démocratie est en accord avec l’essence de l’islam, si nous la puisons dans ses références fondamentales et dans ses sources limpides que sont le Coran, la Sunnah et l’œuvre des Califes Bien-Guidés, non pas dans l’histoire des princes de la tyrannie, ni des rois malfaisants, ni des verdicts des savants à la solde des sultans, ni des sincères trop hâtifs n’appartenant pas à la catégorie des savants au pied ferme.

L’affirmation selon laquelle la démocratie signifie le gouvernement du peuple par le peuple et que cela implique le rejet du principe de la souveraineté de Dieu est une affirmation disputable. Car la promotion de la démocratie n’implique pas le rejet de la souveraineté de Dieu vis-à-vis des hommes. La plupart des promoteurs de la démocratie ne pensent pas à cela. Ils visent et veillent avant tout au rejet de la dictature, au refus de voir les despotes et autres potentats présider au destin des peuples.

En vérité, tout ce que ces gens visent par la démocratie c’est de voir le peuple choisir ses dirigeants comme il lui plaît, d’être en mesure de leur demander des comptes, de ne point leur obéir s’ils bravent la constitution de la nation — ou selon la formule islamique : lorsqu’ils enjoignent un péché —, et de pouvoir les destituer lorsqu’ils dévient et tombent dans l’injustice, tout en restant sourds aux conseils et aux mises en garde.
Le principe de la souveraineté de Dieu et son sens

À ce stade, je voudrais rappeler que la souveraineté de Dieu est un principe islamique fondamental, établi par tous les spécialistes des fondements dans leurs travaux concernant la gouvernance légale et le gouverneur. Ils sont unanimes sur le fait que Dieu — Exalté soit-Il — est le Souverain et que le Prophète a pour mission de transmettre de Sa Part. Dieu — Exalté soit-Il — est Celui Qui ordonne et interdit, déclare le licite et l’illicite, gouverne et légifère.

L’affirmation des Kharijites que « le jugement n’appartient qu’à Dieu » est vraie en elle-même, mais on leur reproche d’en user à mauvais escient lorsqu’ils y voient une preuve permettant de rejeter l’arbitrage des hommes dans les litiges, car cela est contraire aux énoncés du Coran entérinant, plus d’une fois, l’arbitrage des hommes, notamment l’arbitrage entre les époux en cas de conflit matrimonial. C’est pourquoi le Commandeur des Croyants `Alî — qu’Allâh l’agrée — leur a répliqué : « Voici une parole de vérité visant une fausseté ». Il a décrit leur parole comme étant une parole de vérité, mais leur a reproché de s’en servir pour des visées fausses. Comment pourrait-on dire que ce n’est pas une parole de vérité alors qu’elle est empruntée à la lettre du Coran : « Le jugement n’appartient qu’à Dieu » [32] ?

La souveraineté de Dieu — Exalté soit-Il — vis-à-vis des hommes est établie de manière certaine et se décline en deux sortes :

1. Une souveraineté universelle et de destinée, c’est-à-dire que Dieu dispose de l’univers selon Son bon vouloir, qu’Il régit les destinées, qu’Il gouverne le monde selon des lois immuables, fussent-elles connues ou inconnues, à l’instar de ce qu’énonce le verset : « C’est Dieu Qui juge et personne ne peut s’opposer à Son jugement, et Il est prompt à régler les comptes. » À l’évidence, ce que l’on entend ici c’est la souveraineté vis-à-vis de l’univers et des destinées, et non pas la souveraineté légale injonctive.

2. Une souveraineté légale injonctive, c’est-à-dire la souveraineté du commandement, de l’injonction et de l’interdit, celle de l’obligation et du choix, celle qui s’est manifestée dans les messages transmis de la part de Dieu par les prophètes, qui a été consignée dans Ses Livres, mise en vigueur par Ses lois, et comprend ce qu’Il a rendu licite ou illicite.

Ce second type de souveraineté ne peut guère être rejeté par un musulman ayant agréé Dieu comme Seigneur, l’islam comme religion et Mohammad — paix et bénédictions sur lui — comme prophète et messager.

Le Musulman qui fait la promotion de la démocratie y voit une forme de gouvernement permettant de concrétiser les principes politiques de l’islam relatifs au choix du dirigeant, à la concertation et au conseil, à l’injonction du bien et à la réprobation du mal, à la résistance à l’injustice et au refus des transgressions, notamment lorsque cela atteint le niveau de la mécréance manifeste (Al-Kufr Al-Bawwâh) sur des sujets tranchés par des preuves divines.

Ceci est confirmé par le fait que la constitution stipule, en sus de l’attachement à la démocratie, que l’islam est la religion de l’État et que la législation islamique est la source des lois. Or, ceci réaffirme la souveraineté de Dieu, c’est-à-dire la souveraineté de Sa loi, et qu’elle a le dernier mot. Il est également possible d’ajouter à la constitution un article explicite, stipulant la nullité de toute loi ou régulation contraire aux principes indisputés de la Sharî`ah et ce, en guise de réaffirmation de ce principe et non en tant qu’énoncé original d’un fondement nouveau.

Il ne découle donc pas de la promotion de la démocratie que la souveraineté du peuple s’oppose nécessairement à la souveraineté de Dieu, car les deux ne sont pas mutuellement exclusifs. Mais, à supposer que ce raisonnement soit correct, l’opinion retenue par les spécialistes parmi les savants musulmans stipule que les prérequis d’une doctrine ne font pas partie de la doctrine et, partant, qu’il n’est pas permis de jeter l’anathème sur les gens, ni de les accuser de perversion, au vu des prérequis de leur doctrine. Car il est possible qu’ils n’adhèrent pas à ces prérequis, voire qu’ils n’y pensent même pas.
 
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