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Culture Interview de Badia Hadj Nasser
B
4 janvier 2009 13:35
expression libre

Culture
Interview de Badia Hadj Nasser
La psychothérapeute Badia Hadj Nasser, une figure de proue de l'écriture féminine au Maroc et auteur du célèbre roman "Le voile mis à nu", a bien voulu accepter de répondre aux questions de "Expression Libre".
Nous remercions Badia Hadj Nasser pour sa disponibilité, malgré ses multiples déplacements et ses différentes occupations.

Badia Hadj Nasser, vous êtes psychanalyste. Comment est né votre intérêt pour la littérature ?

J’ai été bercée par les contes dès ma plus tendre enfance. La transmission orale des contes est une formation importante pour l’enfant. De là peuvent naitre des vocations... Qui sait ? Ce fut mon cas.



Après la publication de son premier roman, Halima Ben Haddou a déclaré à Jeune Afrique « Aicha c’est l’héroïne, mais la rebelle c’est moi. ». Dans votre roman Le voile mis à nu en 1985, votre héroïne Yasmina a choqué plus d’un au Maroc à l’époque. Pourquoi cette transgression des tabous en créant une héroïne qui mène une vie d’errance sexuelle ?

Nous connaissons tous et toutes l’expression concernant une femme : « ses pieds se sont allongés » ou « ses pieds sont sortis du bât ». Pour une psychanalyste c’est une veine rare d’illustrer ce symbole ancré dans notre expression verbale.

Votre roman Le voile mis à nu est considéré à une certaine époque comme le plus « osé » du Maghreb. Est-il un roman militant, ou cherchiez-vous la notoriété par le scandale ?

Quelle que soit la langue, il me semble intéressant de faire certains rapprochements entre ce qui est désigné dans le parler courant et le réel. En français par exemple les premières femmes qui sont sorties sans chapeau étaient désignées par l’expression « une femme en cheveux » ce qui au premier abord ne semble pas très explicite. Chez nous au Maroc quand une femme ne portait pas dans la rue le haïk ou la djellaba elle était désignée par le terme « nue » On disait la fille d’un tel est sortie nue alors même que la fille d’un tel pouvait porter un manteau, des gants...D’où le titre du roman « Le voile mis à nu »

Peut-on parler d’une écriture féminine au Maroc ? Si oui quelles sont ses caractéristiques ?

La féminité au Maroc m’enchante et me séduit. Nous avons une féminité rare. Peut-être le fait que nous avons dû être extrêmement vigilantes jusqu’à il ya peu de temps sur notre sort.

Qu’est-ce qui fait la différence entre l’écriture féminine et l’écriture masculine ?

Je peux parler de lieux le rituel du hammam par exemple auquel un homme n’a pas accès et réciproquement. Il y a là peut-être un enjeu de l’écriture que personnellement je considère comme une richesse de la littérature marocaine.

Pourquoi la fascination pour le corps féminin dans vos romans ?

Vous l’avez remarqué ? C’est la preuve d’une lecture attentive ce dont je vous remercie. J’aime décrire la danse, les parures. Je décris aussi les violences faites aux femmes.

Qu’est-ce qui motive votre intérêt pour les Mille et une nuits ?

J’ai été bercée par les Mille et une nuits. La princesse Shahrazade est une battante. Elle œuvre pour le bien de la cité. Elle ne part pas perdante. elle réussit.

Quel rôle joue Tanger en tant qu’espace dans vos romans ?

Voilà une question qui me va droit au cœur. Et je vous remercie de me la poser. Le rôle joué par l’espace dans mon écriture est essentiel. Je dirai que l’intrigue s’articule à partir de l’espace. Je viens de terminer un livre « Les Hédonistes » recueil de nouvelles dont la première page inaugure une dialectique de l’espace que j’appelle dedans dehors dialectique qui pour moi est essentielle dans la compréhension de l’intrigue.

Nous remarquons l’attrait que Tanger exerce sur vous. Est-ce parce que vous êtes tangéroise ? Où parce que vous êtes sensible, comme Paul Bowles et Mohammed Choukri, à la poésie qui se dégage de cette ville à quatorze kilomètres de l’Europe ?

Le Maroc entier dégage de la poésie. Eugène Delacroix s’est extasié sur Tanger dès son arrivée sans parler d’Henri Matisse. La réfraction que procurent à la fois les deux mers n’est qu’un attrait de la ville.

Siham Benchekroun, Bahaa Trabelsi, Houria Bousjra ont écrit dernièrement des romans aussi osés que votre Voile mis à nu. Pensez-vous que c’est par mimétisme ou est-ce l’expression du vent de liberté qui souffle sur le Maroc ?

Nous sommes amenés au Maroc à réaliser de grandes choses. Nous femmes seront et sommes déjà les artisans d’un grand Maroc comme l’ont été avant nous nos mères. Le Maroc a une tradition où les femmes ont toujours été porteuses d’avenir.

Badia Hadj Nasser, un grand merci pour nous avoir accordé un peu de votre temps. Cette interview fera le bonheur de vos lecteurs.

Merci à vous et à vos lecteurs, lectrices. L’acuité et la pertinence de vos questions m’ont fait passer un bon moment, j’espère que vous aurez du plaisir à me lire.





AUTEUR : Nadia Bouziane
 
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