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MEA CULPA - "Pourquoi je quitte Goldman Sachs"
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15 mars 2012 09:57
14 mars 2012

Le Monde.fr

Le directeur général de Goldman Sachs, Lloyd C. Blankfein, témoigne devant une sous-commission du Sénat américain en juin 2010, dans le cadre d'une enquête sur le rôle des banques d'investissement dans la crise financière de 2007. images/AFP

Greg Smith n'est pas un banquier anarchiste. Directeur exécutif chargé des marchés des produits dérivés en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique pour la banque d'affaires Goldman Sachs, il a cru pendant près de douze ans à l'intégrité de son entreprise. Mais aujourd'hui, il démissionne et, démarche rare dans cette institution puissante et secrète, il annonce son départ avec fracas, dans une tribune publiée mercredi par le New York Times, en dénonçant un fonctionnement de l'entreprise "plus toxique et destructif que jamais".

M. Smith ne dit pas grand-chose des agissements cyniques de la banque révélés lors de la crise financière de 2008, de son système d'influence (lien abonnés), de la coexistence problématique en son sein d'activités de montages financiers classiques et de spéculation immodérée.

Non, M. Smith est inquiet pour ses clients, à tel point qu'il "n'arrive plus à regarder les stagiaires dans les yeux" lorsqu'il leur vante le travail de sa banque. Il accuse les responsables de Goldman Sachs de "mettre de côté" les intérêts de leurs clients, de les considérer comme des vaches à lait imbéciles et de ne plus chercher qu'à s'enrichir sur leur dos. Il blâme directement le directeur général de la banque, Lloyd C. Blankfein, et son président, Gary D. Cohn, pour avoir laissé s'installer cette culture, qui ne peut mener l'entreprise qu'à sa perte, selon lui. "Des gens qui se préoccupent uniquement de faire de l'argent ne peuvent maintenir cette entreprise à flots — ou garder la confiance de leurs clients — pour encore bien longtemps", écrit-il.

Les clients de M. Smith ne sont pas des petits porteurs. Il dit avoir conseillé, au fil de sa carrière, deux des principaux hedge funds de la planète, cinq des plus grands gestionnaires de portefeuilles américains et trois des plus importants fonds souverains du Moyen-Orient et d'Asie. "Mes clients représentent un portefeuille total de plus d'un millier de milliards de dollars", écrit-il.

Cela ne suffit pas à faire la fierté de ce banquier "à l'ancienne", selon ses propres mots, originaire d'Afrique du Sud, ancien boursier de l'université américaine de Stanford, qui dénonce le comportement de rapace de ses collègues promus aux plus hauts postes de direction. "Aujourd'hui, si vous faites gagner assez d'argent à la firme (et si vous n'avez assassiné personne à l'aide d'une hache) vous serez promu à un poste influent", écrit-il.

Et de lister trois façons de grimper vite dans la maison : refourguer à ses clients des actions et des produits financiers dont Goldman Sachs cherche à se débarrasser, les pousser à investir dans des produits qui ne sont peut-être pas les meilleurs pour eux, mais qui rapporteront le mieux à Goldman Sachs, et "s'assoir dans un fauteuil d'où vous ferez commerce de n'importe quel produit opaque et non liquide avec un acronyme en trois lettres".

La tribune de M. Smith a déclenché une tempête de commentaires mercredi, que le Times suit en direct sur cette page. Dans la matinée, Goldman Sachs a réagi brièvement, selon la culture maison, généralement peu réactive face aux critiques. Une porte-parole a exprimé le "désaccord [de la banque] avec les opinions exprimées" par M. Smith. "Nous ne pensons pas qu'elles reflètent fidèlement nos pratiques. Nous pensons que nous ne réussirons que si nos clients réussissent. Cette vérité fondamentale est au cœur de notre manière d'agir,” déclarait-elle.

Selon le Wall Street Journal, qui cite une source anonyme proche du dossier, M. Smith est en réalité un vice-président de Goldman Sachs, une position tenue par des milliers d'employés de la firme à travers le monde. Il est par ailleurs le seul employé de la branche qu'il dirige, selon cette source. Le quotidien américain de la finance précise que le faible bonus annuel reçu en 2012 par M. Smith avait "suscité des frictions", selon plusieurs sources anonymes. Ces dernières accusent M. Smith de ne pas avoir exprimé ses critiques auprès de sa direction avant de démissionner en fanfare.

M. Smith ne dit pas s'il compte se reconvertir dans une banque d'investissement qu'il jugerait plus saine, ou passer tout de go à d'autres œuvres plus sociales.
 
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