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La crise de la démocratie occidentale
M
16 novembre 2005 22:18
Foisonnement des pratiques, renouveau théorique

Par-delà la crise de la démocratie

Par Anne-Cécile Robert



La crise de la démocratie occidentale n’est plus un secret pour personne. Cependant, de quelle crise s’agit-il exactement ? Qu’est-ce qui ne fonctionne plus dans nos institutions et dans notre vie politique ? De la réponse à ces questions dépendent évidemment les solutions à apporter au mal. Mais ce nécessaire diagnostic permet aussi de mettre au jour les fausses solutions qui ne feraient qu’aggraver la situation.

Une imposante livraison de La Revue du Mauss observe le spectre du totalitarisme qui guette les sociétés mondialisées (1). Non pas un totalitarisme similaire à celui qui a sévi en Union soviétique ou dans l’Allemagne nazie, mais une nouvelle forme d’oppression issue de la désaffection des citoyens eux-mêmes pour l’idéal démocratique. La démocratie, méthodiquement vidée de son contenu, ne serait plus qu’un théâtre d’ombres ; elle serait en train de mourir faute de combattants.

Le politologue Jacques Capdevielle démontre ainsi comment une idéologie du renoncement est distillée par une partie des élites et par les penseurs libéraux. Analysant l’ampleur des dysfonctionnements institutionnels, il les replace dans la crise globale de la légitimité du pouvoir. En effet, l’abstention croissante aux élections s’accompagne d’un renouveau des luttes et d’une demande de démocratie. Membre de l’association Attac, l’auteur analyse le rôle que peuvent jouer la « société civile » et les réseaux militants. Cependant, rien ne saurait, selon lui, remplacer les instances de représentation. Il suggère une restauration de la politique comme lieu où s’élabore l’organisation collective de la cité (2).

Adoptant un tout autre point de vue, Marin Ledun, docteur en sciences de la communication, explique comment l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication peut influencer le fonctionnement des institutions et transformer la nature de l’espace public. Un livre parfois difficile d’accès, mais qui a le mérite de replacer, par exemple, le marketing politique dans le phénomène global d’extension de la sphère marchande (3).

L’issue à la crise ne peut se trouver que dans un réinvestissement de l’idéal démocratique par l’ensemble de la société. Un renouveau de la citoyenneté, comme concept philosophique et opératoire, est nécessaire alors que la logique inégalitaire du capitalisme mondialisé prive la grande majorité des individus de leur parole et de la maîtrise de leur destin. Contrairement à une idée reçue, il existe un foisonnement de pratiques nouvelles, souvent ignorées car très localisées et dispersées. Mêlant expériences concrètes et réflexions théoriques, un ouvrage collectif rend compte de la multiplicité de ces expériences civiques dans le monde (4). Ainsi de la gestion locale, qui se transforme alors qu’on évoque de plus en plus une « démocratie de proximité ». Les différentes contributions permettent d’en éclairer les contours et les enjeux.

Ces ouvrages révèlent ce qui est en jeu dans le renouveau de la démocratie : tout simplement la capacité de l’être humain à résister aux nouvelles formes d’oppression qui aliènent son esprit critique et légitiment les inégalités sociales.





(1) La Revue du Mauss, n° 25, premier semestre, La Découverte, Paris, 2005, 526 pages, 30 euros.

(2) Jaques Capdevielle, Démocratie : la panne, Textuel, coll. « La discorde », Paris, 2005, 188 pages, 19 euros.

(3) Marin Ledun, La Démocratie assistée par ordinateur, Connaissances et savoir, Paris, 2005, 550 pages, 29 euros.

(4) Marie-Hélène Bacqué, Henri Rey, Yves Sintomer, Gestion de proximité et démocratie participative, La Découverte, coll. « Recherches », Paris, 2005, 314 pages, 28,50 euros.



[www.monde-diplomatique.fr]


 
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