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Ne pas confondre beur et blédard !
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3 mai 2005 21:34
Blédard... C’est dans le RER, il y a dix ans, que j’ai entendu prononcer ce mot pour la première fois. Des lycéens - beurs en majorité - chahutaient. Casquettes, vêtements et baskets de marque. Hurlements, bousculades, crachats au sol et insultes faciles : le smir façon banlieue parisienne. Triste mais habituel spectacle sur la partie nord de la ligne D abonnée aux retards et aux « incidents voyageurs » pour reprendre l’expression pudique de la SNCF. Je lisais La Nation et le bruit m’indisposait. Peut-être ai-je laissé s’échapper un soupir bruyant ou risqué un regard désapprobateur. De quoi, en tous les cas, provoquer la réaction immédiate de l’un des yôs - terme adopté par votre serviteur pour désigner les énergumènes nourris aux clips de rappeurs mythomanes, machistes et indécents. « J’en vois un qu’est pas content ! », a crié l’un d’eux. « Laisse-le tranquille. T’as vu son journal ? C’est un blédard », lui a conseillé un autre à mon grand soulagement. Soulagement ? Ceux qui, installés dans une rame quasiment déserte, ont fait un jour l’expérience de voir soudain débouler une horde de yôs me comprendront...

Je venais donc d’être classé - et à raison - dans cette catégorie que les médias français ont toujours du mal à appréhender quand il s’agit d’évoquer les sempiternelles questions liées à « l’intégration », à « l’immigration », au « malaise des banlieues » ou encore à « l’islam des cités », etc. Le blédard, c’est le nouveau débarqué. Nouveau en comparaison de ceux qui furent transportés en France au siècle dernier et dont l’ancienneté a en quelque sorte été transmise à leurs enfants. Des enfants de nationalité française mais dont on parle encore comme des « fils d’immigrés » voire des « immigrés de la nouvelle génération » ou mieux encore comme des « immigrés français ».

Blédard... Longtemps, ce terme a désigné, non sans un certain mépris, les cousins du bled. Ceux qui vivaient de « l’autre côté » et qui parfois, l’espace d’un visa ou d’une allocation de devises (qui se souvient de « ss’hâb trente- deux mille » ?), arrivaient en France pour quelques jours ou semaines. Mais aujourd’hui, le blédard, c’est avant tout celui qui vit depuis peu en France. Il n’y est pas né et s’il y a fait ses études, c’est souvent après le baccalauréat. Surtout, il parle l’arabe, du moins la darja, sans difficulté et ne dit pas « ouala » ou « sur le Coran » quand il doit jurer. En un mot, c’est l’Arabe de France, ou mieux, le Maghrébin de France qui n’est pas beur.

Le plus souvent, le blédard refuse absolument d’être confondu avec un beur. Dans ses rapports avec les « Français de souche » ou les « Gaulois » voire les « BBR » (bleu-blanc-rouge), il s’arrange rapidement pour mettre les choses au point. En un mot, son message c’est : « Je viens de ‘là-bas’. La cité, SOS Racisme et le reste, je ne connais pas ou peu. Et si c’est possible, je préfère ne pas connaître ».

L’auteur de cette chronique n’échappe pas à la règle. Il y a quelques années, je faisais remarquer à une consoeur parisienne que je trouvais symptomatique le fait qu’aucun journaliste de notre rédaction n’était beur ou encore moins d’origine antillaise ou d’Afrique noire. C’était en 2002, quelques semaines après l’arrivée de Le Pen au second tour et l’on parlait alors beaucoup de l’intégration et de l’absence de progrès en la matière. J’ajoutais même que notre journal n’était absolument pas une exception puisque la situation était identique dans toutes les chaînes de télévision et même dans d’autres quotidiens à commencer par celui « du soir de référence » toujours prompt à moraliser le monde via ses éditoriaux mais incapable de regarder sa propre réalité discriminatoire.

« Mais... et toi ? », m’a alors demandé ma consœur. J’ai répondu sans réfléchir mais avec beaucoup d’irritation que ce n’était pas la même chose. Que j’étais tout sauf « le beur de service ». J’étais un migrant, un étranger empli d’une autre réalité - celle de son pays d’origine - qui avait cherché du travail ailleurs que chez lui ; un Algérien qui aurait très bien pu atterrir à Doha ou à Montréal. A l’inverse, les stagiaires beurs que l’on voyait parfois passer dans la rédaction sans être jamais retenus - ils venaient pourtant des meilleures écoles de journalisme - étaient bel et bien de nationalité française. « Tu exagères ! », a insisté ma collègue en digne représentante de la bien « penseance » socialiste. « Il y a quand même des gens comme Rachid Arhab. Les choses avancent », a-t-elle ajouté. « Arhab est l’arbre qui ne cache aucune forêt », ai-je répondu pour clore cette discussion qui ne menait nulle part et qui reste encore d’actualité malgré les beaux discours et les promesses d’une télévision un peu plus bleu-blanc-beur.

Le premier observateur un tant soit peu attentif remarquera que le blédard et le beur ont des attitudes souvent différentes au quotidien. La relation que le premier entretient avec la France diffère en effet de celle qui, disons-le, oppose le second à ce même pays. Bien sûr, il y a le visa, les tracasseries à la préfecture et les obstacles - énormes, il ne faut pas se leurrer - pour l’emploi et le domicile. Mais le blédard est un optimiste. Inconscient peut-être mais optimiste ce qui le fait monter à l’assaut de citadelles dont il ignore tout de leurs défenses. Inconscience et absence de complexe qui, paradoxalement, lui ouvrent souvent des portes qui demeurent désespérément closes pour le beur. Le fait est que le blédard ne ressent pas sur son dos toute cette chape de rancoeur et même de révolte que nombre de beurs peuvent éprouver à l’égard de leur propre pays. Un pays qu’ils ne cessent d’accuser de les avoir privés du minimum de chances pour réussir. Le blédard est déjà dans un rapport post-colonial avec la France tandis que le beur demeure - à tort ou à raison - englué dans ce « continuum colonial » que dénoncent les associations qui veulent faire de la journée du 8 mai, l’occasion de manifester au nom des « indigènes de la République ». Dans le regard, dans le discours du beur, il y a souvent un désir de revanche, une volonté exacerbée de se voir enfin reconnaître sa place dans la société française. Cela influe sur son attitude, sa manière d’appréhender les événements les plus insignifiants de la vie courante. La « beur attitude », c’est un mélange de fierté, de colère et de susceptibilité. C’est une souffrance que l’on devine mais qui ne rend pas pour autant sympathique celui qu’elle torture.

Akram Belkaïd
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
3 mai 2005 21:42
[www.yabiladi.com] grinning smiley
La vie est un CDD. lorsque tu seras DCD, l'au delà sera ton CDI ,améliores ton CV en attendant ton Entretien.Allah punit les injustes tot ou tard !
B
3 mai 2005 21:57
Bravo, trés bon article. Je me reconnais dans la description du blédard inconscient... Merci d'avoir partagé avec nous cette article...

Cordialement,
Badr
la liberté n'est pas faire ce qu'on veut mais vouloir ce qu'on fait.
L
4 mai 2005 00:32
Bravo à l'auteur de l'article et j'espére que les esprits bornés de l'autre côté de forum comprendront ça mais ça m'etonnerai.
a
4 mai 2005 01:44
je hais ce terme bledard.

al hamdoulillah qu il n y a pas de titre aussi diminutifs que ca ici au canada

les marocains en france acceptent qu on les appelle n importe quoi.

les effets du colonialisme sont encore vivantssad smiley





Modifié 1 fois. Dernière modification le 04/05/05 01:51 par adelko.
r
4 mai 2005 10:05
Salam alikoum,

Je reconnais que c'est un très bel article mais un "généralisé" et critiqueur lorsque tu dis " des « fils d’immigrés » voire des « immigrés de la nouvelle génération » ou mieux encore comme des « immigrés français » """""... grinning smiley

Bref mis à part cela...je suis ok avec aicha :

"" Quand vous serez grands ne gardez de rancune envers personne. N'oubliez jamais que tous hommes sont frères et qu'il faut répondre aux offenses et même au mal par le pardon et l'amour """"
a
4 mai 2005 17:36
adelko a dit :

les marocains en france acceptent qu on les appelle n importe quoi.

les effets du colonialisme sont encore vivants


tout à fait d'accord ,y a qu' en france qu'on entend pareils surnoms ,le pire c'est les marocains eux meme qui s'inventent de tel surnoms,et la majorité qui ne supporte pas son propre prenom,des abdel nour ,abdellah,abdel karim qui deviennent "abdel" ou "abby" ,et des mostapha et mohamed qui deviennent momo ou mo, y'en a meme qui se prennent des prenoms europiens,apres on s'etonne que les autres leur balancent des surnoms foireux .

s
4 mai 2005 18:53
Cet article mets en confrontation deux profils opposés. Il avance des vérités mais oublies d'autres. La communauté marocaine peut être divisé en 4 catégories-à mon avis- :

Les blédards d'en haut : Pour la plupart des cardes ayant fait une partie de leur études supérieures en France. Ils gagnent bien leur vie et snobent les autres (pas tous). Leur ruéssite professionnelle fait d'eux des bons français.

Les blédars d'en bas : Les sans papiers ou les étudiants en situation précaire et cherchant à s'installer en France. Leur désarroi les mène parfois à chercher des mariages blanc... C les plus souffrants.

La racaille : Detestés par tout le monde. Leur vocabulaire ne dépasse pas les 100 mots (pour la plupart des insultes). Leur train de vie s'arrete souvant à fleury merogis.

Les beurs : Les iciciens. Nés en France et pris en entaille depuis leur jeune age entre l'attitude des français et l'image que donnent la racaille. Un bon niveau d'études et des engagements associatifs.

C'est un exercice dificile de vouloir cataloguer les gens. Corrigez moi si je me suis trompé.
 
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