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Concours de belles paroles euro-africaines à Rabat
12 juillet 2006 23:07
"Développer l'Afrique" pour "mieux maîtriser l'immigration", sans pour autant "encourager la fuite des cerveaux"... Le premier sommet euro-africain sur l'immigration s'est donné des objectifs louables. Mais il suscite quelques commentaires désabusés dans la presse des pays concernés.


Toute la difficulté consiste à trouver l'équilibre. Entre la lutte contre l'immigration clandestine et la gestion d'arrivées légales. Entre la sécurité des clandestins et des pays de destination et le développement des Etats d'origine. Entre une Europe qui ne peut se laisser "déborder par une immigration incontrôlée" et une Afrique "qui ne souhaite pas la fuite de ses élites", a résumé le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, cité par La Libre Belgique.

Le quotidien marocain L'Economiste est tout fier d'annoncer que les 10 et 11 juillet, "Rabat abrite la conférence euro-africaine sur la migration et le développement. Une soixantaine de pays et d'organisations d'Europe et d'Afrique ont fait le déplacement pour participer à cette initiative hispano-marocaine à l'origine, soutenue par la France et l'Union européenne. C'est la première fois que ministres européens et africains - représentant les pays d'origine, de transit et de destination - se mettent autour d'une même table pour débattre de migration", relève La Libre Belgique.

Aujourd'hui le Maroc rappelle que cette conférence "répond au SOS lancé en octobre 2005 par le Maroc et l'Espagne, alors submergés par des assauts de clandestins africains sur les grillages des frontières des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, dans le nord du Maroc. Quatorze personnes avaient péri dans ces assauts. Le verrouillage policier ultérieur de cette unique frontière terrestre entre l'Afrique et l'Europe n'a fait que déplacer la pression vers l'archipel des Canaries, où plus de 10 000 émigrants africains partis de Mauritanie ou du Sénégal ont déferlé depuis janvier à bord de barques de fortune. Des centaines ont péri noyés."


Le Soleil cite avec beaucoup de révérence l'intervention du chef de la délégation sénégalaise, le ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio. "Une migration légale davantage facilitée contribuerait de façon significative à stabiliser les flux migratoires. L'impression de ne pas avoir la possibilité de visiter les autres pays du monde peut conduire les individus à des comportements regrettables. Les cadres professionnels de tous horizons ainsi que les étudiants ont besoin de séjourner temporairement dans les pays développés pour s'imprégner des innovations organisationnelles et technologiques qui sont les nouveaux moteurs de la croissance économique. Les hommes d'affaires du Sud, en particulier, doivent aller à la rencontre de nouveaux partenaires pour attirer chez nous des investisseurs, conquérir de nouveaux marchés et trouver des débouchés à nos produits. Le refus systématique du visa est une incitation, peut-être involontaire, à l'exploration des solutions de désespoir. Mais il reste entendu que l'organisation de la migration légale ne doit pas frayer le chemin à la fuite des cerveaux." Ce dernier point ne sera pas facile à obtenir. "Selon les estimations avancées en marge de la conférence, ils sont 4 millions d'Africains ayant des diplômes d'enseignement supérieur et ayant choisi de vivre en Europe", souligne L'Economiste.


Dans le quotidien espagnol El Mundo, Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne, semble répondre au ministre sénégalais. "L'Europe doit impérativement mettre en place des mécanismes pour contrôler globalement au niveau européen les conditions d'entrée des immigrants." Citée par le quotidien anglais The Times, sa collègue Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne aux Affaires extérieures, reconnaît que "l'Union ne peut plus ignorer les causes premières des mouvements de population, à savoir la pauvreté et l'insécurité".

Rappelant que "la Convention des Nations unies sur les migrants n'a été ratifiée par personne", L'Economiste estime que l'originalité de la conférence sera "d'enfin lier l'émigration au développement. Si les conditions de vie sont meilleures en Afrique, la tentation d'immigrer illégalement sera moins forte." Et Aujourd'hui le Maroc de se réjouir que "la Conférence de Rabat doit déboucher sur l'adoption d'une déclaration politique et d'un plan d'action conjuguant pour la première fois des mesures de contrôle des 'routes de l'immigration' clandestine, de développement et co-développement, et d'organisation de l'immigration légale".

Le quotidien espagnol ABC vient toutefois troubler cette belle unanimité. "Pour l'instant, ni les pays africains, ni les pays européens n'ont fait émerger autre chose que les idées classiques toujours rabâchées, répétant sans relâche les mêmes propos lénifiants. Les Africains se félicitent que ce sommet établisse un lien officiel entre le développement et l'émigration, et ils en profitent pour réclamer plus d'aide. Il faut pourtant sortir de ce schéma d'aide financière dont on sait qu'elle ne profite qu'aux dirigeants responsables du désastre qu'est aujourd'hui l'Afrique. Pendant que ceux-là s'enrichissent et que les ministres discutent à Rabat, des dizaines de milliers d'Africains attendent qu'on finisse de construire les barques sur lesquelles ils placent toutes leurs espérances futures."

Dans The Times, un officiel, Georg Lennkh, envoyé spécial de l'Autriche pour l'Afrique et ancien ambassadeur, émet lui aussi des doutes sur les résultats prévus du sommet de Rabat. "En Afrique, 80 % de la jeunesse est au chômage et cela constitue une vraie bombe sociale. Les dirigeants africains n'ont aucun intérêt à garder ces jeunes chez eux, il vaut mieux pour eux les laisser partir."


Eric Glover

Source : [www.courrierint.com]


Môh Tsu



Modifié 1 fois. Dernière modification le 12/07/06 23:08 par Moh Tsu.
 
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