A 73 ans, l'écrivain anglais John Le Carré conserve des colères de jeune homme, nourries des événements politiques que la Grande-Bretagne traverse, la guerre en Irak hier, les attentats aujourd'hui. Lors d'une rencontre avec quelques journalistes étrangers, vendredi 22 juillet, le maître du roman d'espionnage s'est livré à une réflexion sur le terrorisme assortie de vives critiques contre sa cible favorite du moment, le couple George Bush-Tony Blair.
"Il n'y a aucune logique dans le terrorisme, observe-t-il. Lui trouver une logique serait déjà lui conférer une dignité qu'il ne mérite pas. On ne peut l'excuser. Mais on doit chercher à l'expliquer. Lorsque quelqu'un veut vous tuer, il est utile de savoir pourquoi. Et c'est quelque chose qu'on cherche à nous décourager de faire, parce que Bush et Blair ne peuvent pas laisser établir un lien entre les attentats et la guerre en Irak."
John Le Carré était profondément hostile à l'invasion de l'Irak, ce qu'il a expliqué à l'époque dans des articles au vitriol contre la diplomatie américano-britannique. Pour lui, il est clair que la guerre "a attisé les flammes du terrorisme". "C'est une hérésie moderne, poursuit-il, en Grande-Bretagne et en Amérique, de suggérer que la guerre a pu, en quoi que ce soit ,pousser certains à commettre des actes terroristes. Bien sûr, la guerre ne les excuse pas. Mais il est idiot d'imaginer qu'elle n'a pas créé un contexte favorable à la terreur. Les services de renseignement avaient prévenu Blair que la guerre faciliterait le recrutement de terroristes." Pour l'écrivain, le terrorisme trouve ses racines dans les frustrations et les humiliations passées et présentes, un peu partout dans le monde : "Lorsque des communautés ont été longtemps exploitées, cela crée chez elles un désir de revanche, si psychotique ou erroné qu'il soit. Pour comprendre ce qui produit cette psychose qui conduit à vouloir "tuer, tuer, tuer", il suffit d'observer ces communautés."
"L'OFFENSE À LA VÉRITÉ"
L'inimitié que George Bush inspire à John Le Carré semble infinie. La bonne conscience du président américain le révulse : "M. Bush ne cesse de répéter que le mode de vie des Américains est le seul qui vaille. C'est à mes yeux un discours fondamentaliste. L'idée que ce mode de vie est universellement exportable est obscène. Si vous admettez un concept de type orwellien selon lequel l'Amérique est le bien, et l'islam le mal, il n'y a plus aucune souplesse de pensée." L'une des tragédies actuelles, c'est que Washington ne cherche pas à avoir de vrai contact avec l'islam. "Les couloirs de la Maison Blanche sont complètement étrangers aux voix de l'islam." L'écrivain est presque aussi dur pour Tony Blair : "L'alliance Bush-Blair a été une catastrophe pour les Britanniques. Nous avons ainsi aliéné notre relation avec l'Asie et avec l'Europe, et, en vérité, nous avons fantasmé sur notre relation avec les Etats-Unis. Nous avons même mis en danger notre sécurité nationale."
Pour John Le Carré, la politique de MM. Bush et Blair a aggravé la crise du système politique : "La tromperie de l'opinion a atteint un degré inacceptable. L'offense faite à la vérité est devenue scandaleuse et très dangereuse. En Grande-Bretagne, comme aux Etats-Unis, il n'existe en pratique aucune opposition parlementaire. Et les partis n'expriment pas ce que les gens pensent vraiment et ce dont ils parlent." John Le Carré serait-il devenu, avec l'âge, "radical" ? Il ne sait pas, assure-t-il, ce que ce mot veut dire. "Je ne pense pas être un radical, mais je suis en colère, oui. Mais, après tout, c'est l'attitude classique d'un vrai libéral anglais."
Jean-Pierre Langellier Article paru dans l'édition du Monde du 24.07.05
Modifié 1 fois. Dernière modification le 26/07/05 08:54 par mar_1.
[b]"Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas."[/b] [i]Géronimo[/i]
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