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Chine/Etats-unis : Alliés objectifs
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16 octobre 2006 20:40
CHINE - 1 octobre 2006 - par ALAIN FAUJAS

Tant que l’empire du Milieu finance indirectement l’énorme déficit américain, il n’y aura pas de guerre commerciale entre les deux géants.

Les États-Unis, qui doivent à la Chine un bon quart de leur énorme déficit commercial de 800 milliards de dollars par an, ne déclencheront pas d’offensive économique contre Pékin, contrairement au souhait de nombreux parlementaires américains. Le nouveau secrétaire au Trésor, Henry Paulson, qui a pris la succession de John Snow au mois de juillet, a enterré la hache de guerre à l’occasion d’un voyage de quatre jours dans l’empire du Milieu, du 19 au 23 septembre


Durablement installée à + 10 % par an, la phénoménale croissance chinoise a pour carburant des exportations, qui, de mois en mois, battent des records. Méritant son titre « d’usine du monde », la Chine a enregistré, en août, un nouvel excédent commercial exceptionnel de 18,8 milliards de dollars. Et ce n’est pas fini, si l’on en croit le ministre du Commerce, qui a annoncé, le 20 septembre, vouloir multiplier par sept les exportations de véhicules et de pièces détachées automobiles, les portant à 70 milliards de dollars d’ici à 2010, contre 10,9 milliards actuellement.

Cette frénésie d’exportations, soutenue par des prix imbattables, ne fait pas seulement des dégâts dans les balances commerciales des pays industrialisés ; elle supprime des emplois et contribue à la disparition de pans entiers de l’appareil de production, à commencer par le secteur textile en Occident. Libéralisation du commerce mondial oblige, les pays victimes ne peuvent guère s’insurger contre les coûts salariaux chinois, trente fois inférieurs aux leurs. En revanche, ils refusent désormais que la Chine ajoute à cette compétitivité l’avantage d’une monnaie sous-évaluée, qui lui permet de réduire encore ses prix et d’accroître ses exportations.

Confrontés à la multiplication des protestations, y compris chez leurs voisins asiatiques, les Chinois ont abandonné, le 21 juillet 2005, le lien fixe qui liait leur yuan au dollar pour l’arrimer à un panier de devises et permis une légère fluctuation de son cours. Le yuan s’est apprécié en un an de 4 %. « Totalement insuffisant ! » s’est exclamée la communauté économique internationale. À Singapour, les sept pays les plus riches de la planète, le G7, ont déclaré une fois de plus, le 16 septembre, qu’« une plus grande flexibilité des taux de change est souhaitable dans les économies émergentes qui affichent d’importants excédents des comptes courants, en particulier la Chine ». Le Fonds monétaire international (FMI) ne rate pas une occasion de préconiser « une appréciation plus sensible de la monnaie chinoise pour aider à réduire l’excédent des comptes courants » de la Chine.

C’est aux États-Unis que le ressentiment contre Pékin est le plus virulent. On y a entendu des sénateurs réclamer une réévaluation du yuan de 30 %, voire 50 %, faute de quoi des représailles commerciales devraient être décidées. Tout en réclamant officiellement aux Chinois « une politique de changes plus flexible », Henry Paulson s’est désolidarisé de ces « va-t-en-guerre ». Fin connaisseur de la Chine, où il a effectué plus de soixante-dix voyages en tant que président de la banque d’affaires Goldman Sachs, le secrétaire au Trésor sait que Pékin n’acceptera jamais de se laisser dicter sa politique économique et monétaire. Il sait aussi que les États-Unis et la Chine se tiennent par la barbichette, car celle-ci utilise une partie de ses 950 milliards de réserves pour prêter aux Américains une partie des 2 milliards de dollars dont ils ont besoin, chaque jour, pour financer leurs déficits. Que le commerce extérieur chinois s’effondre et les bons du Trésor américains auront du mal à trouver preneur.

Paulson comprend les dirigeants chinois, qui tentent de ralentir leur économie sans en casser la dynamique par une politique monétaire inappropriée, car la croissance est indispensable pour diffuser le développement dans ce pays de 1,3 milliard d’habitants. Comme le dit l’un des grands argentiers européens, « le yuan n’est pas le problème ; il faut d’abord régler les questions d’une consommation domestique insuffisante et de la réforme d’un système bancaire archaïque. Ensuite, les fluctuations monétaires seront infiniment plus faciles à équilibrer ». Paulson partage cette analyse. Pour lui, une économie chinoise en panne serait encore plus problématique pour les États-Unis. Il refuse de « se laisser entraîner dans une rhétorique politique nocive ou dans la démagogie ». Il ne cherche pas une « solution rapide, à court terme » à la querelle sino-américaine. Il a donc décidé, le 20 septembre à Pékin, avec la « femme la plus puissante de Chine », Wu Yi, vice-Premier ministre, d’organiser un « dialogue stratégique » régulier entre les deux « locomotives » de la planète sur l’ensemble de leurs relations économiques et financières et pas seulement sur leurs différends.

Le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois, a applaudi la nouvelle approche américaine et jugé « rafraîchissants » les propos de Paulson. L’excédent commercial chinois a encore de beaux jours devant lui.


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