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Chat avec T. Ramadan
T
27 septembre 2006 21:20
Salam

Lien mis par Andi sur le forum "Actualités internationales". Je me suis permis de copier - coller, car réponses de T. Ramadan me semblent intéressantes.




LEMONDE.FR | 22.09.06 | 17h05 • Mis à jour le 27.09.06 | 16h52

L'intégralité du débat avec Tariq Ramadan, islamologue et président du European Muslim Network, mercredi 27 septembre 2006


Alik : Que pense Tariq Ramadan de la réaction des musulmans vis-à-vis des propos du pape ?

Tariq Ramadan : J'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet à plusieurs reprises. Les réactions ont été à mon sens excessives. Je pense qu'il fallait écouter très précisément ce que disait le pape.

Sa citation était certes maladroite, mais il n'a fait que reposer la question de la relation de l'islam et de la violence à laquelle les musulmans se doivent de répondre clairement.

Ce qui était plus problématique dans son propos, c'était sa réflexion sur la relation privilégiée du christianisme et de la tradition philosophique grecque, disqualifiant ainsi l'islam dans son apport à la construction de l'identité européenne. Sur ce sujet, il est nécessaire d'ouvrir un débat, et non pas de réagir émotionnellement.


Mocherka : Parler de l'islam ou de l'islamisme est-il devenu tabou ?

Tariq Ramadan : Il ne faut pas que ça le devienne, même si aujourd'hui les sensibilités à fleur de peau font que nous n'arrivons plus à discuter sereinement de questions essentielles. J'ai souvent répété que les musulmans devaient prendre une distance intellectuelle critique vis-à-vis des questions qui leur sont posées ou de l'ironie à laquelle ils doivent faire face.

De la même façon, je pense que toutes les questions qui proviennent de l'Europe ou de l'Occident sont légitimes. La seule chose qui me paraît aujourd'hui faire partie de l'approche raisonnable, c'est d'éviter les provocations inutiles. Des questions sérieuses nécessitent des réflexions sérieuses, et la provocation ou l'insulte ne nous aideront pas à avancer.


Flavius : Pensez-vous que l'islam devrait être réformé pour pouvoir promouvoir un islam du XXIe siècle comme le déclarent certains ?

Tariq Ramadan : Je pense que la tradition théologique et légale islamique porte en elle les moyens d'une réforme continuée. Ce qui pose problème aujourd'hui, c'est la frilosité de certains savants musulmans, la connaissance trop superficielle des objectifs de la tradition musulmane chez beaucoup de ses fidèles, ajoutées à une approche souvent superficielle des problèmes contemporains (économie, sciences, progrès).

Ce qu'il faut donc absolument réformer, c'est l'approche que les savants et les intellectuels musulmans ont de leurs références, afin d'apporter de nouvelles réponses à de nouveaux défis.


Made : Un pouvoir religieux en islam comme la papauté favoriserait-il le dialogue entre l'islam et les autres religions ?

Alain : Pensez-vous qu'il serait bon que l'islam ait son "pape", qui puisse s'exprimer au nom de l'islam ?

Tariq Ramadan : Je crois que le fait de ne pas avoir de pouvoir central ou d'autorité unique offre un potentiel de diversité et de pluralité à l'intérieur de l'islam qui a fait sa richesse dans l'Histoire.

Ce qui fait problème aujourd'hui, ce n'est pas l'absence d'une autorité centrale, c'est l'incapacité des musulmans à gérer sereinement leur diversité. En d'autres termes, ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est d'un débat intracommunautaire qui permette la diversité dans le dialogue et qui ne produise pas la division dans les accusations respectives. Nous avons fait d'une qualité (pas de pouvoir central) un défaut (division entre les tendances).


Emilie : Pensez-vous que l'islam soit compatible avec la démocratie occidentale ?

Tariq Ramadan : La première des choses qu'il faut dire, c'est qu'il y a déjà de l'islam dans la tradition occidentale et il y a déjà de l'Occident dans la tradition musulmane : il me paraît faux de proposer une approche binaire.

Cela étant, il n'y a absolument aucune contradiction entre les principes sur lesquels se fonde la démocratie et les références islamiques. L'Etat de droit, la citoyenneté égalitaire, le suffrage universel, le fait pour l'élu d'avoir à rendre des comptes devant ses électeurs et la séparation des pouvoirs, qui sont les principaux éléments qui définissent la démocratie, sont tout à fait compatibles avec l'islam.

Ce que nous devons espérer, c'est que ces principes soient appliqués partout, mais que chaque société trouve son modèle de démocratie correspondant à son histoire, à sa culture et à sa psychologie collective, comme cela est le cas dans chacune des différentes sociétés européennes ou américaines.


Gilaz : Monsieur Ramadan est-il pour l'application de la charia ?

Tariq Ramadan : Ma définition du concept de charia se traduit par : "la voie qui mène à la fidélité." Or pour moi, la voie de la fidélité, c'est l'application de la justice, la reconnaissance de l'égalité des citoyens et le droit pour chacun, femme et homme, d'être respecté dans son être et sa dignité.

Quant à l'application de ce qu'on dit être la "charia", et qui serait l'application des peines et des châtiments, je me suis clairement opposé à cette application en affirmant qu'elle trahissait l'esprit même du message de l'islam.

J'ai demandé à ce qu'un débat s'ouvre sur cette question dans le monde musulman, persuadé que c'est la peur des populations musulmanes qui empêche aujourd'hui les savants musulmans de s'exprimer clairement sur cette question.


Vincent : Que faites-vous de l'inégalité homme - femme, latente dans le Coran ?

Pentas : Qu'en est-il de l'égalité entre les hommes et les femmes ?

Tariq Ramadan : Le texte coranique a été révélé entre 610 et 632 de l'ère chrétienne à une population particulière. Le message pour les musulmans est éternel, mais il ne peut être compris qu'à la lumière du contexte qui lui donne sens.

En d'autres termes, le Coran parle à des populations qui, au moment du début de la révélation, tuaient les jeunes filles, considérant que c'était par déshonneur, et la révélation se termine vingt-trois années plus tard en affirmant que parmi les signes de la présence du créateur, il y a l'amour, l'affection qui s'établit entre la femme et l'homme dans un rapport d'égalité dans le couple.

Nous assistons donc sur vingt-trois années à une pédagogie divine qui cherche à transformer les mentalités et à les mener à l'idéal de l'égalité : toute lecture littéraliste du texte pourrait effectivement mener à justifier des discriminations.

Mais ce qui est impératif, c'est de comprendre le texte dans son contexte et avec les objectifs de sa pédagogie. Raison pour laquelle j'appelle véritablement à une mobilisation des femmes pour la reconnaissance de leurs droits légitimes et contre les deux types de discriminations auxquels elles font face aujourd'hui : la discrimination produite par les lectures littéralistes et qui ne contextualisent rien ; et les lectures strictement culturelles qui justifient par le texte religieux des pratiques culturelles qui, en fait, ne sont pas islamiques.

Il faut absolument s'opposer au mariage forcé, à la violence domestique, à l'excision. Quant à la polygamie, elle est exprimée dans le Coran comme une tolérance et non comme une règle à laquelle la première épouse peut s'opposer clairement et catégoriquement. Ce que la majorité des femmes musulmanes ignorent aujourd'hui.


Denis Francois : Pourquoi a-t-on tué cette nonne de 70 ans en Somalie ? Les intellectuels musulmans ne peuvent-ils pas diffuser dans le monde de l'islam qu'il s'agit d'une lâcheté monstrueuse d'abattre une femme de cet âge, sans défense, et pire de le faire au nom d'un Dieu ? Ne peuvent-ils pas diffuser dans le même monde que se faire sauter au milieu de femmes, d'enfants, de vieillards ne ressemble en aucune façon à un acte dont un Dieu peut être fier ? En un mot, pouvez-vous amener les fous de religion à la raison ?

Tariq Ramadan : J'aimerais qu'on entende à travers le monde musulman les voix des savants et des intellectuels qui ont condamné les attentats terroristes, la mort des innocents et à plus forte raison la mort de cette religieuse, comme d'ailleurs la mort des trois chrétiens en Indonésie récemment.

On répète souvent que les musulmans ne condamnent pas assez. J'ai quand même l'impression qu'on ne cesse de leur demander de répéter et de répéter encore une même condamnation, comme si on ne l'avait jamais entendue. Nous sommes nombreux à avoir répété, clarifié les termes de cette condamnation, et chaque jour qui passe, on me redemande de redire ce que j'ai maintes fois dit.

Cela étant, il faut effectivement, plus que la simple dénonciation de ces comportements, que les savants et intellectuels musulmans fassent un travail de terrain, et exposent avec clarté les principes du comportement musulman et de l'éthique musulmane en situation de conflit.

Rien, absolument rien, ne peut justifier le fait de s'en prendre à des innocents, à des femmes, à des enfants, quelle que soit la situation de guerre.


Sepid : Pensez-vous que l'islamisme soit une maladie de l'islam ?

Tariq Ramadan : Ce qu'on a traduit par islamisme, c'est la dimension de l'islam comme référence à l'acte politique. Je pense qu'il faut avoir une approche profonde d'un phénomène complexe. Il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que tous les chrétiens ont un rapport à la politique qui soit de même nature.

Nous trouvons dans le paysage de la relation entre le christianisme et la politique des positions aussi diverses que la théologie de la libération, la démocratie- chrétienne ou l'intégrisme le plus obtus.

Dans le monde musulman, nous trouvons des femmes et des hommes qui s'engagent en politique avec les mêmes nuances. Vous avez des intellectuels qui ne retiennent en politique que l'éthique musulmane. Vous en avez d'autres, comme en Turquie, qui ont un engagement politique qui accepte la laïcité et tient à se rapprocher de l'Europe. Vous avez en Malaisie ou en Indonésie, ou dans le courant réformiste iranien, des penseurs qui élaborent une pensée politique réformée, même si elle se nourrit des principes de l'islam.

Vous avez enfin des lectures littéralistes, fermées, dogmatiques, qui veulent imposer au nom de l'islam des modèles historiques dépassés. Cette dernière compréhension est à mon sens effectivement une dérive qui va à l'encontre des principes mêmes de l'islam. Et je pense qu'il faut absolument ouvrir un débat avec toutes les autres compréhensions d'un engagement dans la politique pour qu'il demeure ouvert et en phase avec son époque, comme il est bon de le faire avec la démocratie - chrétienne ou les théologiens de la libération. L'islamisme est une réalité bien plus complexe que ne l'exprime sa frange radicale.


Lynce : A vous lire, l'islam et ses fidèles sont profondément et universellement pacifiques. Au regard de l'actualité de ces dernières années, il faut bien admettre que cette analyse n'est pas recevable. Concrètement, pourquoi l'islam a-t-il accouché (contre son gré, certes) de l'islamisme et comment peut-il s'en débarrasser ?

Tariq Ramadan : Je ne crois pas que ce que j'écris ou ce que je dis traduise l'idée que l'islam est aujourd'hui un message pacifique. Ce que je veux dire, c'est que l'idéal de l'islam, les idéaux auxquels il faut s'attacher, sont ceux de la paix, de la justice et de la fraternité humaine.

Je suis conscient que nous en sommes loin aujourd'hui, et que nous avons un sérieux travail d'autocritique à produire pour nous réconcilier avec le sens de ce message. Dans le monde musulman contemporain, de nombreuses causes peuvent expliquer les dérives auxquelles nous assistons : le manque d'éducation, la situation sociale extrêmement difficile, l'absence de démocratie, la réalité d'une domination perçue ou entretenue, ou tout simplement réelle, par rapport aux sociétés occidentales, peuvent expliquer un certain nombre de ces phénomènes.

Il reste que c'est à la conscience musulmane contemporaine de se prendre en charge et de réaliser les réformes sociales et politiques qui s'imposent à sa propre régénérescence. Il est à noter quand même que les citoyens occidentaux ont un rôle déterminant dans l'avenir de ce processus.

Soit ils deviennent les partenaires de processus de réforme constructifs, soit ils se contentent d'être les juges de la défaillance de l'autre (ce que, soit dit en passant, certains musulmans font de la même façon vis-à-vis de l'Occident).

C'est finalement à nous de savoir si nous voulons être les partenaires d'un monde pluriel où nous vivrons ensemble, ou s'il s'agit simplement de choisir son camp et de condamner les manquements de l'autre.


Gideon : Dans ses dérives, n'oubliez-vous pas les agressions et occupations par des puissances occidentales ? celles-la mêmes dont se plaignent des fondamentalistes musulmans !

Tariq Ramadan : La réalité de la domination de la politique occidentale, ce qui demeure aujourd'hui de l'ordre économique qui s'impose aux sociétés du Sud sont des éléments absolument impératifs dans l'analyse de notre situation. Je refuse néanmoins la posture victimaire qui consisterait à réduire tous les problèmes du monde musulman à ces réalités objectives.

Je pense qu'il est nécessaire que les peuples, les intellectuels et les politiciens des sociétés majoritairement musulmanes se mobilisent pour élaborer une résistance fidèle au principe de justice et au principe de démocratisation.

Ma critique de la domination économique, de la politique américaine actuelle, du désordre dans la politique étrangère européenne, est permanente, et je ne cesse de mettre ces dimensions en évidence. C'est aussi un appel aux citoyens d'Occident de faire face aux réalités sur lesquelles ils peuvent avoir prise, et de se mobiliser là où ils sont pour plus de justice et pour la dignité des êtres humains.

Cela veut dire refuser les programmes d'ajustement structurel qui dépouillent les peuples, cela veut dire s'opposer à des invasions comme celle de l'Irak, ou au silence lors de la guerre comme ce fut le cas au Liban, comme c'est encore le cas vis-à-vis de l'oppression des Palestiniens, cela veut dire aussi s'opposer à l'usage de la torture ou à l'établissement de prisons secrètes à travers le monde.

C'est cela aussi qui permettra de changer les réalités et les perceptions négatives vis-à-vis de l'Occident qui ont cours dans le monde musulman.


Pierre_P : Une partie du monde musulman considère que la laïcité est une attaque à l'existence même de l'islam, alors qu'au contraire il s'agit de l'acceptation de toutes les religions mais en dehors du champ public et politique. Comment pouvons-nous réconcilier l'islam et la laïcité ?

Tariq Ramadan : Nous sommes en face d'un énorme malentendu : la laïcité telle qu'elle est perçue dans le monde musulman est liée à une histoire qui est tout sauf démocratique et ouverte. La laïcité dans les sociétés majoritairement musulmanes a été l'apanage de régimes peu démocratiques, comme celui d'Atatürk, comme celui de Saddam Hussein, comme celui de Hafez Al-Assad en Syrie, qui ont apporté avec eux l'idée d'un Etat non confessionnel, laïque, qui avait tout de la laïcité occidentale sauf la démocratie. Dans le monde musulman, la laïcité a voulu dire tout à la fois absence de religion et absence de liberté.

En Occident, la laïcité a été exactement le contraire : accès à la liberté de conscience et à la liberté de culte, sans disparition de la religion. L'Etat devenait neutre, mais la religion continuait à jouer un rôle dans la vie privée et spirituelle des citoyens.

C'est ce nœud qu'il faut absolument discuter, cette incompréhension née de deux expériences historiques différentes. A l'étude, les musulmans se rendront compte qu'ils peuvent tout à fait accéder à la réalité de deux sphères distinctes dans la gestion de leur espace social et politique.

Il existe dans l'islam l'exposé d'une éthique qui oriente la femme et l'homme dans leur comportement social et politique, mais qui ne s'impose pas de façon dogmatique. C'est donc d'un double travail que nous avons besoin : revisiter l'histoire et se réapproprier la tradition légale musulmane.

Permettez-moi d'ajouter qu'un certain nombre d'intellectuels qui transforment la laïcité en un instrument idéologique antireligieux ne nous aident pas à clarifier les termes du débat. Je suis content d'entendre, en France comme en Europe, des femmes et des hommes qui précisent les contours d'une laïcité qui dit la neutralité de l'espace public, mais qui affirme le respect égalitaire de toutes les religions.


Doums : Quelle est votre opinion concernant le voile en France ?

Tariq Ramadan : Je suis de l'opinion de la très grande majorité des Européens, qui pensent que la loi de mars 2004 n'était ni nécessaire, ni utile, ni juste. Ma position sur la question du foulard est celle unanimement reconnue par les principes des droits humains : il est interdit islamiquement d'imposer à une femme de porter le foulard, il est interdit à la lumière des droits humains de lui imposer de l'enlever.

La loi de 1905 respectait totalement les termes de ces principes. La loi de mars 2004 est une loi de la peur qui, sous couvert de s'en prendre aux signes religieux, était essentiellement dirigée contre le foulard. Parce qu'il s'agit d'une loi de la peur, qui a produit un régime d'exception, le débat démocratique devra continuer dans les prochaines années. Pour l'heure, la loi a été votée, et si une jeune femme doit faire le choix entre porter le foulard et aller à l'école, il faut qu'elle aille à l'école et qu'elle puisse terminer ses classes normalement.

Cette position n'est pas exclusivement la mienne, elle n'est pas non plus exclusivement celle des musulmans, et il faut que la France entende que 95 % de ceux qui s'expriment sur la scène européenne autour de la question de la législation n'ont pas suivi la France dans sa politique restrictive quant à l'accès des jeunes filles à l'école.


Phil : De nombreux groupuscules islamistes utilisent l'appel au djihad contre l'Occident / chrétiens / juifs. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? le djihad a-t-il uniquement un sens belliqueux dans l'islam ?

Tariq Ramadan : Pas du tout. Le djihad veut dire littéralement l'effort, la résistance. Et il est à comprendre à la lumière du message global de l'islam. Pour faire court, l'idéal de l'islam est la promotion de la paix : dans islam, il y a salam, qui veut dire paix et qui est l'un des noms de Dieu.

Pour atteindre cette paix, la femme et l'homme doivent faire de nombreux efforts, intimes autant que collectifs. Pour accéder à la paix intérieure, par exemple, une femme ou un homme doit apprendre à maîtriser les dimensions les plus négatives de son caractère : violence, cupidité, colère, etc. Ce travail de résistance intime aux aspects les plus sombres de sa personnalité est ce qui s'appelle le djihad, dont l'objectif suprême est de maîtriser le négatif dans l'intimité pour accéder à la paix de l'équilibre.

Il en va de même sur le plan collectif : lorsqu'on fait face à des oppresseurs, ou à de la dictature, ou à une attaque militaire, le seul droit est la légitime défense. Cette résistance à l'oppression, à l'agressivité de l'autre, c'est ce qui s'appelle djihad, en d'autres termes, une légitime défense face à l'oppresseur. Dans le but de parvenir à une paix entre les nations.

Tout autre usage du concept de djihad est une distorsion fondamentale de son enseignement, et il appartient aux musulmans de le dire et de le condamner.


Marcoles : L'islam du monde musulman (sunnite) actuel me paraît être vécu d'une facon, excusez-moi du terme, très brouillonne. L'islam que vous décrivez ne se retrouve ni en Egypte ni au Soudan. Il n'est ni celui des imams des mosquées ni celui des oulémas. Et si l'islam d'Europe donnait l'exemple ?

Tariq Ramadan : Cela fait quinze ans que j'ai écrit un livre dans lequel j'annonçais que l'expérience européenne, et plus largement occidentale, des Occidentaux musulmans allait avoir un impact très important sur le monde musulman en général.

Je pense aujourd'hui que les questions que nous posons, que les réponses que nous apportons, que les développements qui ont cours sur le terrain occidental sont extrêmement enrichissants et ont une influence sur le monde musulman en général.

Il faut néanmoins ne pas réduire les expériences dans le monde musulman à des brouillons, à des échecs, ou à des dérives. Nous assistons aussi dans les sociétés majoritairement musulmanes (au Sénégal, en Indonésie, en Malaisie, et non pas simplement dans les sociétés arabes) à des évolutions extrêmement intéressantes autour de la question de la démocratie, autour de la question des femmes, autour de la question des relations avec le monde occidental. Je crois qu'il faut aussi être à l'écoute de ces dynamiques.

La distinction fondamentale entre le chiisme et le sunnisme était d'abord historique et liée à la succession, après la mort du Prophète. Les chiites pensant que la succession devait se faire par le lien de la famille, et les sunnites, majoritaires, pensant que cette succession devait se faire sur la base de la compétence et de la reconnaissance par la communauté.

Par la suite, de divergences politiques, ces divergences sont devenues théologiques, sur le rôle des imams, sur le statut des théologiens et de leur organisation et sur les textes de référence. Les distinctions théologiques ne sont pas fondamentales, mais elles ont amené certains savants sunnites à considérer que les chiites étaient sortis de l'islam. Ce qui n'est pas l'opinion majoritaire.

Ce que nous observons aujourd'hui de division en Irak est circonstancié et tout à fait lié à des considérations politiques et politiciennes. L'intervention américano-britannique a creusé un gouffre qui n'existait pas auparavant, ou en tout cas pas selon les termes sous lesquels il se présente aujourd'hui.


Kachermi : Êtes-vous toujours favorable à un moratoire sur la lapidation des femmes ?

Tariq Ramadan : Depuis sept ans, j'appelle à un moratoire dans le monde musulman sur la peine de mort, les châtiments corporels et la lapidation. J'ai été vertement critiqué dans le monde musulman par des savants ou des intellectuels qui pensaient que je voulais plaire à l'Occident. J'ai été non moins vertement critiqué en France (et non pas du tout en Europe ou aux Etats-Unis) pour n'avoir proposé qu'un moratoire sur ces châtiments.

Ma position est claire : des textes de référence existent dans le corpus culturel musulman, la réponse des savants musulmans est peu claire et souvent défensive. J'ai donc posé trois questions aux savants musulmans : 1) que disent les textes ? 2) quelles sont les conditions d'application ? 3) dans quel contexte cela peut-il se produire ?

J'aimerais donc que l'on ouvre un débat fondamental dans le monde musulman et au moment où j'appelle à ce débat, je propose que nous cessions toutes ces peines, et donc pas seulement la lapidation, mais aussi les châtiments corporels et la peine de mort. J'ai condamné la lapidation au Nigeria, en Arabie saoudite, ou les châtiments corporels contre les pauvres Pakistanais ou les femmes, ou la récente lapidation, dont personne n'a parlé, en Afghanistan.

Ma position est claire, et ce que je veux, c'est qu'une réflexion se fasse de l'intérieur du monde musulman par rapport à ce silence, et surtout par rapport à l'acceptation de peines qui ont lieu toutes les semaines encore dans certaines pétromonarchies (comme l'Arabie saoudite) et vis-à-vis desquelles tout le monde se tait, et qui touchent exclusivement les femmes et les pauvres. Je considère ce silence de la part des musulmans comme inadmissible, et ce silence de la part de l'Occident comme hypocrite.

Amnesty International, en s'opposant à la peine de mort aux Etats-Unis, propose aux Etats américains qui appliquent la peine de mort un moratoire afin de pouvoir discuter plus avant de la question. Cette attitude ne choque absolument personne, elle est même comprise dans le but de faire évoluer les mentalités. Ma position est en droite ligne de cette pédagogie, avec l'intérêt premier qu'au moins toutes les peines extrêmes doivent cesser immédiatement, selon les termes de mon appel.

Un dernier mot : beaucoup de téléspectateurs ont été choqués par la formulation de ce moratoire lors de mon débat avec Nicolas Sarkozy. J'ai toujours défendu l'idée du moratoire et je n'ai fait à cette occasion que répéter ce que j'avais dit, loin de tout double discours.

Le double discours et l'hypocrisie n'étaient pas dans le camp qu'on leur avait assigné ce soir-là : Nicolas Sarkozy n'a pas hésité, quelques semaines après notre débat, à recevoir une délégation saoudienne, pays dans lequel la lapidation et les châtiments corporels sont appliqués de façon permanente, et qu'il n'a pas eu en l'occurrence le courage de dénoncer en leur présence. Notez au passage que je suis interdit d'entrée en Arabie saoudite...
j
28 septembre 2006 13:58
je pense que le pape sait qu'il a fait une erreur, il n'a vraiment pas envie d'une guerre de religion, mais ca m'etonne un peu de tariq ramadan qu'il soit aussi comprehensif envers le pape, un fanatique comme lui....serait ce parcek'il est marié a une catholique ??? allahoualaym.... en dehors de ca son discourt sur l'ouverture d'un debat sur la vie des musulmans d'ici et d'ailleurs est le bienvenu....
 
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