L’analyse des principales tendances et formes d’expression de la crise des institutions dans cette campagne électorale est difficile.
La crise des institutions vient de loin. Elle passait par mai 1968, par le référendum de 1969 et le départ de De Gaulle, par l’élection de Mitterrand en 1981. Après la terrible défaite du parti socialiste aux élections législatives de 1993, il y a quatorze ans, il y avait la perspective d’un deuxième tour entre Chirac et Balladur aux élections présidentielles de 1995, à l’image du deuxième tour entre Pompidou et Poher aux élections présidentielles de 1969 ; La divine surprise de la candidature Jospin en 1995 contrariait la réalisation de ce pronostic, elle permettait le gouvernement de la France par le gouvernement de la gauche plurielle de cohabitation entre Chirac et Jospin pendant cinq ans entre 1997 et 2002, après la dissolution de l’assemblée nationale par Chirac en 1997 et l’élection d’une majorité de députés de gauche aux élections législatives de 1997 ;
Les cinq ans de gouvernement de la gauche plurielle aboutissaient à la catastrophe électorale du 21 avril 2002. L’élimination de Jospin au premier tour des élections présidentielles du 21 avril 2002 était la conséquence d’une grande cause politique, les cinq ans de politique de droite du gouvernement Jospin entre 1997 et 2002, et de deux petites causes de cuisine électorale, la multiplication des candidatures de gauche et d’extrême gauche et l élimination de la candidature Pasqua, le père commun de Chirac, Sarkozy, Le Pen, Villiers et d’autres, au premier tour des élections présidentielles du 21 avril 2002 ;
Depuis 2002, la cinquième république va de catastrophe électorale en catastrophe électorale. Il y avait le rassemblement du Larzac en août 2003, le succès de la candidature Buffet aux élections régionales de mars 2004 en Ile de France, le succès de la liste Europalestine aux élections européennes de juin 2004 en Ile de France, le séisme du vote non majoritaire contre la constitution européenne le 29 mai 2005.
La candidature Bové au premier tour des élections présidentielles du 22 avril 2007 vient de très loin. Elle vient de la crise des institutions, elle vient de la longue agonie des partis ouvriers du début du vingtième siècle, des internationales de Marx, de Jaurès et de Lénine, de l’effondrement de la cathédrale d’espérance de la révolution russe d’octobre 1917, de la restauration du capitalisme en union soviétique, de la chute du mur de Berlin en 1989 et de la dissolution de l’union soviétique en 1991, de la fin du partage du monde entre les Etats Unis d’Amérique et l’union soviétique, de la domination planétaire de la seule super puissance des Etats Unis d’Amérique.
Elle vient de toutes les tentatives de construction d’une nouvelle alternative politique démocratique, socialiste et populaire nationale et internationale depuis quarante ans. L’une des bases les plus fondamentales de cette nouvelle alternative politique, c’est la présentation de candidats aux élections et la participation à des campagnes électorales, nous ne sommes pas électoralistes, mais nous ne sommes pas non plus anti électoralistes, c’est la participation aux campagnes de 500 signatures de parrainages depuis 1976 , pour la présentation de candidats au premier tour des élections présidentielles. C’est notre génération politique, nous soutenions la première candidature Laguiller en 1969, nous soutenions la candidature Krivine en 1974 ;
Après la parenthèse de l’élection de Mitterrand en 1981, nous participions aux campagnes de 500 signatures de parrainages de Gluckstein et de Juquin en 1988. Après la deuxième parenthèse des cinq ans de gouvernement Jospin, nous participions à la campagne Taubira en 2002, à la campagne Buffet aux élections régionales de mars 2004, à la campagne Europalestine aux élections européennes de juin 2004, à la campagne victorieuse du vote non majoritaire au référendum du 29 mai 2005 et aujourd’hui à la campagne Bové.
La campagne Bové vient de très loin. Elle vient du rassemblement du Larzac en août 2003. En août 2003, nous allions pour la deuxième fois au Larzac trente ans après 1976, trente ans après les manifestations contre l’extension du camp militaire du Larzac aux cris de « Gardarem lou Larzac », à l’époque où la gauche et l’extrême gauche françaises étaient anti militaristes, après la fondation de la Confédération paysanne par un jeune militant paysan du nom de José Bové, après les manifestations anti nucléaires de 1979 contre la construction du surgénérateur Super Phényx de Creys Malville.
La candidature Royal vérifie tous les jours la malédiction du parti socialiste français selon laquelle Mitterrand fondait le nouveau parti socialiste au congrès d’Epinay en 1971 pour la réalisation de ses ambitions politiques de conquête du pouvoir et selon laquelle il entraînera le parti d’Epinay dans sa tombe.
Le seul désir d’avenir de la candidature Royal, c’était le blairisme à la française, c’était une campagne extérieure par rapport à l’actuel parti socialiste, c’était la fondation d’un New Labour comme Mitterrand faisait en 1971. La participation des éléphants à la campagne Royal en est une preuve supplémentaire, la candidature Royal n’a plus aucun espace politique entre Bayrou et Bové, le mitterrandisme épuisait depuis longtemps ses capacités progressistes, les socialistes de droite voteront Bayrou et les socialistes de gauche voteront Bové.
La candidature Bové vient enfin d’un lent et long processus d’accumulation successive de militants et d’associations au fil des années. Il y avait d’abord Les Alternatifs, c’est le groupe le plus ancien, ce sont les lointains successeurs et héritiers du PSU d’il y a quarante ans, du PSU du combat contre la guerre d’Algérie. Il y avait ensuite depuis quatre ou cinq ans Convergence Communiste pour une Alternative de Gauche, la majorité des fédérations PCF des conseils généraux de Seine Saint Denis et du Val de Marne, les dernières positions électorales du PCF. Elle vient enfin de notre histoire, de la multiplication de tous les groupes et associations pour une alternative politique du mouvement social depuis plus de dix ans, Rassembler à Gauche de l’Essonne, Ballon Rouge d’Aubagne, le MSAP de l’Ardèche, A Contre Courant en Alsace, L’Emancipation Sociale de Besançon, les Motivés et le groupe Zebda de Toulouse, la Gauche progressiste du Mans, Autrement à Gauche en Bretagne, l’ANPAG de Basse Normandie, les amis de Rouen.
La campagne électorale pour les élections présidentielles de cette année vérifie encore une fois le plus vieux cauchemar des révolutionnaires, l’insurrection électorale a lieu sous nos yeux et nous ne la voyons pas.
Oui, il faut et il y a une et une seule candidature anticapitaliste, antiraciste et anticolonialiste au premier tour des élections présidentielles. Oui, il faut et il y aura des candidatures anticapitalistes, antiracistes et anticolonialistes aux élections législatives de juin 2007 .
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