Le Liban inquiet du regain de tension avec Israël | 30.04.10 | 15h54 • Mis à jour le 30.04.10 | 16h01
L'accusation lancée il y a quelques jours par Shimon Pérès, président d'Israël, selon laquelle la Syrie aurait récemment livré des missiles Scud à la milice chiite libanaise du Parti de Dieu (Hezbollah), a créé dans la région un climat de peur digne d'un nouvel avant-guerre. "Une panique complète règne à Beyrouth", aurait déclaré lundi 26 avril, selon le journal israélien Haaretz, le chef de la diplomatie égyptienne Ahmed Aboul Gheit à des homologues arabes.
Vingt-six activistes du Hezbollah condamnés en EgypteUn tribunal égyptien a condamné, mercredi 28 avril, vingt-six hommes à des peines allant de six mois de détention à la prison à vie pour avoir "préparé des attentats". Le groupe, qui comprenait des Libanais - dont quatre ont été condamnés à perpétuité par contumace -, des Egyptiens, un Soudanais et des Palestiniens, aurait reçu l'ordre d'attaquer les touristes israéliens qui fréquentent la péninsule du Sinaï. Les accusés ont fait valoir qu'ils ne voulaient pas déstabiliser l'Egypte, mais seulement livrer des armes aux Palestiniens de l'enclave de Gaza sous blocus israélo-égyptien. Version confirmée par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour qui ces condamnations sont "une source de fierté pour nous, pour tous les peuples arabes et islamiques"...
Le ministre a écrit, mardi, à Hillary Clinton, secrétaire d'Etat américaine, pour l'exhorter à "désamorcer les tensions". A Beyrouth, où il s'était rendu le samedi précédent pour aborder cette question, M. Geit a qualifié les accusations israéliennes de "mensonges risibles".
Aux Nations unies, à New York, Terje Roed-Larsen, envoyé spécial du secrétaire général sur la question libanaise, a déclaré à un groupe de journalistes, en sortant d'un briefing sur le sujet, au Conseil de sécurité, que s'il y avait "ces derniers jours, moins de risques de conflit que ces dernières semaines, l'horizon temporel (de ce relâchement des tensions) reste très court".
Plusieurs responsables de l'ONU se montrent inquiets d'une situation qui, selon l'un d'eux, "se tend considérablement". Il y a au Liban "une atmosphère de paranoïa qui prend des proportions considérables", ajoute un autre. Dans le contexte de milices "armées jusqu'aux dents", la situation pourrait "déraper en cinq minutes", s'inquiète-t-il.
De fait, tous les médias et politiciens libanais dissertent depuis deux semaines sur cette éventualité. "Comme chaque année avant notre saison touristique, a noté le premier ministre Saad Hariri, Israël menace." En juillet 2006, Israël avait lancé une offensive de trente-quatre jours contre le Hezbollah.
Les bombardements et les combats avaient fait 1 200 tués, essentiellement des civils côté libanais, et 160 morts, en majorité des soldats, côté israélien. Beaucoup, dans la région, estiment que l'armée israélienne, qui n'avait pu atteindre son objectif annoncé de détruire la milice chiite, rêve de prendre sa revanche.
Michaël Williams, le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU au Liban, a rencontré Saad Hariri, mercredi 28 avril à Beyrouth. Il s'est dit "très préoccupé par toutes ces tensions" et a espéré qu'après leur "forte élévation ces derniers jours", elles allaient désormais "se dissiper". Soulignant qu'il était de passage en Israël quelques jours plus tôt, le diplomate a voulu voir dans "la déclaration explicite du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, selon laquelle Israël ne veut pas la guerre avec la Syrie", un motif d'optimisme. "Je ne pense pas qu'il y aura la guerre" au Liban, a-t-il conclu.
Niée par la Syrie, l'accusation de M. Pérès, qui avait un moment semblé être acceptée à Washington, n'a toujours pas reçu la moindre confirmation. Saisis par la diplomatie israélienne, nombre de pays européens doutent de la possibilité pour la Syrie de faire passer clandestinement au Liban des missiles de la taille des Scud (11 mètres de long pour la version la plus élémentaire avec une portée de 500 km) sans qu'aucun radar ni aucun des avions espions et drones israéliens qui survolent l'espace aérien libanais quotidiennement, en violation des résolutions de l'ONU, ne les repèrent. Jusqu'ici, Israël n'a fourni aucune preuve de la véracité de ses dires.
Ehoud Barak, le ministre israélien de la défense, qui était reçu lundi 26 avril par son homologue américain Robert Gates à Washington, n'a d'ailleurs pas réitéré l'accusation précise de son président, se contentant de souligner que son pays "observe attentivement la situation". A ses côtés, Robert Gates s'est contenté d'évoquer les livraisons au Hezbollah, par la Syrie et l'Iran, d'armes "dotées de capacités croissantes".
En juillet-août 2006, la milice chiite que les Libanais, et le gouvernement auquel elle participe, appellent "la Résistance", était parvenue à tirer plus de 4 000 roquettes en direction d'Israël. Ayant refait ses stocks, elle disposerait à présent, selon les Israéliens, de plus de 40 000 roquettes d'une portée maximale de 300 km, suffisante pour atteindre des villes en Israël.
"Cette histoire de missiles est sortie de nulle part, relève Paul Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient. Personne n'a de preuves mais il est clair qu'Israël prépare un dossier pour l'utiliser s'il veut se lancer dans une nouvelle guerre."
Chercheur spécialisé au CNRS, Frank Mermier qui dirigea longtemps l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) à Beyrouth, estime, lui, qu'il s'agit pour l'Etat juif d'une manoeuvre de diversion visant "à retarder un peu plus les négociations de paix" avec les Palestiniens et ainsi confronter "les timides pressions américaines" qui s'exercent sur eux.
Patrice Claude et Philippe Bolopion (New York, Nations unies, correspondant)
Cette histoire de missiles n'est pas sortie de nulle part, elle sort parce Israël ne lâche pas la pression et qu'au Liban aussi , pour divers mouvances, cette armée indépendante du pouvoir est difficilement admissible (elle le serait aussi difficile a supporter ailleurs dans d'autres contextes)