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C'est quoi une fatwa? C'est quoi un qadha?
s
18 août 2006 20:26
Qu'est-ce qu'une fatwa ? Quelle différence par rapport à un qadhâ (jugement d'un cadi) ?


A) Qu'est-ce qu'une fatwa ?

Une fatwa est un avis juridique circonstancié. C'est-à-dire qu'il s'agit de l'avis/ consultation juridique qu'un mufti donne en fonction de la réalité qu'il a devant lui.

La fatwa est donnée en fonction du contexte ; cependant elle est d'ordre général, de même qu'elle est une consultation juridique. On dit donc de la fatwa qu'elle est "'âmma" – générale – et qu'elle est "ghayr mulzima" – elle est une consultation juridique.


La fatwa concerne différents types de règles…

A.A) Quand il s'agit d'une règle mentionnée explicitement dans les textes mais qui fait l'objet d'avis divergents (hukm mansûs 'alayh mukhtalaf fîh), le mufti peut être amené à dire que tel avis correspond aux demandes du contexte dans lequel les musulmans qui l'entourent vivent : il donne alors la fatwa selon cet avis. C'est ce que Cheikh Khâlid Saïfullâh fait.

Il est à noter que mon professeur Cheikh Abrâr Ahmad, expliquant ce qui fait une fatwa, mettait en relief la racine du mot, "ftw", qui exprime l'idée de force, et disait que "Si on se met à énumérer les différents avis existant, ce n'est pas une fatwa ; dans la fatwa, le mufti donne un avis."

A.Cool Parfois il s'agit d'une règle mentionnée explicitement dans les textes et qui ne fait pas l'objet d'avis divergents, cependant la fatwa, relevant le fait que les musulmans de tel pays se trouvent dans une situation où ils n'ont d'autre possibilité que de faire deux actes interdits, alors il les oriente vers le recours au moindre des deux interdits ("akhaff ul-mafsadatayn"winking smiley.

Ce genre de fatwa relève certes de la jurisprudence, dans le sens où les muftis d'autres pays peuvent y trouver matière à réflexion quant aux cas voisins qui se posent à eux ; cependant il va de soi que ce genre de fatwa n'est pas "exportable", puisque liée à la situation des musulmans de tel pays précis et non d'un autre ; de plus, c'est une grande erreur que de prendre ce genre de fatwa émis dans un autre pays et de dire : "Tel acte n'est plus interdit, puisque tel mufti a donné la fatwa que c'est autorisé ; ça l'est donc désormais". C'est là un manquement dans la compréhension. Un mufti n'a pas la possibilité de rendre autorisé ce qui est strictement interdit ; il n'a le droit que d'établir une évaluation (muwâzana) entre les différents principes et règles des sources d'une part et la réalité du contexte d'autre part : il ne fait donc que mettre en lumière que, à cause du principe reconnu de l'autorisation de "irtikâbu akhaff il-mafsadatayn" et parce que les musulmans se trouvent dans telle situation de nécessité, il leur est autorisé de pratiquer tel acte ; mais l'acte lui-même ne devient pas autorisé en soi (cf. à propos d'un point voisin Nûr ul-anwâr pp. 173-174).

A.C) Le mufti est également amené à dire que tel cas tombe concrètement sous le coup de tel principe ; c'est le fameux "tahqîq ul-manât".

Un exemple : le principe est bien connu qui fait qu'en cas de contrainte, il soit autorisé de pratiquer certains des actes qui sont interdits (cliquez ici pour en savoir plus) ; le tahqîq ul-manât consiste ici pour le mufti à vérifier si, pour telle question précise, les conditions qui font le cas de contrainte sont présentes ou non : sa fatwa n'autorise pas ce que Dieu a interdit, elle révèle que, parce que le cas de contrainte rend autorisé de faire certains des actes normalement interdits, et parce que les musulmans du pays se trouvent dans un cas avéré de contrainte, il leur est autorisé de pratiquer tel acte.
Un autre exemple : un principe établi veut qu'il soit interdit au musulman de revêtir quelque chose qui constitue un symbole d'une religion autre que l'islam (shi'âr) ; mais le principe ne dit pas quels éléments tombent sous le coup de ce principe ; c'est au mufti de dire si, dans tel pays, tel élément constitue ou non un tel symbole. Et ce serait une grande erreur que de prendre une fatwa produite dans un autre pays et datant de deux siècles disant que tel élément vestimentaire est le symbole de telle religion, et d'appliquer telle quelle cette fatwa ici, sans même vérifier si ici cet élément constitue ou non un symbole.
Un autre exemple : l'école hanafite reconnaît le principe de licité par changement complet de nature (istihâla/tabaddul ul-mâhiya) ; cela c'est le principe. Mais concrètement, est-ce que la gélatine qui entre dans la composition de pâtisseries aujourd'hui a connu un tel changement ou non ? C'est au mufti de faire les recherches nécessaires pour dire si c'est le cas ou non.
On voit bien que dans ces trois exemples, le mufti aura la nécessité de s'entourer de musulmans versés dans les disciplines en rapport avec les questions qui se posent à lui : ce sera des juristes dans le premier exemple, des sociologues dans le second, et des biologistes dans le troisième. Muftî Taqi Uthmânî a évoqué cette nécessité (cf. Islâm aur jiddat passandî, p. 39).

A.D) Enfin le mufti est amené à actualiser les "hukm 'urfî", les règles formulées de telle façon dans tel contexte parce que les textes – ou même l'école que l'on suit – n'ont communiqué qu'un principe général, et que celui-ci a été actualisé de telle façon en fonction du contexte dans lequel le ou les mufti(s) vivai(en)t ; un changement de réalité amène le mufti à changer la fatwa.

Ainsi, on doit du respect à ses parents, chacun le sait. Cependant, si les sources sont claires sur ce principe, elles ne disent rien de tous les actes et paroles qui constituent un manque de respect (à part "uff"winking smiley : elles n'ont, ici, fait que formuler les contours et non les lignes précises. Il y a bien sûr des actes et propos qui, de façon universelle, constituent un manque de respect, et la question d'une fatwa ne se pose pas par rapport à eux. Mais il est certaines formulations qui sont un manque de respect dans tel pays, et pas dans tel autre : ainsi, tutoyer ses parents est un manque de respect si on vit en Inde ; mais ça ne l'est pas en France. Ce serait donc un manque de clairvoyance et de compréhension que d'appliquer cette fatwa indienne aux musulmans réunionnais : ici le mufti doit changer cette fatwa, expliquer au public musulman qu'il s'agit d'un "hukm 'urfî", etc.
C'est la même chose à propos de la tenue vestimentaire à porter pendant qu'on accomplit la prière rituelle : il y a d'un côté un hukm mansûs 'alayh, qui est l'obligation de vêtir au moins sa 'awra : cette règle est universelle (quoique comportant quelques avis divergents sur quelques points, comme par exemple la question de savoir si les pieds de la femme font partie de la 'awra ou non). Au-delà de la 'awra, il est un principe général selon lequel il est fortement déconseillé de porter, pendant la prière rituelle, des habits qu'on ne porterait pas devant une personne digne de respect à cause de leur coupe ou parce qu'ils ne recouvrent pas ce que la bienséance veut que l'on recouvre quand on se présente devant quelqu'un. Quelles sont ces parties du corps qui ne font pas partie de la 'awra mais qu'il est inconvenant de laisser dévêtues devant un humain respectable, et qu'il est donc inconvenant de laisser dévêtues pendant la prière ? Les textes ne disent rien sur le sujet. Et s'il y a des considérations universelles sur le sujet (par exemple, pour un homme, prier le ventre découvert), il est d'autres considérations qui sont liées au contexte dans lequel les musulmans vivent : c'est par exemple le cas des bras pour l'homme : il est des pays où il est mal vu de laisser ses bras découverts quand on se présente devant un personnage respectable, et il est normal que dans ce pays les muftis aient donné comme fatwa qu'il est mak'rûh de porter des vêtements aux manches courtes pendant la prière (je parle bien de manches courtes et non de manches retroussées) ; par contre, dans les pays où laisser ses bras découverts devant un personnage respectable n'est pas mal vu, il n'y est pas non plus mak'rûh d'avoir les manches découvertes pendant la prière (cf. sur un point voisin Jadîd fiqhî massâ'ïl, pp. 140-141).


Cool Et le jugement (qadhâ) ? Qu'est-ce qui le différencie de la fatwa ?

Si la fatwa, comme nous l'avons vu, est purement consultative et est d'ordre général, le jugement (qadhâ) rendu par un cadi, lui, est donné par rapport à un cas particulier – "khâss" –, de même qu'il est moralement contraignant. Ainsi, le fait qu'avant que la seconde partie prononce la phrase dont le juge du pays musulman doit déterminer si elle entraîne telle règle ou non, la première partie avait dit ou non telle autre phrase, cela sera pris en considération par le juge, qui rendra son jugement en fonction, sans forcément croire la première partie si elle lui affirme : "Non, j'avais employé cette phrase dans tel autre sens". On le voit, le jugement est rendu pour ce cas précis. De plus, le jugement ne constitue pas une simple consultation juridique mais est moralement contraignant pour celui à propos de qui il a été rendu. On dit donc que le jugement est "khâss, mulzim" (A'lâm ul-muwaqqi'în, 1/31).

Il est cependant à noter que c'est aux autorités du pays musulman et non au juge de ce pays qu'il revient de faire exécuter le jugement : celui-ci est donc en soi moralement contraignant pour le musulman, mais il ne sera également légalement contraignant que si les autorités exécutives le font appliquer ; or cela n'est possible que dans un pays musulman. Cheikh Khâlid Saïfullah a ainsi cité et approuvé le propos suivant, de at-Tarâbulûssî : "Le juge n'a, en tant que juge, que la prérogative de rendre un jugement. La force exécutive, elle, est chose supplémentaire par rapport à la fonction du juge" ("Fa-l-hâkim, min haythu huwa hâkim, layssa lahû illal-inshâ'. Wa amma quwwat ut-tanfîdh, fa amrun zâ'ïdun 'alâ kawnihî hâkiman" : cité dans Islâm aur jadîd mu'âsharatî massâ'ïl, p. 234).

Il relève de cette différence entre fatwa et jugement qu'un mufti, pouvant naturellement être amené à changer d'avis en fonction d'une nouvelle recherche ou d'un débat, etc., changera alors aussi sa fatwa. Par contre, si un cadi peut être lui aussi amené à changer d'avis en fonction d'une nouvelle recherche ou d'un débat, etc., cela concerne les jugements qu'il émettra désormais, mais il ne changera pas le jugement qu'il avait déjà émis dans le passé. Le jugement émis par un juge n'est annulé que s'il s'avère complètement contraire aux textes explicites des sources ; s'il s'avère possible eu égard à une des interprétations des textes, il ne sera pas annulé (c'est une règle bien connue : cf. Ussûl ul-fiqh il-islâmî, az-Zuhaylî, pp. 1142-1144).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Source : [www.maison-islam.com]
s
20 août 2006 22:38
Ok c'est long à lire
Allez petit up
s
24 août 2006 10:40
Deuxième up
s
31 août 2006 10:30
Dernier up
 
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