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Les Brésiliens veulent balayer la corruption
21 septembre 2011 10:12
Les Brésiliens veulent balayer la corruption
LEMONDE.FR | 20.09.11 | 17h22 • Mis à jour le 21.09.11 | 09h35

Une vague d'indignation déferle sur le Brésil. Le 7 septembre, jour de l'indépendance du pays, 30 000 manifestants vêtus de noir et arborant des nez rouges de clown ont défilé dans la bonne humeur dans les rues de Brasilia, la capitale. Ce week-end, la plage de Copacabana, à Rio de Janeiro, a été recouverte de près de 600 balais verts et jaunes, représentant les membres du Parlement. Le tout était surmonté d'une immense banderole avec le message "Congrès national, aide-nous à balayer la corruption du Brésil ".

Mardi 20 septembre, plusieurs dizaines de milliers de personnes doivent encore se réunir dans le cœur historique de la "ville merveilleuse". Un appel a en effet été lancé, sur Facebook, par un groupe d'habitants qui a lancé une page "Tous ensemble contre la corruption".

"La corruption est un sport national qui ronge toutes les sphères de la société", s'emporte Cristiane Ribeira, une des organisatrices de la manifestation. La quarantaine, dynamique et "indignée", elle répète que "l'initiative, citoyenne et non partisane, vise à réveiller la conscience des électeurs, car c'est avec nos votes que les pourris ont été élus". "Nous allons crier haut et fort ce que nous voulons : la fin du vol et de l'impunité", explique Fabricio Leitao, cinéaste de 30 ans qui va manifester en famille.

LES RÉSEAUX SOCIAUX EN PREMIÈRE LIGNE

Fernando Antônio Azevedo, chercheur en communication politique, estime que "dans la lutte pour l'éthique, le peuple brésilien, un des plus présents sur la Toile, utilise désormais une arme redoutable. Les journaux en ligne, les blogs, les réseaux sociaux sont des outils qui démocratisent l'information. Ils facilitent sa circulation, la rendent instantanée et simultanée. Les citoyens expriment et partagent leurs opinions, ce qui favorise le passage à l'action et tend à augmenter la transparence de l'Etat. Et la fronde populaire continue car le gouvernement n'a pas mis en place une politique systématique de lutte contre la corruption".

Au cours des trois derniers mois, quatre ministres ont été contraints de quitter le gouvernement pour malversations financières. Le dernier en date est Pedro Novais, le ministre du tourisme. Il était sur la sellette depuis l'interpellation, mi-août, de plus de trente fonctionnaires de son ministère, tous accusés d'avoir détourné des millions d'euros destinés à la formation de taxis et de serveurs. S'accrochant à son poste depuis des semaines, il a reçu le coup de grâce, il y a quelques jours, lorsque la presse a révélé que le chauffeur de sa femme était payé par le Parlement.

Cette série de scandales a débuté en juin, quand Antonio Palocci, ministre de la "casa civil" – l'équivalent du premier ministre –, perd son poste suite à des accusations de trafic d'influence. Le mois suivant, c'est le ministre des transports, Alfredo Nascimento, qui est mis en cause. Il est impliqué dans un vaste scandale de surfacturation et de détournement d'argent, alors que son ministère est le principal bénéficiaire des fonds destinés à un vaste programme de construction d'infrastructures. Au moment de sa démission, le Parti républicain, dont il est le leader, quitte la coalition gouvernementale.

DILMA ROUSSEF PROMET LA TOLÉRANCE ZÉRO

Se retrouvant dans une situation délicate, Dilma Rousseff, présidente de la République, convoque la presse. Elle promet une tolérance zéro face à la corruption. "La présidente a réagi avec vivacité et rigueur. Les ministres mis en accusation ont du répondre de leurs actes devant le Congrès et les démissions sont intervenues rapidement. Dilma Rousseff va sortir de cette crise renforcée car elle consolide sa réputation de femme éthique. Elle se démarque de Lula, qui avait une attitude jugée complaisante face à la corruption, estime Maria do Socorro, politologue spécialiste de la corruption. Dilma Rousseff est, en outre, en train de gagner la confiance de secteurs traditionnellement hostiles à son parti, le Parti des travailleurs [PT], comme la frange conservatrice de la classe moyenne".

Pour le moment, le volontarisme de la présidente a été salué par les médias et sa cote de popularité reste élevée. Mais dans les rangs de son parti, certains craignent que la "faxina", le "grand ménage", ne soit contre-productif et associe irrémédiablement le PT à la corruption généralisée. "Lula a toujours défendu les membres corrompus de son gouvernement. Dilma Rousseff prenait la même voie, mais elle a finalement cédé à l'opinion publique et a tenté de s'associer au mouvement d'indignation en le reprenant à son compte. Ses déclarations ne sont que de la poudre aux yeux, des effets d'annonce. Et contrairement au scénario envisagé par ses conseillers en communication, elle s'est tirée une balle dans le pied et a perdu le contrôle de la situation", estime l'analyste politique Paulo G. M. de Moura.

De fait, l'hémorragie s'est poursuivie : en août, Nelson Jobim, ministre de la défense, déclare avoir voté pour l'opposant de Mme Rousseff lors de l'élection présidentielle et démissionne. Deux semaines plus tard, le ministre de l'agriculture, Wagner Rossi, chute à son tour pour trafic d'influence.

ENTRE 17 ET 30 MILLIARDS D'EUROS PAR AN


"Au Brésil, la corruption est un mal historique qui remonte à l'époque coloniale. Le chef de l'Etat nomme 25 000 postes dont environ 1 600 ont directement accès à l'argent public. Or, pour satisfaire les différents partis de la coalition gouvernementale, beaucoup sont attribués, de manière complaisante, à des caciques qui n'ont pas les compétences requises", souligne le chercheur Fernando Antônio Azevedo. "Pouvoir, prestige et gains matériels sont les leitmotivs d'une grande partie de la classe politique brésilienne", renchérit la sociologue Maria A. Lemenhe.

Selon une étude de la Fondation des industries de l'Etat de São Paulo, la corruption coûte chaque année entre 17 et 30 milliards d'euros, plombant la croissance, la compétitivité et l'efficacité des aides publiques à la population. "Avec les pharaoniques travaux prévus pour la Coupe du monde en 2014 et des Jeux olympiques deux ans plus tard, les occasions de malversations financières augmentent", prévient Paulo G. M. de Moura. Maria do Socorro se veut néanmoins optimiste : "La société civile ainsi que de nombreuses institutions internationales ont les yeux rivés sur l'Etat brésilien. C'est une occasion historique de faire évoluer les mentalités de la classe politique."

Anne-Gaëlle Rico

Source : [www.lemonde.fr]
 
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