Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Bouteflika consolide son pouvoir contre la tutelle des "services"
D
30 mai 2006 15:56
Bouteflika consolide son pouvoir contre la tutelle des "services" (Le Monde 26/05/2006)

La nomination d'un nouveau premier ministre est intervenue, mercredi après-midi 24 mai, avec l'annonce de la démission d'Ahmed Ouyahia et son remplacement par Abdelaziz Belkhadem, 61 ans, qui était jusqu'à présent le représentant personnel du chef de l'Etat avec rang de ministre. A l'issue de l'entretien avec le président Abdelaziz Bouteflika, le nouveau premier ministre a indiqué qu'il entamait sans tarder les consultations pour constituer un nouveau gouvernement "le plus vite possible".

Le changement de premier ministre ne constitue pas une réelle surprise. Depuis plusieurs mois, une sourde lutte de moins en moins feutrée opposait les deux hommes qui dirigent chacun une formation politique clé de la majorité présidentielle : le Front de libération nationale (FLN), l'ancien parti unique, pour M. Belkhadem ; le Rassemblement national démocratique (RND) – un clone du FLN – pour M. Ouyahia.

Leurs sujets de désaccord étaient multiples. Sur le plan économique, M. Belkhadem et ses amis reprochaient au gouvernement Ouyahia son manque de volontarisme pour lutter contre le chômage et la pauvreté alors que jamais depuis l'indépendance, les finances publiques, alimentées par la hausse du pétrole, n'ont été aussi florissantes.

Sur le plan politique, les dirigeants du FLN, parti qui dispose de la majorité absolue au Parlement, alliés à une formation islamique, déniaient au premier ministre démissionnaire toute légitimité concernant l'organisation des élections législatives de 2007. Selon eux, M. Ouyahia et ses amis n'allaient pas manquer de manipuler le scrutin au profit du RND.

Le troisième contentieux – le plus médiatisé – portait sur le projet de modification de la Constitution défendu par M. Belkhadem pour doter l'Algérie d'un régime présidentiel. Dans ce but, le patron du FLN préconisait d'autoriser non plus deux mais trois mandats présidentiels; de passer du quinquennat au septennat et, enfin, de créer un poste de vice-président dépendant du chef de l'Etat.

Sur le fond, le premier ministre démissionnaire n'était pas opposé – il l'avait dit – à une rallonge du mandat présidentiel mais, à l'inverse de M. Belkhadem, il préconisait un toilettage discret plutôt qu'un chamboulement profond.

Devenu la cible du FLN, M. Ouyahia était dans une position d'autant plus inconfortable que le chef de l'Etat s'est toujours gardé de lui manifester publiquement son soutien. Le président Bouteflika était resté silencieux alors même que, tout dernièrement, l'hostilité de l'ancien parti unique avait empêché le premier ministre de prononcer sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale.

Les observateurs avaient également noté l'absence de M. Ouyahia lors de la visite officielle du président du Venezuela, Hugo Chavez, en Algérie. On ne l'a pas vu davantage cette semaine alors que son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, se trouvait à Alger pour y signer un traité d'amitié.

Cela dit, dans un pays où la démocratie reste formelle, Ahmed Ouyahia est peut-être tombé pour un tout autre motif. Car ce haut fonctionnaire rugueux, connu pour son franc parler, travailleur acharné – ce qui lui valait d'être apprécié des cadres de l'administration à défaut d'être populaire –, est aussi catalogué comme un homme proche des services de sécurité que dirige l'inamovible général Tawfik. Or si l'armée en tant que telle a beaucoup perdu de son influence depuis l'arrivée d'Abdelaziz Bouteflika, "les services" continuent à peser sur la vie politique.

En le limogeant, M. Bouteflika, dont l'état de santé continue à alimenter les rumeurs, a peut-être voulu montrer aux services de sécurité qu'il n'entendait plus composer avec eux. Selon certaines sources, des propos téléphoniques de M. Ouyahia, peu amènes pour le chef de l'Etat, auraient précipité la chute du premier ministre.

Le fait est que son successeur présente un tout autre profil. Ses adversaires lui ont collé l'étiquette de "barbe FLN" pour dire qu'il est islamo-conservateur. En réalité, Abdelaziz Belkhadem est avant tout un homme lige du chef de l'Etat qui, au lendemain de son élection, l'avait tiré d'une semi-retraite jusqu'à en faire son premier ministre.


Chronologie
1998.
En septembre, le président Liamine Zeroual annonce sa démission et un scrutin présidentiel anticipé.

1999.
Le 15 avril, M. Bouteflika est élu président de la République avec 73,79 % des suffrages. Six des sept autres candidats s'étaient retirés de la compétition, arguant de fraudes présumées.

2000.
En août, Abdelaziz Belkhadem est nommé chef de la diplomatie algérienne, poste qu'il occupera jusqu'en mai 2005. Il avait été président de l'Assemblée nationale de 1990 à 1992.

2003.
Ahmed Ouyahia est nommé premier ministre en remplacement d'Ali Benflis, ancien protégé du président Bouteflika avec lequel la relation s'est dégradée. Grand commis de l'Etat, classé dans le camp des "éradicateurs", M. Ouyahia avait déjà été premier ministre de l'ex-président Zeroual de décembre 1995 à décembre 1998.

2004.
Le 8 avril, M. Bouteflika est réélu président avec 83,49% des suffrages. Ses adversaires dénoncent à nouveau des manipulations.

2005.
Le 29 septembre, la Charte pour la paix et la réconciliationest entérinée à plus de 97 % par référendum. Le texte vise à tourner la page de treize années de guerre civile. Il propose aux combattants islamistes ayant déposé les armes l'abandon des poursuites judiciaires et l'indemnisation des familles de victimes du terrorisme. Le 31 décembre, M. Bouteflika retourne à Alger après plusieurs semaines d'hospitalisation au Val-de-Grâce pour un "ulcère hémorragique".



Jean-Pierre Tuquoi
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook