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Bolivie : la bataille de l’élection de l’Assemblée Constituante
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28 juin 2006 02:03
Bolivie : la bataille de l’élection de l’Assemblée Constituante

Il souffle des vents de changement en Amérique latine. Dans quelques pays, les gouvernements impulsent des réformes constitutionnelles. Les buts principaux sont la recherche de "gouvernabilité" et la consolidation de projets politiques. Et en passant, si c’est possible, Evo Morales et Alvaro Uribe cherchent à habiliter leur réélection. Au Chili, Michelle Bachelet veut changer le système pinochétiste qui favorise la droite et le PRD de Lopez Obrador au Méxique à se défaire du leg du PRI.

Cela a commencé en 1990 comme une revendication des indigènes de l’orient bolivien, cela s’est transformé en consigne principale des mouvements sociaux avec la "guerre du gaz" de 2003 et aujourd’hui c’est une partie des "promesses réalisées" du président Evo Morales : dimanche prochain les boliviens choisiront les 255 membres de l’Assemblée Constituante lors d’un vote où ils diront oui ou non aux autonomies réclamées par le riche département de Santa Cruz, à l’est du pays. Cependant, la campagne électorale est loin du débat constitutionnel : l’opposition appelle à dire "non à Hugo Chavez" qu’elle accuse de vouloir manoeuvrer la constituante. "Ne permettons pas qu’ils nous soumettent avec le chéquier vénézuélien", a déclaré il y a quelques jours l’ex-président intérimaire Jorge "Tuto" Quiroga, qui utilise paradoxalement comme couleur partisane le même rouge vif du vénézuélien.

Le candidat d’Unité Nationale, Samuel Doria Medina, a dénoncé dernièrement que la compagnie pétrolière publique vénézuélienne, Pdvsa, "paie la campagne du MAS". Le gouvernement affirme qu’il s’agit de propagande institutionnelle de l’entreprise -dans laquelle apparaissent Hugo Chávez, Evo Morales et Fidel Castro- et que la campagne se paie avec des fonds de la Cour Nationale Électorale.

De son côté, l’officialisme convoque à rendre un plébiscite à la gestion de Morales avec la consigne "Evo président, le peuple constituant", dans des spots publicitaires. Y sont évoquées les actions déployées dans ses cinq mois de gouvernement, comme "la nationalisation des hydrocarbures, l’austérité, la stabilité de travail, la redistribution de la terre, l’alphabétisation et l’attention gratuite en santé".

Une semaine avant l’élection que Morales définit comme la plus importante que celle qui l’a portée au Palais Quemado en décembre 2005, l’apathie populaire règne. Le mandataire dit qu’il a besoin de la réforme, puisque son action est "limitée par les lois néolibérales", et la Constituante est le pas nécessaire pour "être pouvoir et refonder le pays". Cependant, le processus semble avoir avancé de l’utopie de "tout changer" à la realpolitik de rendre constitucionnels et "blinder" les changements nationalistes introduits par décret par Evo Morales dans quasiment une demi-année de gestion.

Après les positions initiales qui cherchaient l’élection "pour usages et coutumes" (les assemblées communautaires) -et non sous les règles de la démocratie libérale- on est passé à l’affrontement classique entre un bloc de gauche et un conservateur, structurés autour du Mouvement au Socialisme (MAS) et du Pouvoir Démocratique Social (Podemos).

La loi qui convoque à l’élection est le résultat d’un accord avec l’opposition politique et régionale -elle requiert les deux tiers- qui établit quelques cadenas aux changements radicaux : les décisions devront être prises par deux tiers des constituants, alors que le système électoral approuvé -qui combine représentations par circonscription et par département- rend virtuellement impossible que l’officialisme parvienne à ce nombre de siège. Ne sera pas non plus modifiée l’actuelle géographie politique-administrative bolivienne, en écartant les propositions de division et la création de nouveaux départements (comme celui du Grand Chaco réclamé par cette région de Tarija riche en gaz) ou les autonomies ethnico-culturelles comme celles que préconise l’actuel vice-président, Alvaro García Linera, dans ses écrits comme sociologue politique. "En appelnt à voter pour ou contre les autonomies départementales, on gèle une division territoriale du pays -les départements- au bénéfice des secteurs élitaires de l’orient du pays", affirme un analyste politique proche du gouvernement.

Parmi les propositions de l’officialisme on trouve la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’élection populaire des juges, l’introduction de mécanismes de justice communautaire et la propriété publique de toutes les ressources naturelles. Parrallèlement, on établit la possiblité de révocation du président et du vice-président. L’annonce faite par Evo Morales qu’il votera ’non’ aux "autonomies de la bourgeoisie", signifie que le leader cocalero est disposé à mettre un coup d’accélérateur à l’affrontement avec les élites de Santa Cruz, face à la position de García Linera en faveur d’une sortie pactisée et d’une guerre de positions de longue haleine. "Ceux qui défendent le ’oui’ veulent parceller et diviser en neuf parties l’armée et les forces de l’ordre. Le gouvernement ne permettra pas l’écartèlement de la Police Nationale ni des Forces Armées", a dit le chef d’État dans un acte pour le 180º anniversaire de la police. Peu après, le vice-président Alvaro Garcia Linera a vécu l’échauffement électoral dans sa propre chair, quand un groupe de jeunes autonomistes radicalisés a jetté des pierres sur son hélicoptère dans la localité cruceña de San Miguel de Velasco.

Ils sont peu nombreux ceux qui doutent que l’axe de la bataille constitutionnelle -qui durera entre six mois et un an- sera la bataille régionale : le référendum dira oui ou non à l’autonomie dans chaque département, mais l’assemblée établira les attributions des gouvernements régionaux autonomes. Pour le moment, dans la dynamique constituante bolivienne, le modèle chaviste gagne la bataille à celui de "multitude constituante" inspiré par l’italien Antonio Negri : dans la vision du gouvernement, l’assamblée doit servir à consolider l’hégémonie du nationalisme indigène et projeter dans le temps le pouvoir de Evo Morales.

Pablo Stefanoni, Pagina/12 (Argentine), 25 juin 2006
Traduction : Fab, [email protected]

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