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Bloggers et tortionnaires
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14 juin 2006 15:37
EGYPTE - 11 juin 2006 - par ABDALLAH BEN ALI


Deux internautes membres d’un mouvement d’opposition kidnappés en pleine rue. Puis gravement molestés dans un commissariat.

Membres du mouvement d’opposition Kifaya (Ça suffit !), Mohamed al-Charkaoui (25 ans) et Karim al-Chaer (24 ans) ont été enlevés, puis torturés par des hommes de la police politique. Leur crime ? Ils animent deux sites Internet militant contre une éventuelle passation du pouvoir entre le président Hosni Moubarak (78 ans) et Gamal (43 ans), son fils cadet, qui contrôle déjà le Parti national démocrate (PND) au pouvoir. Bref, ils refusent pour l’Égypte le scénario d’une succession « à la syrienne ».
En cette fin d’après-midi du 25 mai, les deux bloggers viennent de prendre part à un sit-in organisé devant les locaux du syndicat de la presse, dans le centre du Caire, en hommage à plusieurs de leurs camarades victimes de la répression, il y a un an. Ils ne sont pas le moins du monde sur leurs gardes. La manifestation terminée, Charkaoui prend un taxi tandis que Chaer monte dans la voiture d’une amie. Quelques centaines de mètres plus loin, presque au même moment, ils tombent l’un et l’autre dans un guet-apens. Des éléments de la sécurité de l’État interceptent les véhicules, en extraient sans ménagement les internautes avant de les rouer de coups. Au commissariat, ils s’acharnent particulièrement contre Charkaoui, jugé par eux « plus nuisible ». « Des officiers l’ont sodomisé pendant près de quinze minutes avec un rouleau de carton et l’ont menacé de le violer », témoigne Me Gamal Eid, son avocat. Il est également battu : « Ses yeux étaient enflés, il portait des traces de coups de pied sur la poitrine et le cou. »

Quelques heures plus tard, les kidnappés sont déférés devant la Cour de sûreté de l’État. Loin de désapprouver les exactions de la police, le procureur inculpe Charkaoui et Chaer pour « insulte au président de la République ». Ayant, paraît-il, contrevenu à la loi sur l’état d’urgence qui interdit notamment toute manifestation sur la voie publique, ils écopent de quinze jours de détention administrative.

Très vite, le récit des supplices endurés par Charkaoui provoque un tollé général dans l’opposition, déjà très remontée contre les pratiques de plus en plus autoritaires du pouvoir. Après l’emprisonnement d’Aymen Nour, le principal challengeur du raïs lors de la présidentielle de septembre 2005, puis le report des municipales, puis la reconduction de l’état d’urgence en vigueur depuis 1981, puis la tentative de mise au pas des juges réclamant le respect de la séparation des pouvoirs, cela commence en effet à faire beaucoup.

Même indignation à l’étranger. À Paris, Reporters sans frontières (RSF) demande aux partenaires de l’Égypte de « réagir fermement pour condamner ces pratiques indignes d’un État qui se dit démocratique ». Principaux bailleurs de fonds du pays (le montant de leur aide annuelle oscille entre 2 milliards et 3 milliards de dollars), les États-Unis critiquent aussi l’attitude des autorités égyptiennes, mais leur condamnation reste pour l’instant purement verbale. Et donc totalement inefficace. Chaque année, le rapport du département d’État américain sur la situation des droits de l’homme dans le monde dénonce la persistance de la torture en Égypte. Sans aucun effet sur le comportement de Moubarak et des siens.

Entre 1993 et 2004, l’Organisation égyptienne des droits de l’homme a recensé pas moins de 292 cas de tortures dans les locaux de la police égyptienne. Et 120 cas de décès suspects. En 2005, une quarantaine de plaintes ont été déposées devant le très officiel Conseil national des droits de l’homme. Sans aucune suite. En dépit de la clarté et de la sévérité des dispositions du code pénal, aucun officier des services de sécurité impliqué dans des cas - avérés ou non - de torture n’a jamais été inquiété depuis 1986, comme l’a reconnu, en février 2005, un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur devant des enquêteurs de Human Rights Watch (HRW). Les Occidentaux finiront-ils, comme le souhaite un dirigeant de Kifaya, par prendre conscience du « vrai visage de leur ami Moubarak » ? Puisse au moins le calvaire de Mohamed al-Charkaoui y contribuer.


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