Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Benchicou " Mohamed V et nos martyrs"
a
22 septembre 2014 17:45
Le patron du journal algérien Matin.dz dans une chronique chez TSA donne une leçon de dignité et d'Histoire à Bouteflika sur le rôle de Mohamed V :


[www.tsa-algerie.com]

" le 27 août 2014 à 8 h 50 min - Chronique de Mohamed Benchicou.

Le président de la République vient donc de dénicher dans l’histoire un motif supplémentaire pour les peuples algérien et marocain de se déchirer. En déclarant péremptoirement que les opérations du 20 août 1955 menées par le martyr Zighoud Youcef dans le Nord-constantinois ont permis de faire apparaître « les prémices d’une solution politique entre le gouvernement et le Royaume du Maroc » et de mettre fin à l’exil du Roi du Maroc et sa famille à Madagascar, « faisant alors du 20 août un gage de fraternité et de solidarité entre les peuples marocain et algérien », il ne sous-entend rien moins que le Maroc doit son indépendance à la bravoure des combattants algériens.

L’on ne saurait mieux blesser la fierté nationale d’un pays voisin et, dans ce chapitre, l’objectif de notre chef de l’État semble avoir été atteint, à lire les fougueuses ripostes indignées qui parviennent du royaume.

Mais il semble bien que c’est ainsi, sous ce tableau de la rixe et de l’affrontement que notre chef de l’Etat, ou ceux qui, dans les conditions cacophoniques de la vie politique algérienne aujourd’hui, signent en son nom, préfèrent voir le Maghreb. Il aurait pu se servir de ce qui, dans l’histoire, unit au lieu de diviser, apaise au lieu de désespérer. Il aurait fallu pour cela connaître l’histoire telle qu’elle s’est faite, pas comme il souhaiterait qu’elle fût.

Plutôt que d’arborer une mythique « solidarité des Algériens avec les résistants en Tunisie et au Maroc », sous-entendant une bienveillance algérienne à l’origine de « la prise de conscience quant à une impérieuse libération du Maghreb », il aurait été plus conforme avec la réalité historique de rappeler que dans les années 20 et 30 déjà, l’Étoile nord-africaine, qui se posait comme la force motrice d’un Maghreb à venir, comptait dans son comité de coordination des Tunisiens du Néo-destour, tels Ben Slimane et Hedi Nouira mais aussi les camarades marocains de l’Action marocaine, comme El Ouazzani, Allal el Fassi et Balafredj. C’est en leur compagnie que Messali Hadj tenait des meetings d’usine en usine, au milieu de la classe ouvrière française… Il n’y avait, alors, nulle singularité algérienne, comme se plaît à le claironner notre chef de l’État dans le but de blesser l’orgueil national du Maroc voisin.

Ceux qui nous ont précédés étaient, heureusement pour l’histoire et pour la morale, moins infatués de leurs personnes et asservis totalement au noble combat internationaliste.
Bouteflika, ou ceux qui signent des envolées lyriques à la gloire du combat algérien, devrait savoir que dans les années 40, l’union maghrébine s’était forgée dans la douleur, dans le calvaire partagé, dans le froid du bagne de Lambèse où les chefs du parti du peuple algérien (PPA qui prit la place de l’étoile nord-africaine dissoute par Léon Blum en 1937) étaient emprisonnés en compagnie de militants tunisiens et marocains. En ce temps-là, un doux refrain traversait l’Afrique du Nord, le refrain des chants et des qacidates, de la poésie populaire, entonné à la gloire des détenus, en soutien à la propagande nationaliste. Ce fut à ce moment-là que naquit une véritable revendication marocaine pour l’indépendance, bâtie autour d’un noyau indépendantiste qui deviendra plus tard l’Istiqlal, encouragé par le sultan marocain Mohammed Ben Youssef qu’on connaîtra sous le nom de Mohamed V et qui paiera son choix par un bannissement à Madagascar.

Aujourd’hui, il n’y a plus que le refrain de la haine couvrant le Maghreb de sa noirceur. Comme d’une litanie du mensonge et du rabaissement de l’autre. A ce jeu-là, on prend le risque de se rabaisser soi-même, à nier les luttes marocaines pour l’indépendance, la création du Front national marocain par les indépendantistes, les manifestations antifrançaises réprimées dans le sang entre 1952 et 1953, les attentats des nationalismes marocains après l’exil de Mohamed V…

L’indépendance du Maroc fut le résultat d’une longue maturation du mouvement national maghrébin à l’intérieur de l’Étoile nord-africaine, de la résistance des Marocains eux-mêmes ainsi que de facteurs conjoncturels favorables. La France, affaiblie par la défaite de Dien-Bien-Phu, sous le coup d’une pression internationale insupportable, gênée par le soutien américain à Mohamed V, n’avait plus la puissance nécessaire pour soutenir trois fronts à la fois. Elle fit le choix de se concentrer sur le territoire algérien, le plus riche de par ses ressources pétrolières, mais aussi celui qui se prêterait le moins à une solution à l’amiable du fait de l’existence d’une forte minorité de Colons européens (1 million sur 9 millions d’habitants en 1954) farouchement opposés à la création d’une République algérienne musulmane. Paris fit alors revenir le sultan avec lequel elle signa les accords de La Celle-Saint-Cloud, prévoyant le retour sur le trône, sous le nom de Mohammed V et l’indépendance du Maroc. Quelques semaines plus tard, ce sera le tour de la Tunisie.

Personne, en dehors de Bouteflika, n’a jamais dit que le soutien de l’Algérie fut décisif dans l’avènement de l’indépendance marocaine. Pas un seul historien ne l’a écrit, et on n’a jamais entendu pareille forfanterie sortir de la bouche des artisans du 20 août 1955 dont bon nombre d’entre-eux ont pourtant écrit des ouvrages très riches en révélations. En retenant la solidarité avec le roi du Maroc parmi les buts de l’action du 20 août 1955, Zighout Youcef et ses compagnons se situaient, objectivement, dans le prolongement historique de l’action unitaire maghrébine entamée 30 ans auparavant par leurs aînés à l’intérieur de l’Etoile. À l’opposé de ce que veut faire croire M. Bouteflika, ce point n’était du reste pas prioritaire dans les objectifs assignés à l’opération militaire. Il figurait au dernier échelon dans la liste. Ce qui était vital, aux yeux des concepteurs de l’opération du 20 août 1955, était d’affirmer la volonté algérienne d’aller vers l’indépendance coûte que coûte. Zighout cherchait, entre autres, à créer un autre point de fixation qui allégerait les Aurès et à créer les conditions subjectives et objectives d’une internationalisation du cas algérien notamment l’inscription dans les débats de l’ONU.

Hormis dans le cerveau de M. Bouteflika ou de ceux qui rédigent en son nom, il n’existe aucun super-héros algérien qui aurait accéléré l’avènement de l’indépendance du Maroc.

Du reste, s’il fallait décerner un mérite particulier à un combat générateur d’une prise de conscience maghrébine, il reviendrait, historiquement et tout à fait naturellement, à un illustre … marocain : Abdelkrim!

A suivre…



Modifié 2 fois. Dernière modification le 23/09/14 23:00 par axis7.
a
22 septembre 2014 17:48
suite :

[www.tsa-algerie.com]

Actualité, Politique - le 28 août 2014 à 16 h 27 min - Chronique de Mohamed Benchicou.

Dans son empressement à dévaloriser la résistance du peuple marocain et de tirer à lui la couverture de l’Histoire, le chef de l’État algérien a recourt au bon vieux procédé de divinisation et de sacralisation du passé. Il n’a pas de mots assez puissants pour dépeindre la portée universelle de la glorieuse révolution algérienne « Qui a écrasé l’ennemi, éclairé les sentiers du salut des peuples opprimés, a changé le cours de l’histoire, éliminant l’injustice et consolidant la stabilité des relations entre États et peuples. » Et tant pis pour Lunumba, Nehtu, Soekarno et Mao !

Le subterfuge lui permet, ainsi, de régler ses comptes avec le voisin mais aussi avec l’époque, avec le Printemps arabe notamment. Ayant posé les jalons d’une histoire divinisée, dont il suggère être un des acteurs, il peut alors s’affirmer en preux descendant d’une ère prestigieuse, exclure l’autre – en l’occurrence, ici, le roi Mohamed VI, le « jeunot », renvoyé à la puérilité de son statut adolescent – et se servir, avec adresse, de ce passé sanctifié pour dévaloriser le Printemps arabe et justifier l’autocratie qu’il exerce.

Réécoutons-le : « La stabilité dont jouit notre pays aujourd’hui sur fond d’agitation régionale et géostratégique qui a malheureusement affaibli de nombreux pays en raison notamment d’un manque d’attachement aux valeurs d’unité, de souveraineté et de sécurité et une mauvaise appréciation des embûches posées par les semeurs de discorde pour diviser les sociétés en vue de les dominer. » Et vlan sur la gueule des manifestants tunisiens, libyens et égyptiens !

C’est peu dire qu’il fait une exploitation outrancière et frauduleuse de la mémoire des prestigieux chefs de l’opération 20 août 1955 qui devient, ainsi, le prétexte à une légitimation d’un régime illégitime !

L’ennui, c’est que les sociétés modernes ont pris leur distance par rapport au sacré. Nous vivons dans une Histoire désacralisée.

Aujourd’hui, nul n’est dupe de la nature autocratique du régime algérien. Á commencer par les chefs de l’opération 20 août 1955 dont la victoire exténuée a été finalement trahie et qui, pour la plupart, d’Ali Kafi à Salah Boubnider ont terminé leur vie en s’opposant au pouvoir de Bouteflika, (nous y reviendrons plus loin). Á l’heure où le savoir se démocratise et où l’histoire est dépouillée de tous ses secrets, il n’y a plus que de vieux esprits démodés pour faire étalage d’une supériorité aux dépens de la vérité historique.

Ainsi, quand le président algérien affirme que « La solidarité des algériens avec les résistants en Tunisie et au Maroc, a généré une prise de conscience quant à une impérieuse libération qui a englobé, de par sa profondeur et sa dimension, l’ensemble de la région maghrébine », autrement dit que rien ne se serait produit d’heureux pour les tunisiens et les marocains sans « la solidarité des Algériens », il renie l’histoire de l’Étoile nord-africaine (voir la première partie) mais, plus impardonnable, il saute allègrement une page fondamentale de l’histoire du Maghreb : la résistance marocaine contre l’occupant français et espagnol, la résistance d’Assaut Oubasslam qui mena, entre autres, la bataille de Bougafer en 1918, contre l’armée française, la résistance de Mohamed Amezian, celle de Hassan Ouazani et, celle qui rayonne aujourd’hui sur tout le Maghreb, la résistance d’Abdelkrim El-Khettabi.

Le héros de la bataille d’Anoual (1921) au cours de laquelle l’Espagne perdit 16 000 soldats, alors que 24 000 autres sont blessés et 700 faits prisonniers, reste la figure la plus connue de la résistance maghrébine. Trente ans avant l’opération du 20 août 1955, la victoire d’Anoual avait eu un retentissement dans le monde entier, démontrant que même avec des effectifs réduits, un armement léger et une importante mobilité, il était possible de vaincre des armées classiques. Abdelkrim avait fait trembler les puissances coloniales, s’autorisant même la proclamation d’une République au sein du territoire colonisé.

La République du Rif qui fera l’effet d’une déflagration sur le plan international en tant que premier « territoire libéré » issu d’une guerre de décolonisation au XXe siècle. Abdelkrim ira jusqu’à mettre sur pieds un Parlement constitué des chefs de tribus, un gouvernement et promulgue jusqu’à des réformes modernes au nez et à la barbe de l’occupant. Il a fallu une coalition franco-espagnole et l’envoi en urgence du maréchal Pétain, qui fit usage des premières armes de tueries massives, pour venir à bout d’Abdelkrim. Il s’était rendu, demandant à ce que les civils soient épargnés.

Mais ni Madrid ni Paris ne pouvaient tolérer qu’un tel soulèvement reste impuni. Ainsi dès 1926 des avions munis de gaz moutarde bombarderont des villages entiers, faisant 150 000 victimes parmi les populations civiles, faisant des Marocains du Rif les premiers civils gazés massivement dans l’Histoire.

Toute cette épopée, qui façonna le mouvement national d’alors, est ignorée par le président algérien. Lui si enclin à revaloriser le combat algérien au détriment de celui des autres peuples, serait plutôt embarrassé de savoir que c’est la résistance d’une haute figure marocaine qui exerça une influence décisive sur le père du nationalisme algérien et non l’inverse !

Notre chef de l’État, qui dit admirer Messali Hadj, ne devrait pas ignorer que le leader Rifain fut un des principaux personnages dont on peut dire, au même titre qu’Atatürk et Lénine, que le combat fut constitutif de la personnalité de Messali.

Le 26 juin 1926, dans la maison des syndicats, boulevard de Belleville, à l’occasion d’un meeting organisé pour faire connaître l’Étoile nord-africaine qui venait d’avoir trois mois d’âge et alors que l’émir Abdelkrim venait de livrer sa dernière bataille à Anoual, Messali avait confié à des proches : « L’émir Abdelkrim cesse le combat au moment où l’Étoile nord-africaine entre dans les quartiers pauvres de Paris. Il y a quelque chose de fabuleux dans cette coïncidence, comme signe de Dieu. » Comme dit l’émir Abdelkader : « Quand un homme meurt sous les balles de l’ennemi, un autre se lève. »

Le message était clair. L’Étoile nord-africaine avait été créée pour continuer le combat de l’Émir Abdelkader et celui d’Abdelkrim. Le marocain Abdelkrim resta à jamais une des subjugations du futur père du nationalisme algérien, fils hagard d’une colère universelle comme il se définit lui-même, « progéniture des révoltés des Tuileries et d’Abdelkrim le Rifain », balançant entre Dieu et Lénine, entre les communards et les derkaouas, la zaouïa et la Bastille, entre Salah-Eddine et Jean-Jacques Rousseau… Ce fut cela, la mie nourricière du mouvement national algérien, une passion à cheval entre l’amour des vivants, l’identité musulmane et le combat internationaliste dédié à la justice entre les hommes sur cette terre.

Bouteflika ou ceux qui rédigent en son nom devraient relire ce que fut vraiment le mouvement national algérien : une idée, une simple idée, forte et généreuse nourrie de mille ans d’impatiences et l’impatience, comme la colère, ne connaît pas de frontières, pas de langue, ni de race, pas de religion…

Ce fut cela, la grandeur algérienne, rassemblée à toutes les autres grandeurs que les hommes portent dans leur cœur. Ce fut cela la grandeur algérienne avant qu’elle ne soit labellisée, encartée, porteuse d’un seul étendard puis objet de tiraillements mesquins, de puissantes avidités qui tenaient lieu d’ambition, de jouet entre les mains de créatures étrangères à la noblesse du combat.

Toute notre défaite vient de ce que l’on a laissé des mains sales s’emparer d’une idée immaculée et qui perdit, à jamais, sa blancheur. Une belle histoire venait d’avorter avant même de commencer. Une autre, au visage hideux, s’imposait à nous. L’Algérie entrait dans l’ère du pouvoir absolu, de la dictature et de l’écrasement de l’Homme.

Ce régime qui nous gouverne aujourd’hui, en est l’enfant adultérin. Soixante et un ans après le 20 août 1955, le peuple algérien est toujours à la recherche de sa liberté ! Les chefs du 20 août 1955 n’ont jamais pardonné à Bouteflika d’avoir travesti leur idéal. Nous y reviendrons.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 23/09/14 22:57 par axis7.
23 septembre 2014 19:33
Que dire après cela, sauf un grand Merci M. BENCHICOU pour cette leçon d'histoire et d'humilité.
La mémoire permet d’immuniser le passé pour mieux regarder l’avenir / Le temps est le meilleur moyen qu’a trouvé la nature pour que tout ne se passe pas d’un seul coup.
23 septembre 2014 19:36
Désolé Axis7, pour le retard !

Merci beaucoup d'avoir partagé cette superbe chronique de M. BENCHICOU.

P.S : Peux tu nous communiquer le lien de la 2ème partie, STP.
La mémoire permet d’immuniser le passé pour mieux regarder l’avenir / Le temps est le meilleur moyen qu’a trouvé la nature pour que tout ne se passe pas d’un seul coup.
a
23 septembre 2014 22:56
Citation
MusulmanGéo a écrit:
Désolé Axis7, pour le retard !

Merci beaucoup d'avoir partagé cette superbe chronique de M. BENCHICOU.

P.S : Peux tu nous communiquer le lien de la 2ème partie, STP.

Omission corrigée, bonne lecture :

[www.tsa-algerie.com]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 23/09/14 22:58 par axis7.
24 septembre 2014 21:09
Bels articles, qui dépoussièrent beaucoup d'idées reçues.

Benchicou, un journaliste comme on aimerait en voire plus au Maghreb ; la plume juste, et qui refuse l'aplaventrisme.
Avant que son journal Le Matin ne soit interdit de publication par Bouteflika, c'était je crois mon préféré, pour sa pertinence (ou son impertinence rétorquerons d'autres...). Le journal finissait en beauté avec la caricature de Dilem et la chronique de feu Said Mekbel , assassiné par les islamistes qui ne lui pardonnerons pas son talent.
Les ennuis de Benchicou et du Matin commencerons après la publication de son livre : " Bouteflika, une imposture algérienne"
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook