Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Les "Barbus" dans le 9-3
a
17 novembre 2006 20:35
LE MONDE | 16.11.06



En juin 2004, un rapport de la direction centrale des Renseignements généraux s'inquiétait d'un "repli communautaire" dans les banlieues. L'influence des prêcheurs islamistes était particulièrement montrée du doigt. Leur "prosélytisme intégriste (...) porte ses fruits, notamment auprès des jeunes et des enfants, pris en charge par de nombreuses associations qui oeuvrent dans le domaine sportif et éducatif (crèches, écoles coraniques)". Ces mêmes prêcheurs attisaient chez les jeunes l'idée selon laquelle ils étaient "victimes de discrimination et de racisme".


Un an et demi plus tard, dans un rapport publié après les violences urbaines d'octobre-novembre 2005, la tonalité était sensiblement différente. Les RG parlaient d'"insurrections non organisées" dans lesquelles les islamistes n'auraient joué "aucun rôle". Ceux-ci auraient eu, au contraire, "tout intérêt à un retour rapide au calme pour éviter les amalgames".

Quelle version croire ? Aujourd'hui, la thèse la plus répandue est que les "grands frères" auraient joué un rôle modérateur, comblant le vide laissé par les élus, les forces de l'ordre, les acteurs sociaux ou les associations de quartier. Bref, les "barbus" auraient remplacé la République.

Au cours des nuits d'émeutes de novembre 2005, ce qui a surtout frappé les observateurs, ce sont les rondes de nuit organisées par des pères de famille, la plupart musulmans pratiquants, pour ramener les jeunes à la raison - voire à la maison. Hassen Farsadou, président de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93), a participé à ces rondes à Aulnay-sous-Bois. "Nous avons commencé à bouger avant même que la mairie ne réagisse. Tout le monde était dépassé. Nous avons contribué à calmer les choses." Pourquoi ont-ils voulu jouer ce rôle de médiateurs ? Pour Abdelghani Haddouche, responsable de la mosquée du Pré-Saint-Gervais, la question est presque incongrue. "Pourquoi ? Mais parce que c'est notre ville, notre vie ! Et parce que c'est interdit de brûler des voitures !"

Visiblement, les émeutiers n'étaient pas des piliers de mosquée. "Les jeunes de mon quartier, je les connais, témoigne M. Haddouche. Ceux qui ont participé aux émeutes n'étaient pas spécialement pratiquants..." "Il ne faut pas se voiler la face, rectifie Mohammed Henniche, secrétaire général de l'UAM 93. La plupart des émeutiers étaient d'origine musulmane. Notre première réaction a été de nous dire : il faut les calmer. Sinon, on va encore coller ça sur le dos de l'islam et des musulmans. D'ailleurs, c'était le prisme des médias anglo-saxons qui ont pris contact avec nous : pour eux, c'étaient les musulmans qui se révoltaient."

Si ce type de médiation a eu une influence quelconque, il n'est pas sûr que ce soit grâce à l'islam. "J'ai assisté à l'une de ces tournées, témoigne Nicolas Mom, qui écrit des articles pour le site musulman saphirnews.com. Les jeunes écoutaient les adultes, parce que ces personnes leur rappelaient leurs parents. Il y avait un enjeu de dialogue entre les générations."

Mohammed Henniche était conscient qu'il s'exposait aux critiques en organisant ce type de médiation. "A un moment donné, on s'est dit : "Il faut qu'on arrête, sinon on va impliquer l'islam". En même temps, on ne pouvait pas rester les bras croisés." Effectivement, l'islam a été mis en cause indirectement après les violences urbaines. Dans sa lettre du 13 juin adressée au ministère de l'intérieur, Jean-François Cordet, préfet de la Seine-Saint-Denis, déplore que "le relais de la gestion locale (soit) pris par les "barbus"", et que leur influence se fasse sentir "à chaque réveil de l'agitation dans telle ou telle cité".

Indéniablement, l'islam a imposé sa marque dans le paysage de certains quartiers du "9-3", la Seine-Saint-Denis. Les non-musulmans sont frappés par les tenues vestimentaires. Voile sous toutes ses variantes, laissant apparaître, au choix, le visage ou seulement les yeux. Pour les hommes, c'est le look "BCBG" : barbe, chapelet, bâton de siwak (pour se curer les dents), gandoura. Karim Azzouz, membre du Collectif des musulmans de France (CMF), s'insurge contre ces préjugés. "L'habit ne veut rien dire. Moi, je suis vêtu comme tout le monde. Pourtant j'ai des opinions politiques radicales. Un membre du Tabligh (mouvement prosélyte et piétiste), qui ne fait pas de politique par principe, portera le qamis (djellaba) et la barbe longue..."

Certains secteurs se sont doucement islamisés. Boucheries halal, librairies islamiques, kebab fast-food, agences de voyages pour La Mecque, taxiphones pour appeler au bled, coiffeurs maghrébins qui manient la tondeuse. Pendant le ramadan, les restaurants sont fermés le midi. Certains préviennent en vitrine que leur jour de fermeture est le vendredi. Mohammed Henniche a son explication : "Beaucoup de musulmans très pratiquants ouvrent un petit commerce. Cela leur permet de pratiquer un islam rigoriste sans rendre de comptes à un patron." Pour Karim Azzouz, cette islamisation du paysage est liée à "un effet de rattrapage et un effet de concentration". Il s'explique : "Des boucheries halal, il n'y en avait pas suffisamment. Et l'embourgeoisement des centres-villes conduit à refouler les populations musulmanes aux marges."

Tous les vendredis, les mosquées sont pleines. Selon l'annuaire La Boussole, qui les recense, il y aurait cent cinq lieux de culte musulman dans le département, tout compris : mosquées, salles de prière aménagées dans des foyers, des pavillons, des friches industrielles. "On est au maximum de capacité", constate Hassen Farsadou. Karim Azzouz va plus loin : "Les nouvelles mosquées sont tout de suite remplies. A Bagnolet, il y avait trois petites salles de prière dans des foyers, toujours pleines. On a ouvert une nouvelle mosquée de 1 000 places. Elle n'a pas vidé les foyers, au contraire. Tous les vendredis, les quatre lieux de culte débordent."


Ces mosquées sont fréquentées majoritairement par des jeunes. "Ils subissent un sermon en arabe qu'ils ne comprennent pas pendant une heure, déplore M. Azzouz. Dans le meilleur des cas, ils ont droit, à la fin, à un résumé en français qui dure cinq minutes." Dans ce cas, pourquoi tant de jeunes à la mosquée ? "C'est peut-être simplement un phénomène démographique, avance Karim Azzouz. On a affaire à une population très jeune."

L'islam, en Seine-Saint-Denis, n'est pas plus radical qu'ailleurs, il le serait même moins. Sur les deux mosquées identifiées comme salafistes, à Stains et à Noisy-le-Grand, l'une a changé d'imam, l'autre a été fermée. Désormais, les principaux centres salafistes se situent dans les Hauts-de-Seine. Karim Azzouz relève cependant, ici comme ailleurs, "une évidente progression du salafisme au détriment du Tabligh", même s'il n'est pas "sanctuarisé" en un lieu précis. "Aujourd'hui, les mosquées sont tenues principalement par des Marocains traditionalistes, souvent proches du Tabligh", estime Mohammed Henniche.

L'islam du 9-3 est un islam émietté. Aucune organisation ne serait en mesure de le mobiliser. Karim Azzouz est bien placé pour le savoir. Son mouvement, le Collectif des musulmans de France, a été l'un des organisateurs des manifestations contre la loi sur le voile, en 2004. Récemment, il a tenté de mobiliser en faveur de la Palestine. Echec dans les deux cas. "Personne n'est en mesure de faire descendre les musulmans dans la rue, déplore-t-il. L'islam du 9-3 est composé de groupes autonomes en reconstruction permanente."

La meilleure preuve de cet émiettement a été apportée par les résultats de la fatwa (avis juridique) édictée par l'Union des associations islamiques de France (UOIF) au plus fort des émeutes. Ce texte condamnait les violences au nom de la religion et appelait au calme. L'effet a été égal à zéro. Mieux encore, l'UOIF, association qu'on prétend influente auprès des jeunes musulmans, a été dénoncée de tous côtés. "Faire une fatwa pour des gens qui ne sont pas pratiquants, cela n'a aucun sens", peste Hassen Farsadou.

Rares sont les organisations religieuses qui ont une influence sur la jeunesse des banlieues. Mohammed Colin, 28 ans, directeur du site saphirnews.com, le reconnaît : "Il manque des cadres en contact avec les jeunes des quartiers. Ceux qui sont en phase d'ascension sociale, c'est-à-dire tous les diplômés, quittent les périphéries. Dans ce sens, nous sommes dans une situation très différente de celles des chrétiens de gauche du XXe siècle, qui allaient au contact du monde ouvrier."

Lorsque l'islam joue un rôle dans le tissu social des quartiers, c'est plutôt par défaut. "Le cas typique est celui d'un groupe de sept ou huit étudiants qui se crée pour faire du soutien scolaire, explique Karim Azzouz. Ils sont tous musulmans et fréquentent la mosquée, à l'exception d'une Antillaise et d'un Portugais. L'association va être forcément estampillée comme islamiste. A l'inverse, une mère de famille voilée qui va essayer de s'impliquer dans une association de parents d'élèves sera refoulée." Si l'on en croit Karim Azzouz, il ne resterait, dans certains quartiers, que "des associations musulmanes, quelques équipes de foot et le Front national".
p
17 novembre 2006 20:44
c'est trop long à lire pour mes ptits yeux ...


Possibilité de faire un rapide résumé ? ou de mettre en gras les passages explicites ?


Désolée pour la reflexion, j'aime lire la presse dans son support originel, mais sur écran par contre, il me faut un Doliprane eye rolling smiley
c
17 novembre 2006 22:46
Petit chat, c'est du n'importe quoi comme d'hab', les RG racontent tout et son contraire, les politiques prennent ce qui les intéressent et occultent le reste pour répéter aux media, les media vendent du temps d'antenne aux publicitaires avec ça, les intellos font jouer à faire peur sur les plateaux, les barbus (bien réels) vont utiliser ça pour isoler encore plus les musulmans qui voudront tomber dans le panneau de leur discours...etc

En attendant, peu de personnes prennent du recul pour réfléchir et les lignes de démarcation se tracent, le "eux et nous".
Voilà, tu as une idée du truc et sans Dolipranesmiling smiley



Modifié 1 fois. Dernière modification le 17/11/06 22:51 par chelhman.
p
17 novembre 2006 23:00
Citation
chelhman a écrit:
Petit chat, c'est du n'importe quoi comme d'hab', les RG racontent tout et son contraire, les politiques prennent ce qui les intéressent et occultent le reste pour répéter aux media, les media vendent du temps d'antenne aux publicitaires avec ça, les intellos font jouer à faire peur sur les plateaux, les barbus (bien réels) vont utiliser ça pour isoler encore plus les musulmans qui voudront tomber dans le panneau de leur discours...etc

En attendant, peu de personnes prennent du recul pour réfléchir et les lignes de démarcation se tracent, le "eux et nous".
Voilà, tu as une idée du truc et sans Dolipranesmiling smiley


merci Clap

c'est vraiment gentil à toi
B
18 novembre 2006 02:05
Salam aalikoum


et les quartiers chinoi moody smiley


ils passent bien dans le paysage...perplexe
[b]Plus rien ne m'étonne[/b]
L
18 novembre 2006 11:00
la liaison religion émeute n'a été faite que par les RG grinning smiley

personne n'y a cru véritablement, sauf peut etre sarko, et encore, je n'en suis pas certain Cool
J
JD
18 novembre 2006 11:58
Citation
Bass a écrit:
Salam aalikoum
et les quartiers chinoi moody smiley

ils passent bien dans le paysage...perplexe

moi j'aime bien, faut dire que je vais surtout rue Montgallet Angel

A+
"Quiconque prétend s'ériger en juge de la vérité et du savoir s'expose à périr sous les éclats de rire des dieux puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n'en connaissons que la représentation que nous en faisons." (Albert Einstein / 1879-1955)
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook