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Banques : Les produits "halal" arrivent
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9 février 2007 20:55
Par Samir Achehbar, Tel Quel n° 259



Bank Al-Maghrib s'apprête à donner son feu vert aux banques pour commercialiser des produits islamiques. Ce faisant, la Banque centrale coupe l'herbe sous le pied du PJD, qui avait fait de ce projet un enjeu électoral.


Dans les couloirs de Bank Al Maghrib (BAM), l'atmosphère est plutôt fébrile en ce début du mois de février. Les réunions se succèdent avec les responsables du GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc), pour porter les dernières retouches à un projet qui a longtemps alimenté les discussions au niveau des banques et des partis politiques : les produits bancaires islamiques.


Pour le moment, la directive de BAM est en cours de finalisation. Une fois prête, la commission mixte chargée du projet donnera son feu vert aux banques, pour débuter la commercialisation des produits s'inspirant de la Charia islamique. Chose qui devrait intervenir dans les prochaines semaines.

En attendant, les préparatifs ont déjà démarré au niveau des banques. La nouvelle panoplie de produits nécessite la formation du personnel et la préparation des offres commerciales. Un travail que les établissements bancaires ont entrepris avec un enthousiasme non dissimulé. Ces nouveaux produits devraient en effet leur permettre de toucher une nouvelle clientèle, jusque-là plus ou moins réticente devant les offres classiques.

Des produits “islamiquement corrects”
Si la Banque centrale a finalement décidé, après moult refus, d'accorder sa bénédiction aux produits islamiques, c'est d'abord pour répondre à une forte demande. Une partie de la population refuse en effet de faire appel aux produits classiques des banques, qu'elle considère comme “haram”. Résultat, les banques se retrouvent avec un important gisement inexploité de clients.

Cet état de fait a été déjà pris en compte lors de l'élaboration de la nouvelle loi bancaire, promulguée en 2004. Plusieurs articles stipulent clairement la possibilité donnée aux banques de s'ouvrir à de nouveaux produits, sans toutefois en citer clairement la nature. Depuis, l'institution dirigée par Abdellatif Jouahri a eu le temps de mûrir le projet. Elle ne pouvait cependant se permettre de le reporter davantage. L'afflux de plus en plus important d'investisseurs arabes, habitués à contracter des produits islamiques, a également été décisif dans l'accélération de la prise de décision. “La disponibilité de telles offres est même devenue un atout de taille pour attirer les capitaux arabes”, explique Mohammed Elzahir, directeur du département juridique à l'Arab Bank.

Autrement dit, en misant sur ces nouveaux produits, c'est la consommation et, par ricochet, l'économie qui devraient en profiter. L'argument est de taille. D'ailleurs, l'impact de ces produits devrait être exceptionnel, si l'on en croit Lahcen Daoudi, membre du bureau politique du PJD. “La mise en place de ces produits se traduira par une progression du PIB avoisinant 0,5%”, estime-t-il. Concrètement, les banques vont se contenter de proposer trois types de produits, qui restent les plus importants : la Mourabaha, l'Ijara et la Moucharaka (voir encadré). Ce sont d'ailleurs ces mêmes produits qu'on retrouve dans les banques islamiques implantées un peu partout dans le monde. Seule différence, BAM a tenu à retirer toute référence explicite à l'islam dans l'appellation des offres. Celles-ci sont ainsi sobrement baptisées “produits alternatifs”, tout en mentionnant leur respect des règles de la Charia islamique. “C'est une bonne chose. En retirant toute référence à la religion, on ôte ainsi tout ce qui peut être enveloppé idéologiquement”, commente Daoudi.

Moulay Ali Kettani, précurseur
Si l'aval donné par BAM aux produits alternatifs s'explique d'abord par des raisons purement économiques, le sous-tendant politique n'est pas très loin. Et à cet égard, la position de la Banque centrale marque un tournant. “Auparavant, tout ce qui avait une connotation islamique était combattu. Ce n'est que justice”, fait encore remarquer Daoudi. Car l'idée de commercialiser des produits bancaires islamiques ne date pas d'aujourd'hui. Déjà, au début des années 90, Moulay Ali Kettani, le fondateur du groupe Wafabank, avait ficelé un projet de produits islamiques pour sa banque. Tout a été minutieusement préparé, jusqu'à la campagne publicitaire ! À sa grande déception, le Wali de BAM, Mohamed Sekkat à l'époque, avait opposé un niet catégorique. Une page est tournée.

Il faudra attendre plus d'une décennie pour que la question des produits islamiques refasse surface. Sous la houlette de Abdelhamid Aouad (parti de l'Istiqlal), qui officiait à la tête du ministère de la Prévision économique et du Plan, le plan quinquennal 2000-2004 s'était engagé à lancer des produits s'inspirant de la Charia islamique. Mais le projet ne connaîtra pas de suite concrète, malgré les nombreuses demandes émanant d'investisseurs arabes pour l'installation de banques islamiques au Maroc. L'homme d'affaires Miloud Chaâbi avait lui aussi soumis plusieurs demandes pour la création d'une banque islamique, mais sans succès. Entretemps, en Europe et aux Etats-Unis, les autorités monétaires, prenant conscience de la manne financière que peuvent représenter les banques islamiques, n'ont pas hésité à donner leur agrément. En Grande-Bretagne, l'Islamic Bank of Britain (IBCool, créée en 2004, a réussi en un temps record à se faire une bonne place sur le marché britannique et envisage même de s'installer dans d'autres pays.

Position rétrograde
La réticence des autorités marocaines à l'établissement de banques islamiques avait toujours suscité les critiques des islamistes marocains. Le PJD avait même placé ce projet dans sa liste revendicative. “Pour des raisons idéologiques, nous avons marginalisé une frange de la population. C'est une position rétrograde qui n'est pas compatible avec la démocratie”, commente ce dirigeant islamiste. Tout en applaudissant ce “changement d'attitude de la part des autorités monétaires”, le PJD insiste particulièrement sur les règles à observer lors de la mise en place de ces produits. À commencer par l'installation d'une sorte de conseil déontologique, dont la mission consisterait à vérifier la compatibilité des produits proposés avec les règles de la Charia. C'est le cas à l'Islamic Bank of Britain, où trois cheikhs veillent à l'adéquation des offres avec les normes islamiques.

En attendant, tout dépendra de la réussite de ces nouveaux produits. Et ce n'est pas gagné d'avance. Pour certains opérateurs, s'ils connaissent autant de succès dans d'autres pays, c'est moins pour des raisons religieuses que parce qu'ils sont tout simplement moins chers. “Ce n'est pas parce que nous ne commercialisons pas d'alcool à Aswak Salam que nous avons forcément plus de succès”, commente Faouzi Chaâbi, vice-président de Ynna Holding. Quoi qu'il en soit, en décidant d'ouvrir le secteur bancaire à cette nouvelle famille de produits, BAM tourne la page d'un sujet qui a toujours été exploité politiquement, coupant ainsi l'herbe sous le pied du PJD, qui en avait fait un argument électoral. Commentaire du PJDiste Lahcen Daoudi : “C'est un thème en moins pour notre campagne électorale. Mais c'est un point de plus pour la société”. Amen.



Offres. Les nouveaux produits


Le projet de BAM prévoit la mise en place de trois produits qui font tous l'objet d'un contrat entre le client et la banque et qui sont régis par les lois en vigueur.

Mourabaha. C'est une opération par laquelle une banque, sur la demande du client, acquiert un bien (meuble ou immeuble) en vue de le lui revendre avec une marge bénéficiaire négociée d'avance et dont le règlement ne dépasse pas deux ans.

Ijara. La banque met à titre locatif un bien à la disposition d'un client. Il faut cependant distinguer entre l'Ijara Tachghilia et l'Ijara Wa Iqtina, qui est une forme de leasing avec option d'achat.

La Moucharaka. Plus ou moins assimilable au capital-risque, c'est une prise de participation par une banque dans le capital d'une société en vue de réaliser un profit. Les deux parties partagent les pertes à hauteur de leur participation et le profit selon un prorata prédéterminé. Là aussi, il y a deux sortes de produits. La Moucharaka Tabita (la banque et le client demeurent partenaires jusqu'à expiration du contrat) et la Moucharaka al Moutawakissa, où la banque se retire du capital au fur et à mesure de l'avancement des projets objets du financement.
s
9 février 2007 22:36
Notre ami andiespoir , nous concocte des histoires et des informations rares qui nous interpellent et qui nous poussent à réfléchir.

Merci andi.
 
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