Il paraît qu'on ne prête qu'aux riches. Vous y croyez, vous, à ce genre de proverbe à dix balles ? En tout cas, il n'a pas cours dans l'Empire chérifien. En effet, les banques marocaines ont un problème inédit : elles manquent de déposants et d'emprunteurs parce qu'elles sont trop riches. Ou du moins, leurs agences de quartier affichent des signes extérieurs de richesse trop... comment dire ? Ostensibles. C'est ce que m'explique Mamoun, jeune directeur d'agence d'un quartier populaire de Casablanca. Mamoun, un Soussi très sympathique, est fier comme un pou de diriger l'agence, mais il est aussi décontenancé par ce qui lui arrive.
- Regardez, me dit-il (geste). Devanture en marbre, parquet en comblanchien, colonnes en faux dorique, plafond à caissons, guichet imitation Grand Siècle, huissier à chaîne d'or...
- Bravo.
- Bravo rien du tout. Tout cela effraie le client potentiel. Les timides se disent que la banque est tellement riche qu'elle n'a pas besoin de leurs capitaux. Les grincheux calculent que ce sont eux qui paient en fin de compte cette débauche de clinquant. Les rêveurs nous confondent avec l'antique cinéma Lux. Les hurluberlus croient que nous sommes un bordel. Bref, personne ne pousse la porte. Nous n'avons pas de clients. Nos guichetiers se tournent les pouces et nos conseillers financiers jouent à la marelle dans le grand hall.
- Que faire ?
- J'ai un plan, que j'ai proposé à la direction générale. En un mot : s'adapter au milieu ! Par exemple : à Anfa, OK, luxe et volupté. Mais dans un bidonville : la banque-bidonville ! Toute en carton, toit en tôle ondulée, décor en pneus de récupération, portes brinquebalantes qui ne ferment pas...
- Mais la salle des coffres ? Au moins elle sera solide, non ? Il ne faudrait pas qu'on puisse facilement vous voler votre argent ?
- Quel argent ? Nous échangerons des élastiques contre des bouts de ficelle...
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-Deus ex machina...sidi rebbi igouz sl'makina...
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