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Banlieues : les juges font obstacle à l'expulsion d'un Mauritanien
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9 décembre 2005 12:10
Banlieues : les juges font obstacle à l'expulsion d'un Mauritanien
LE MONDE | 08.12.05 | 15h09 • Mis à jour le 08.12.05 | 15h09

Le ministre de l'intérieur suivra-t-il l'avis du tribunal de grande instance de Pontoise (Val-d'Oise), qui se prononçait, mercredi 7 décembre, sur l'une des sept procédures d'expulsion consécutives aux violences dans les banlieues ? Ou choisira-t-il de passer outre et d'expulser Mamadou (le prénom a été changé), un Mauritanien de 21 ans interpellé le 9 novembre, au risque de se voir désavoué par la suite par les tribunaux administratifs ?


EXPULSION.

Mesure prise par arrêt du ministre de l'intérieur ou du préfet, obligeant un étranger à quitter le territoire parce que sa présence constitue une "menace grave pour l'ordre public".


COMMISSION D'EXPULSION.


Commission départementale composée de trois magistrats que doit saisir l'autorité compétente avant de prendre l'arrêté d'expulsion, sauf si elle invoque "l'urgence absolue". Son avis n'a qu'une portée consultative et ne lie pas l'administration, même en cas d'avis défavorable.


RECOURS.

Un recours en annulation contre l'arrêté d'expulsion peut être intenté devant le tribunal administratif. Ce recours n'a pas de caractère suspensif et n'autorise pas l'intéressé à rester en France. On peut toutefois assortir ce recours d'un référé-suspension.

En situation régulière, suivant actuellement un stage de magasinier dans le cadre d'une formation qualifiante, le jeune homme se serait rendu coupable de "violences volontaires aggravées sur agent de la force publique", selon la notification d'expulsion que lui a adressée, le 16 novembre, la préfecture du Val-d'Oise.

Ces faits "ne sont pas établis", a jugé pour sa part la commission d'expulsion (Comex) du tribunal de Pontoise, tout en soulignant que Mamadou n'avait "pas fait l'objet de procédure judiciaire". Rappelant que le jeune homme n'avait "jamais été condamné" et qu'il présentait "un bon profil d'insertion dans la société", la Comex a estimé que "sa présence ne présente pas une menace grave à l'ordre public".

Le 9 novembre, Mamadou était interpellé vers 22 heures, alors qu'il rentrait chez lui. Peu de temps auparavant, une altercation avait eu lieu, dans son quartier, entre des jeunes et la police. Or Mamadou correspondait au signalement d'un des émeutiers : celui d'un homme grand, de type africain, portant un jean et un sweat-shirt à capuche noir. Placé en garde à vue pendant seize heures, il a été relâché et laissé libre, le policier blessé ce soir-là ne l'ayant pas reconnu.

Quatrième d'une famille de neuf enfants, dont sept nés sur le territoire français ou naturalisés, Mamadou vit en France depuis l'âge de 3 ans et a suivi une scolarité normale, de la maternelle à la troisième. Or la loi protège contre l'expulsion les étrangers arrivés en France avant l'âge de 13 ans. Cependant, en 2000, ayant décroché du système scolaire après sa troisième, Mamadou a été envoyé pour dix-huit mois en Mauritanie par son père. Il est rentré en France en janvier 2002 et, à partir de cette date, a régulièrement travaillé, enchaînant missions d'intérim et contrats à durée déterminée.

Mais la préfecture du Val-d'Oise considère qu'il ne relève pas des catégories protégées, ayant un temps quitté la France. "Ce monsieur a été à deux reprises cité dans une affaire de violence", note le préfet, Christian Leyrit, pour motiver sa décision d'engager une procédure d'expulsion. En novembre 2004, Mamadou avait effectivement été interpellé, mais il avait ensuite été mis hors de cause.

Mercredi matin, à son arrivée au tribunal, le jeune homme ne cachait pas sa colère . "Je ne sais pas pourquoi je suis là. On dit que j'ai jeté des pierres, mais je n'ai rien fait... C'est du racisme, a-t-il lâché. Si j'avais vraiment participé aux émeutes, cen'est pas Sarkozy mais mon père qui m'aurait expulsé." C'est d'ailleurs parce qu'il craignait que son fils traîne dans la rue que son père avait décidé, en 2000, de l'envoyer en Mauritanie, a expliqué, lors de l'audience, son avocate, Me Lucille Besse, tout en soulignant que les parents de Mamadou sont cités en exemple par les services sociaux pour le suivi éducatif de leurs enfants. "La seule chose que l'on reproche à ce jeune homme est d'être étranger, noir et de vivre en banlieue", a-t-elle conclu.

"Nous sommes dans l'arbitraire le plus total. Le gouvernement veut faire de la procédure contre ce jeune un exemple pour faire de l'immigration la cause des violences dans les banlieues", a dénoncé le secrétaire général du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), Mouloud Aounit, présent au tribunal.

L'avis défavorable rendu par la Comex du tribunal de Pontoise n'est pas isolé. Lundi 5 décembre, la Comex du tribunal de grande instance de Lille avait elle-même rendu un avis défavorable à la procédure d'expulsion visant un Congolais interpellé dans le cadre des violences urbaines et condamné à un an de prison. "La commission a considéré que les infractions commises par ce jeune homme ne révélaient pas un caractère de gravité tel qu'ils autorisent une expulsion", relève son avocate, Me Emmanuelle Lequien.

Sur les sept procédures d'expulsion au sujet desquelles, le 4 décembre, M. Sarkozy assurait qu'elles étaient "en train d'aboutir", deux ont donc déjà fait l'objet d'un avis défavorable. Ces avis n'ont cependant qu'un caractère consultatif. "Il revient à l'administration de décider, rappelle-t-on dans l'entourage du ministre. Les étrangers seront expulsés dans tous les cas où la loi le permet." "Chaque situation sera examinée au cas par cas", ajoute-t-on au ministère.

Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 09.12.05


 
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