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Ariel Sharon, cet inconnu
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17 juin 2006 15:31
ISRAËL - 11 juin 2006 - par HAMID BARRADA

De ses nombreux entretiens avec l’ex-Premier ministre israélien, aujourd’hui plongé dans le coma, le journaliste Ari Shavit a tiré un long portrait paru dans le New Yorker. On y découvre un homme qui a beaucoup changé avec le temps, sans jamais se départir de ses préjugés vis-à-vis des Arabes ni de son attachement intégriste à la terre d’Israël.

Dans la vaste littérature diffusée après l’accident de santé du Premier ministre israélien au début de 2006, un article sort du lot. On y découvre un Ariel Sharon différent, inattendu, voire inconnu. Sur les Juifs et les Arabes, la guerre et la paix, l’avenir d’Israël, il tient des propos étonnants, iconoclastes, qui font réfléchir. Il est tout aussi surprenant sur les grandes décisions stratégiques qui ont jalonné son parcours, telles que la politique de colonisation ou le démantèlement des colonies de Gaza.
Intitulé sobrement « Le Général », l’article, qui court sur douze pages, a été publié dans le New Yorker (23 mars 2006). L’auteur, Ari Shavit, journaliste au quotidien Haaretz, a eu cinq rencontres avec le Premier ministre, étalées sur six ans. Au total, il a enregistré pas moins de trente heures d’entretiens dont il nous livre aujourd’hui la quintessence. Shavit n’avait pas de sympathie particulière pour le leader du Likoud, qui incarnait à ses yeux une « perversion du rêve sioniste ». Lorsqu’il a envahi le Liban, il a « hanté [ses] cauchemars » et « après les massacres de Sabra et Chatila, [il avait] carrément honte d’être israélien. Plus que tout autre leader, Sharon aura transformé Israël, d’un État modeste et ascétique en une puissance d’occupation tyrannique. » Bien entendu, l’indispensable empathie, chez Shavit, n’exclut pas une certaine sympathie, mais le portrait qu’il brosse de Sharon au fil des entretiens procède d’un travail rigoureusement journalistique, loin de toute complaisance ou déférence.


Première rencontre, fin de l’été 1999. Elle dure toute une journée. Elle commence au QG du Likoud à Tel-Aviv et se poursuit chez Sharon, au Sycomore Ranch, dans le Néguev. À 71 ans, Sharon est le chef d’une opposition à bout de souffle. Non seulement il n’est plus ce monstre de la scène politique qu’il fut naguère, mais il est pratiquement hors jeu. Prévenant et affable avec son hôte, il préfère parler de ses origines russes que de politique. Contrairement à de nombreux compatriotes, confie-t-il, il tire sa force intérieure d’une famille qui a cultivé la terre depuis des générations. « Le pouvoir de faire des choses provient, chez moi, de ma famille et du sol, auquel je ressens un attachement unique. »

Shavit relève une incongruité lourde de sens : curieusement, ce soldat né en Israël et laïc ne se définit pas lui-même comme israélien mais comme juif. La raison d’être d’Israël est d’être le lieu où les Juifs pourront guérir de leur maladie mortelle, l’« éternelle errance ». Mais Sharon n’est pas sûr qu’ils pourront guérir. Au fond de lui-même, il nourrit des doutes sur la capacité des Juifs à assurer leur souveraineté, à se maintenir sur cette terre et à la préserver. Il parle des Arabes avec envie : « Eux savent mieux comment sauvegarder leur honneur et leur terre. […] S’il y a quelque chose que je respecte chez les Arabes, c’est qu’ils ne changent jamais leurs positions. Les dirigeants palestiniens n’ont jamais renoncé à un seul pouce de leurs revendications. »

Au cours d’une balade en 4x4 où il montre à Shavit son verger, son troupeau de moutons et ses taureaux, il ne cache pas son inquiétude : « Que va-t-il advenir des Juifs dans trente ans et dans trois cents ans ? » Les jeunes Israéliens ne connaissent pas leur Bible, et, du coup, ils sont étrangers à leur propre histoire et ils ne ressentent pas le droit à cette terre avec la même intensité que lui : « Génération après génération, on s’éloigne sans cesse de ce qui est juif. » Cette perte d’identité, Sharon ne risque pas d’en pâtir, car il vivait l’histoire biblique « d’une manière intime et palpable ». Chaque fois qu’il se retrouvait à Hébron, il était tout remué à la pensée que le roi David avait gouverné la ville pendant sept ans.

Shavit réussit néanmoins à le ramener à l’actualité. À l’époque, le Premier ministre travailliste Ehoud Barak avait relancé les pourparlers de paix avec les Palestiniens, et tout le monde croyait que le conflit allait prendre fin. Dans ces conditions, que faire des colonies ? N’était-ce pas une erreur ? demande le journaliste à celui qui était le théoricien et le maître d’œuvre de la colonisation des territoires. « Non, répond Sharon. Pas un conteneur, pas un groupe électrogène n’a été installé sans raison. L’emplacement de chaque colonie a été choisi afin de permettre à Israël de consolider son contrôle sur les zones stratégiques telles la vallée du Jourdain ou les collines surplombant la plaine côtière. » Malgré sa puissance militaire, Israël demeure, aux yeux de Sharon, un petit État fragile entouré de voisins hostiles qui rêvent de le détruire. Il ne croit donc pas à des accords de paix fondés sur la confiance mutuelle, mais à des accords de non-belligérance fondés sur la dissuasion.

Au terme de cette première rencontre, Shavit avoue qu’il n’est pas insensible au personnage. Contrairement à la plupart des dirigeants israéliens, volontiers arrogants et distants, Sharon est toujours attentionné, ne manque pas d’humour, voire d’autodérision. « S’il n’est pas intellectuellement brillant, il est intuitif : il a du charme, mais il n’irradie pas de la grandeur. » Affalé dans un fauteuil profond alors que son épouse lui apporte des gâteaux sur un plateau, il ne ressemble ni à Samson ni à Néron, mais plutôt à un vieil enfant. En souriant, il reconnaît qu’il n’a jamais eu la patience de lire des ouvrages de stratégie militaire. Il lui arrive de parcourir des romans ou des livres d’histoire, mais il est tout le contraire d’un intellectuel. Ceux qui le connaissent bien disent qu’il est limité et même primaire. Il se méfie des idées et leur préfère les faits et les actes. Tout au long de cet entretien, Sharon, dont l’appétit est légendaire, n’arrêtait pas de s’empiffrer et de pousser son invité à la consommation.

Le journaliste est reparti « avec quelques kilos de plus ». Et une thèse originale : « Je suis parvenu à la conclusion que l’une des explications du pouvoir de Sharon est physique. Son insistance sur la terre n’avait rien de rhétorique ni de superficiel. Il a une sorte d’intelligence instinctive comparable à celle du chasseur bédouin ou de l’éclaireur indien… En cela, c’était un Juif qui n’avait rien de juif : ni introverti ni cérébral, sans complexes non plus, il est l’incarnation de l’idéal sioniste. Ni homme d’État ni doctrinaire, il a su frapper l’ennemi dans ses points faibles et remporter les batailles en lisant une carte. Il a intitulé son autobiographie Guerrier, mais il était plutôt un samouraï du sionisme. »


Deuxième rencontre, avril 2001. Tout a changé. Flotte de limousines blindées à l’entrée du ranch, innombrables agents de sécurité disséminés alentour. L’épouse de Sharon, Lily, n’est plus là, emportée par un cancer. Ce sont ses deux fils, Omri et Gilad, qui la remplacent auprès de lui. Les événements se sont précipités entre-temps. Été 2000 : échec de Camp David, irruption de la seconde Intifada en septembre, au lendemain de la balade-provocation de Sharon sur l’esplanade des Mosquées. Résultat : « Le chef du Likoud n’est plus un général hors jeu, mais un grand-père aimé à qui une nation terrifiée a confié son sort. » Avec une confortable majorité, Sharon vient d’être élu à la tête du gouvernement, ce dont il a toujours rêvé. Et c’est à Shavit et au Haaretz qu’il réserve sa première longue interview.

Le journaliste va droit au but et aborde la question essentielle : y a-t-il un nouveau Sharon ? Et, accessoirement, peut-il être un De Gaulle israélien - c’est-à-dire rendre aux Palestiniens leurs territoires comme le général français avait rendu l’Algérie aux Algériens ? La réponse est sans équivoque : il n’y a pas un nouveau Sharon. Un De Gaulle israélien ? Merci, sans façon. « Mais tout ce qu’il me dira ce jour-là, note Shavit, sera, en quelques années, reconsidéré, répudié, remis en question. »

Le nouveau Premier ministre va-t-il proposer un plan de séparation ? « Ce n’est pas possible. Nous ne pouvons pas dire : nous, nous sommes ici, et eux, ils sont là. Donc, concrètement, aucun projet de séparation ne peut être envisagé. » Peut-il reconnaître un État palestinien, même installé sur une portion réduite des territoires occupés (entre 40 % et 50 %) ? Le Premier ministre précise qu’il n’a parlé que de 42 % tout au plus et qu’en tout cas une telle formule n’était envisageable que dans le cadre d’un accord de non-belligérance portant sur une longue période.

Sharon souligne que toutes les petites enclaves juives à Gaza ont leur importance d’un point de vue stratégique et « avant tout au regard de l’entreprise sioniste ». Lorsque Shavit lui demande s’il pourrait ordonner l’évacuation des colonies dans le cadre d’un accord de non-belligérance, il s’emporte : « Non. Absolument pas ! » Le journaliste ne lâche pas. Même une petite colonie isolée à Gaza comme Netzarim ? « Non, non. À aucun prix ! Netzarim est essentielle sur le plan stratégique. » Il revient sur un éventuel plan de séparation. « Pourquoi allons-nous nous séparer ? Allons-nous ériger un mur à Jérusalem ? Comment maintenir une barrière au milieu d’une ville ? Et puis, comment allons-nous procéder ? Séparer les Arabes de leurs terres ? »

Pendant le petit déjeuner, copieux comme il se doit, il n’a plus envie de parler politique. « J’en sais plus sur le blé et les oliviers que sur la politique. » Installé dans son fauteuil favori, il évoque le livre qu’il est en train de lire : un ouvrage historique sur la révolte arabe de 1936-1939. Comment son échec final a provoqué la désintégration de la société palestinienne, voilà ce qui l’intéresse. Et d’établir un parallèle avec l’Intifada armée commencée en 2000. La stratégie de Sharon ne fait pas mystère. Tout faire pour provoquer le chaos chez les Palestiniens et les amener à accepter des accords partiels aux conditions israéliennes - lesquelles excluent tout retour aux frontières de 1967. « Il est impossible de mettre un terme au conflit. Désormais, nous devons nous montrer très prudents et ne donner aux Palestiniens que le minimum nécessaire. »


Troisième rencontre, avril 2003. Sharon vient de remporter les élections haut la main contre le travailliste Amran Mitzna. Il domine désormais le Parlement et la scène politique. Sur le plan international, le contexte est on ne peut plus favorable : l’administration Bush soutient la « feuille de route » conduisant, par étapes, vers deux États. Pour le moment, elle est surtout préoccupée par sa guerre en Irak.

L’entretien se déroule dans le modeste bureau du Premier ministre, à Tel-Aviv, celui-là même qu’occupait jadis David Ben Gourion. Costume de bonne coupe adapté à ses mesures éléphantesques, Sharon « choisit ses mots avec soin comme il ne l’a jamais fait auparavant » : « J’ai décidé de faire le nécessaire pour parvenir à un accord. J’ai 75 ans. Je n’ai pas d’ambitions politiques au-delà de mes responsabilités actuelles. Et mon seul objectif est d’apporter à ce peuple sécurité et paix. Je ferai de grands efforts pour parvenir à un accord. » Après cette déclaration plutôt encourageante, Shavit s’interroge sur les conditions concrètes d’un éventuel accord. Il demande : peut-on envisager un partage des territoires entre Israéliens et Palestiniens ? Réponse : « C’est ce qui arrivera, je crois. Il faut voir les choses avec beaucoup de réalisme : à la fin, il y aura un État palestinien. Je pense que nous n’avons pas besoin de dominer un autre peuple et de régenter sa vie. Nous n’en avons d’ailleurs pas les moyens. »

À l’évidence, écrit le journaliste, Sharon s’est résolu à des changements politiques spectaculaires. Et toute la question est de savoir ce qui l’a conduit à cette révision déchirante. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : les attentats du 11 septembre 2001 et les incessantes opérations kamikazes dans les villes israéliennes. Est-il pour autant disposé à évacuer les colonies isolées ? « Si nous voulons arriver à une situation de paix réelle, répond Sharon, nous devons faire des concessions douloureuses. » Cette expression, que les Israéliens entendront souvent par la suite, n’est-elle pas pour le moment une formule creuse ? « Absolument pas, réplique le Premier ministre. Si nous trouvons quelqu’un avec qui parler, nous ferons des concessions, qui sont douloureuses pour tous les Juifs et pour moi en particulier. Il s’agit tout de même du berceau du peuple juif. Mais j’ai décidé de tout faire pour parvenir à un accord, et la nécessité rationnelle d’y arriver l’emporte sur mes propres sentiments. » « En quittant le bureau du Premier ministre, raconte Shavit, j’avais du mal à croire ce que je venais d’entendre. Fini l’habituel refus d’évacuer les colonies. En lieu et place, la reconnaissance du fait que l’occupation a été vaine et qu’Israël devra bientôt se résigner au partage de la terre. »


Quatrième rencontre, février 2005, à la résidence de Sharon, à Jérusalem. Petit déjeuner d’ogre comme à l’accoutumée. Le Premier ministre n’est plus tendu et circonspect comme par le passé. Un an auparavant, en février 2004, il s’est publiquement engagé sur la voie « des douloureuses concessions ». En juin, il est passé aux actes en annonçant son plan de désengagement de Gaza et des colonies isolées de Cisjordanie. En octobre, il l’emporte sur ses rivaux au Likoud et fait voter par la Knesset une résolution approuvant l’évacuation. Négociée dans la foulée, l’entrée des travaillistes dans son gouvernement lui garantit une précieuse stabilité politique.

En recevant Shavit, le Premier ministre sait qu’il peut agir avec le soutien de la majorité des Israéliens. À la fin de l’été, il n’y aura plus de Netzarim et Gaza sera évacuée. Et c’est Sharon, le bulldozer, l’homme de la colonisation à outrance, qui entreprend de démanteler sans ménagement excessif lesdites colonies. À 77 ans, il est devenu, note Shavit, celui qu’il ne voulait jamais être : le De Gaulle israélien. Sharon se réfugie encore dans la dénégation. « Je ne peux pas être De Gaulle, répond-il en engloutissant une omelette. Je ne peux pas être De Gaulle parce que l’Algérie, c’est ici et pas à des centaines de kilomètres. C’est toute la différence. Les Français pouvaient rapatrier en France un million des leurs, mais nous, nous ne pouvons aller nulle part. »

Le journaliste revient sur les questions essentielles. Le conflit aura-t-il une fin ? Réponse : « Le conflit n’est pas entre nous et les Palestiniens, mais entre nous et le monde arabe. Les Arabes ne reconnaissent pas le droit naturel du peuple juif d’établir un État sur la terre qui l’a vu naître. C’est le cœur du problème. Il concerne aussi l’Égypte, avec laquelle nous avons un accord de paix froide, ou la Jordanie, avec laquelle nous entretenons des relations stratégiques très étroites. Mais ces relations sont entre les gouvernements, pas entre les peuples. Le problème n’est pas 1967, mais le refus profond du monde arabe de reconnaître le droit à l’existence d’Israël. Le conflit en lui-même risque de n’être jamais réglé. Et s’il doit l’être, ce sera au terme d’un très long processus. » Et de raconter une péripétie qui l’a beaucoup marqué. C’était en 1980. Il se trouvait en Égypte, à la tête de la délégation israélienne aux négociations. Comme tous les soirs, sa mère, 80 ans, lui téléphone pour lui raconter sa journée aux champs. Et, chaque fois, avant de raccrocher, elle martèle, avec son accent russe, le même conseil : « Arik, ne leur fais pas confiance ! » « Et aujourd’hui encore, demande le journaliste, vous ne leur faites toujours pas confiance ? » « Non, je ne leur fais pas confiance. Pour une raison précise : les Arabes ne reconnaissent pas le droit du peuple juif à un État juif indépendant. »

Le Premier ministre prépare-t-il un autre retrait, de Cisjordanie cette fois ? « Il n’en est pas question. Ce serait une erreur. Il n’y a qu’un seul et unique retrait unilatéral. Il n’y en aura pas d’autre. » Accepterait-il, à tout le moins, d’évacuer, à terme, vingt ou trente colonies de Cisjordanie ? « Rien de tel n’est prévu. »

À Camp David, Barak et Arafat avaient envisagé un compromis sur Jérusalem et plus particulièrement sur l’esplanade des Mosquées. Sharon, lui, n’est nullement disposé au moindre compromis, s’agissant « du Lieu saint le plus sacré pour le peuple juif, comment admettre qu’il ne soit pas sous responsabilité israélienne ». Idem pour Hébron. « Peut-on concevoir qu’un jour les Juifs n’y vivent pas ? » demande Sharon. Ben Gourion appelait Hébron la grande sœur de Jérusalem. Et si nous étions une nation normale, c’est là, et non à Yad Vashem, que nous amènerions nos invités de marque... Nous devons sans cesse rappeler nos droits et la pérennité de la vie juive sur cette terre. Même pour vivre à Tel-Aviv, nous avons besoin de nos racines à Hébron. »

On le voit, Sharon n’a rien perdu de sa capacité de surprendre. « Lorsque j’étais venu interviewer le “nouveau Sharon” en 2001, raconte Shavit, j’avais trouvé un vieux Sharon : têtu, opportuniste, brutal. Quand j’ai voulu interroger le “vieux Sharon” en 2003, j’avais trouvé un nouveau Sharon, prêt à faire des concessions radicales et douloureuses. Et maintenant, en 2005, alors que le nouveau Sharon est en train de procéder au retrait de Gaza, me voilà en face d’un Sharon plus vieux que nouveau. Au moment même où il change le cours de l’Histoire, il ne cesse d’être énigmatique et imprévisible. »

Comment expliquer ces constants errements, ces incessants retournements ? Pour la gauche, l’affaire est entendue : « Sharon est un menteur. » Shavit préfère dire plus joliment qu’« il a des relations complexes avec la vérité » : « S’il dissimule prudemment ses points de vue, il ne ment pas gratuitement : lorsqu’il me confiait en 2001 qu’il n’entendait pas évacuer Netzarim, il le pensait réellement. Mais, par la suite, les circonstances ont changé et lui aussi. » Désormais, une nouvelle opinion se fait jour sur Sharon : il serait un tacticien de génie et un piètre stratège. À droite, on le voit comme un champion de surf : « Il sait surfer sur les vagues de l’Histoire sans savoir où il veut aller. » À l’énigme Sharon, certains donnent cette explication : « Il n’a aucune vision du monde, ni, a fortiori, de principes, d’idéal ou d’intégrité. Sans la moindre difficulté, il peut passer une décennie à installer des colonies et les détruire pendant une autre. »


Cinquième rencontre, en juillet 2005, dans le bureau du Premier ministre, à Jérusalem. Entre-temps, Shavit a publié un livre sur le partage de la terre et il en remet un exemplaire dédicacé à Sharon, qualifié d’homme de la partition. L’attention n’est guère appréciée. Il ne se voit pas ainsi. Dans quelques semaines, il va ordonner l’évacuation des colonies de Gaza, mais il n’entend toujours pas avoir l’air d’assumer la moindre idée de partage.

Le monde entier le voit néanmoins sous un autre jour. C’est aussi vrai dans les pays arabes que dans les milieux de gauche en Europe. Il est partout respecté, y compris par ceux-là mêmes qui le considéraient comme un monstre. Comment réagit-il à ce changement plutôt gratifiant de l’opinion internationale ? « Ça ne me monte pas à la tête ! Les faveurs de l’opinion vont et viennent. C’est une énorme roue qui tourne. Je n’oublie pas qu’après tout je suis un Juif. Et que ceux qui m’aiment aujourd’hui seraient heureux demain si les Juifs venaient à disparaître… »

Six ans après nos premiers entretiens, note Shavit, Sharon revient sur la question qui le taraude : la condition juive. « Les Juifs sont merveilleux. C’est un peuple béni, doté de tous les talents. C’est aussi un peuple courageux. Mais les Juifs n’ont toujours pas d’attachement au sol, à la patrie. Ils restent un peuple errant, un peuple sans frontières. Il m’arrive de me demander d’où je tire la force de combattre sur tous les fronts et je ne trouve pas d’autre réponse que mon milieu d’origine, ma famille. Elle me vient de mon enfance, lorsqu’on cultivait la terre, on irriguait les vergers, on surveillait les champs de melons… C’est ainsi que se sont forgées ma personnalité et ma force de faire face. »

Se sent-il investi d’un rôle particulier vis-à-vis de son peuple ? « Je sais ce qu’il faut faire parce que je comprends ce qu’est réellement notre vie ici. Depuis cent ans, nous avons été obligés de porter les armes, et j’ai appris, à travers cette épreuve, à ne jamais baisser la garde. L’armée ne me manque pas. Je n’ai rien d’un général va-t-en-guerre. Mais à ce jour, je reste un guerrier. »


La rencontre qui n’aura pas lieu. Le 4 janvier 2006, Shavit est contacté par le cabinet du Premier ministre : de nouveaux entretiens sont prévus pour le 16. Une heure après le coup de fil, le destin de Sharon bascule. Il est conduit à l’hôpital. Ehoud Olmert devra diriger le gouvernement. Ce soir-là, le journaliste erre dans les rues désertes de Jérusalem, puis, de retour chez lui, il retrouve les documents - cassettes, carnets, notes éparses - de ses entretiens avec l’homme qui vient de sortir de l’Histoire. « Toute la nuit, j’ai écouté sa voix en m’interrogeant sur son héritage politique, sur l’orientation qu’il laisse pour le futur. » Première conclusion : à trois reprises, Sharon a servi Israël avec loyauté et pugnacité. Au début des années 1950, en dotant l’armée de moyens qui la renforcent. En 1973, lorsque, en franchissant le canal de Suez, il a épargné au pays une défaite désastreuse. En 2001-2002, lorsqu’il a réussi à repousser le « terrorisme palestinien ». Dans les trois cas, il réagissait avec sang-froid à une situation périlleuse. Mais Sharon n’est pas Ben Gourion : chaque fois qu’il a pris l’initiative de changements géopolitiques ou diplomatiques, comme Ben Gourion l’avait fait en son temps, il a obtenu des résultats déplorables. Ce fut le cas avec l’invasion du Liban et la construction des colonies. Quant à l’évacuation de Gaza, nul ne sait encore si le résultat final sera le chaos ou la paix.

Deuxième conclusion : « En dépit de ses péchés et limites, Sharon a été le leader que les Israéliens voulaient au tournant du siècle. » Ils ont voté pour lui en 2001, en 2003, et s’apprêtaient à le faire en 2006, « parce qu’ils sentaient qu’il saurait, lui, diriger le pays dans un monde en proie, comme dans les Balkans, à une guerre tribale ». Et chaque fois, il est parvenu à rassurer son peuple.

Troisième conclusion : le pragmatisme à tous crins de Sharon. « Aucune de ses trois réalisations majeures - lutte contre le terrorisme, retrait des Territoires ou élaboration d’une nouvelle carte politique - ne procède d’une vision stratégique claire, ni d’une philosophie concrète. Elles ont été décidées et exécutées dans une atmosphère plutôt chaotique, avec tout un pays - et deux peuples - dépendant entièrement de ce qui se passait dans la tête d’Ariel Sharon. » « Toutes les réalisations du Premier ministre, écrit encore Shavit, portaient dangereusement sur le court terme. Elles dépendaient de sa présence et de son habileté manœuvrière. Contrairement à Ben Gourion, il n’a pas laissé une doctrine et encore moins une organisation susceptible de poursuivre son œuvre. »

Le parcours d’Ariel Sharon inspire une dernière remarque à son exceptionnel interviewer : cet homme a beaucoup changé avec le temps, mais il n’a rien perdu de ses préjugés. « Un Arabe est toujours un Arabe », disait-il récemment à ses collaborateurs. De même, il restait profondément impressionné par les Juifs. « En tant qu’individus, répétait-il à l’envi, ils ont toutes les qualités. Ce sont les meilleurs musiciens, savants ou artistes, mais comme nation, ils posent problème : il leur manque cette mentalité élémentaire qui fait une nation saine et normale. »


JeuneAfrique.com
l
17 juin 2006 18:29
un incompris en fait.
I
17 juin 2006 19:52
un peuple de 5 millions de personnes pour la plupart bourrés aux as,un pays sous perfusion aux


dollars,des soutiens du monde entier.


je ne voit pas qui pourrait faire une trahison dans de telles circonstances.
H
17 juin 2006 20:01
Citation
Iron-man a écrit:
un peuple de 5 millions de personnes pour la plupart bourrés aux as,un pays sous perfusion aux


dollars,des soutiens du monde entier.


je ne voit pas qui pourrait faire une trahison dans de telles circonstances.

Iron-man

On constate quand meme qu'il y a parmi nos dirgeants arabes une tradition de servilité à l'egard des sionistes,et de trahison à l'egard des peuples musulmans.Par exemple si tu prend la famille hachemite de Jordanie ils nous trahissent depuis l'arriere arriere grand pere de l'actuel roi.C'est son aieul qui a aidé les anglais à combattre les Ottomans.
Pour les sionistes ils sont solidaires entre eux,par contre avec les autres(arabes,etc)pas de pitié.Les arabes c'est le contraire...
Les sionistes dés 1948 lorsqu'ils ont usurpé la terre aux palestiniens,étaient déterminés à atteindre leur but et cela a payé....
f
20 juin 2006 11:59
Citation
l'européen a écrit:
un incompris en fait.

Le monde a très bien compris ses ambitions !
f
20 juin 2006 12:00
Je ne comprends pas pourquoi on attend qu'un criminel de guerre crève ( il est mort je n'en doute pas ! ) pour lui rendre un quelconque hommage !
b
20 juin 2006 14:22
Citation
Hekmatyar a écrit:
Citation
Iron-man a écrit:
un peuple de 5 millions de personnes pour la plupart bourrés aux as,un pays sous perfusion aux


dollars,des soutiens du monde entier.


je ne voit pas qui pourrait faire une trahison dans de telles circonstances.

Iron-man

On constate quand meme qu'il y a parmi nos dirgeants arabes une tradition de servilité à l'egard des sionistes,et de trahison à l'egard des peuples musulmans.Par exemple si tu prend la famille hachemite de Jordanie ils nous trahissent depuis l'arriere arriere grand pere de l'actuel roi.C'est son aieul qui a aidé les anglais à combattre les Ottomans.
Pour les sionistes ils sont solidaires entre eux,par contre avec les autres(arabes,etc)pas de pitié.Les arabes c'est le contraire...
Les sionistes dés 1948 lorsqu'ils ont usurpé la terre aux palestiniens,étaient déterminés à atteindre leur but et cela a payé....

C'est "marrant" ce que tu dis, parce que justement dans l'article Sharon envie aux Arabes leur determination et leur capacité à rester mobiles sur leurs positions jusqu'au bout...En revanche pour ce qui est de la solidarité des sionnistes et même de la communauté juive en général, je pense que tu n'as pas tort...
[b]Ana wana hay delali...[/b]
a
23 juin 2006 22:04
Citation
fatima35 a écrit:
Je ne comprends pas pourquoi on attend qu'un criminel de guerre crève ( il est mort je n'en doute pas ! ) pour lui rendre un quelconque hommage !


J'espère fatima que tu ne penses pas que je cherche à faire un hommage à Ariel Sharon.
J'ai trouvé cet article intéressant car il contient quelques enseignements sur sa personnalité.
En tout les cas, n'en déplaise à certains, je lui reconnaît au moins une qualité, celle d'avoir toujours oeuvré dans l'intérêt de son peuple, ce qui n'est pas forcément le cas des dirigeants arabes.
L
24 juin 2006 12:52
Citation
andi espoir a écrit:
.
En tout les cas, n'en déplaise à certains, je lui reconnaît au moins une qualité, celle d'avoir toujours oeuvré dans l'intérêt de son peuple,





Avec les robinets de dollars,et le soutien usa ouverts à gogo, il est difficille de ne pas oeuvrer pour

son peuple,

cette ordure est un lache,une grosse M.erde,un rammassis de "cha7ma",du "khra" en palette.


Et l article que tu nous poste andi est une tentative de lissage,de lustrage,de polissage,au fond de la


béte sanguinaire il y a en fait un raisonnement et un coeur,c est ça?


et bien son coeur je lui mettrai bien profond dans sa vieille carcasse de P.D!!!
 
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