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Amarg Fusion : Les troubadours du Souss
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16 décembre 2006 12:19
Samir Achehbar, Tel Quel n°251



Ils sont Soussis et viennent de signer un premier album d'une étonnante maturité. Retenez bien leur nom, Amarg Fusion, parce qu'on n'a pas fini d'entendre parler d'eux.


En amazigh, “Amarg” signifie à la fois poésie et nostalgie. Un nom pareil, ça se mérite. Alors rassurons-nous tout de suite : Amarg Fusion, porté par sept musiciens aux parcours singuliers, porte bien son nom. Tout y est. Nostalgie (chants des Rwayes du Souss) et fusion (jazz, reggae, blues africain) s'y côtoient avec un bonheur égal. Et rare.


Né en 2002, le groupe est construit, tant humainement que musicalement, sur une certaine idée du melting-pot. “Nous sommes un mélange de sensibilités artistiques différentes, contrastées, c'est peut-être là que réside le secret de notre créativité”, explique Abderrahim Moustaîne, le guitariste du groupe. Les Amarg ont aussi un dénominateur commun, fédérateur : une réelle passion pour le patrimoine amazigh, qui a servi de canevas à leur premier album, “Agadir Ifawn”.

C'est à Agadir justement que le projet Amarg Fusion a vu le jour. “Mais notre appartenance à la ville reste relative puisque tous les membres du groupe ne sont pas des purs Gadiris”, modère Jamal Oussfi, fondateur du groupe et vétéran de la scène musicale gadirie. À la tête des non-Gadiris, mais Soussis de cœur, on retrouve Abderrahim Moustaîne, originaire de Casablanca. Vieux routier de la musique, ce guitariste doué usait déjà ses cordes dans des groupes de Rock dans les années 80. Jusqu'au jour où il a décidé de tout plaquer et de partir tenter sa chance au sud, direction Marrakech, ensuite Agadir. “C'est là que j'ai rencontré Jamal (Oussfi) et ensemble on a formé un premier groupe, Evasion Band, ancêtre de l'actuel Amarg Fusion”.

La tête et la voix
Percussionniste et véritable leader du groupe, Jamal Oussfi est un fin connaisseur du riche répertoire musical amazigh, qu'il a passé des années à explorer. L'ex-batteur des mythiques Golden Hands n'a qu'une obsession : sortir la musique des “Rwayes”, ces maîtres du chant amazigh, de son ghetto ethnique. “Amarg n'est qu'une tentative, une de plus, de faire connaître la musique des Rwayes”, confirme l'intéressé. Dès les années 1980, Jamal essaie, en effet, de monter une première expérience de fusion Tachelhit. L'expérience tourne court, faute d'échos. “Le public n'a pas été réceptif à notre démarche, peut-être que le contexte culturel de l'époque (ndlr les années 80 ont été dédiées au raï et à la musique synthétique) ne s'y prêtait pas”. Pas découragé, Jamal emprunte alors le parcours du combattant. Il joue des reprises de variétés internationales dans les hôtels et autres établissements de loisirs d'Agadir, et attend son heure.

Elle viendra en 2002. Jamal croise le chanteur Ali Faïq. Un personnage atypique, plutôt rock, presque bohème. “Le genre à être né artiste”, dit de lui le fondateur d'Amarg. Ali, donc, revient de loin, lui qui avait commencé par quitter Agadir pour s'installer dans un petit village de pêcheurs plus au sud. Sa rencontre avec Jamal et Abderrahim donne définitivement naissance au groupe. Amarg Fusion, rejoint dans la foulée par d'autres musiciens de la ville, monte sur scène pour la première fois au Festival de la Chanson d'Agadir. Une réussite. Mais c'est en 2005 (et à Casablanca !) que le talent du groupe va se révéler au grand public. Se produisant au Boulevard des jeunes musiciens, Amarg Fusion s'avère l'une des plus séduisantes découvertes de la manifestation casablancaise. Depuis, le groupe enchaîne les apparitions et les succès publics : un passage au festival Timitar, puis au Festival de Casablanca. Et en 2006, un retour aux sources du L'Boulevard, pour tenir la soirée de clôture, s'il vous plaît. Normal : Mohamed Meghari, alias Momo, co-fondateur de L'Boulevard, figure parmi les fans de la première heure !

Alchimie musicale
Le secret d'Amarg Fusion ? Cette aisance avec laquelle la formation aborde la rencontre entre les chants amazighs et une flopée de genres musicaux pour le moins hétérogènes. En un mot, sa diversité culturelle. Amarg Fusion, comme d'autres bons groupes maghrébins (Gnawa Diffusion, ONB, Carte de séjour, etc) comprend des passionnés de jazz rock, de la funk et même des fans érudits de musique arabe classique ! C'est le cas de Foulane Bouhcine, “rebabiste” du groupe. Ce spécialiste du rebab amazigh a longtemps officié comme violoniste dans différents orchestres orientaux. Il a même accompagné des stars de la chanson arabe, dont Waël Jassar, authentique star orientale, lors d'un festival de musique arabe à Agadir. Aujourd'hui, Foulane a plus ou moins remisé son violon, pour se consacrer à l'instrument monocorde.

L'autre clé de la réussite d'Amarg, en plus de son talent intrinsèque, porte un nom tout simple : le sérieux. Le groupe s'impose rigueur et discipline, loin de tout bricolage. Principe fondateur : honnie la fusion superficielle et “mainstream”, pas de superposition kitsch et racoleuse, destinée d'abord à surfer sur la vague de la vogue. “L'exemple des gnawas est typique de ce que nous ne voulons pas faire. Nous refusons de quémander le mélange, coûte que coûte et à n'importe quel prix, de notre musique avec celle d'artistes occidentaux souvent en panne d'inspiration”, tonne ainsi clairement Abderrahim Moustaîne. Une manière de dire : maîtrisons d'abord nos éléments, notre patrimoine, avant d'aller, plus mûrs (et plus sûrs), vers les autres. Voilà qui résume parfaitement l'esprit dégagé par le formidable premier album d'Amarg Fusion.





Tradition. Sur les traces des Rwayes

Son premier album à peine sorti, Amarg Fusion prépare déjà le deuxième. Un second CD sur lequel le cachet du groupe devrait s'affirmer davantage. Et pour cause : “Cet album sera de la création pure, autant pour les textes que pour la musique”, explique Jamal Oussfi, le percussionniste du groupe. Jusque-là, en effet, la formation puisait dans les textes des grands Rwayes (raïs, au singulier : “chef”, “maître”), comme Lhaj Belaïd et Mohamed Boudraâ. Les Rwayes (comme les Raïssate) constituent l'une des traditions marquantes de la création artistique dans le sud du Maroc. Aujourd'hui encore, la région du Souss se distingue par la profusion de ces groupes itinérants, qui chantent les thèmes récurrents de la musique amazighe (l'amour, l'amitié, la famille, l'exil...), armés d'instruments typiques : le rebab (vielle monocorde), le lotar (instrument à cordes dont la caisse est une casserole enveloppée de peau) et des percussions métalliques. Au sein d'une même formation, l'effectif peut atteindre les quinze membres, entre musiciens et danseurs. Certains d'entre eux ont intégré le circuit industriel et leurs enregistrements (audio et vidéo) sont de grands succès commerciaux.Véritables célébrités (parfois même en Europe), de nouveaux noms brillent dans le ciel des Rwayes contemporains : Raïssa Fatima Tabaâmrant, Lhoucine Amentag, Raqiya Demseriya, Tachinouite, Hassane Idbassaïd, Raïssa Kelly...
 
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