«Sa mort a occulté sa vie », écrivent Zakya Daoud et Maati Monjib, ses deux biographes. Quand on pense à Mehdi Ben Barka, on pense d'abord à « l'affaire », non élucidée à ce jour : son enlèvement en plein Paris, le 29 octobre 1965.
Mais Ben Barka n'est pas seulement un mort légendaire. Ce fut un vivant particulièrement agité, un tribun charismatique qui a marqué les scènes politiques marocaine, africaine et tiers-mondiste. Né en 1920 à Rabat, il milite activement, dès l'âge de 14 ans, pour l'indépendance du Maroc. À 24 ans, ce mathématicien est le plus jeune signataire du manifeste de l'indépendance. Cadre influent du parti de l'Istiqlal, maintes fois emprisonné par les Français, il participe aux négociations d'Aix-les-Bains et arrache l'indépendance au forceps. Militant marxiste convaincu, il composera pourtant avec Mohammed V, avant de croiser le fer avec le régime de Hassan II, son élève au collège royal. Exclu du parti de l'Istiqlal, Ben Barka fonde, en 1959, l'Union nationale des forces populaires (UNFP). Dès 1960, il est victime d'attentats répétés et choisit l'exil. Il rencontre alors Fidel Castro, Che Guevara, Hô Chi Minh, Nasser, se lance à corps perdu dans la mouvance des non-alignés, devient secrétaire général de la tricontinentale et se mue en « commis voyageur de la révolution ».