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Grand Angle

Déconfinement : L’armée, «joker royal» pour rectifier le tir [Edito]

Le dernier communiqué conjoint des ministères de l’Intérieur et de la Santé rattrape l’annonce du déconfinement raté du 10 juin. El Othmani est à nouveau douché par ses ministres, et l'armée appelée en renfort.

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Une réunion avec le roi de la task force spéciale Covid-19 / Ph. MAP
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Le Maroc fait partie des pays ayant connu la plus longue période de confinement. Il avait également connu l’annonce de déconfinement la plus chaotique tant sur la forme que sur le fond : agenda gouvernemental aléatoire, improvisation, puis publication vers minuit d’un simple communiqué annonçant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, aucun plan détaillé, délégation aux walis du pouvoir de déconfiner... Le gouvernement avait pourtant de longues semaines pour échafauder une sortie de confinement organisée, associant les différents acteurs institutionnels mais aussi et surtout la population.

Mais ne croyez pas que les ministères n’ont pas établi de plan. Les indiscrétions de sources proches du ministère de l’Intérieur nous avaient annoncé, dès mardi 9 juin, un déconfinement en 3 étapes. Un autre plan de déconfinement établi par le ministère de la Santé et publié par Yabiladi, prévoyait également un desserrement en trois phases de 15 jours.

De qui le chef de gouvernement est-il le chef ?

De ces plans, rien ne transparaitra dans l’intervention de Saad-Eddine El Othmani au Parlement, le 10 juin, donnant l’impression de naviguer à vue. Les démentis tortueux du chef du gouvernement et du ministère de la santé quant au caractère officiel de ces plans sans annoncer d'alternative détaillée, ont profondément sapé la confiance en la gestion de crise. Pis encore, le gouvernement infantilisait les citoyens qui n’avaient donc pas le droit de savoir après trois mois de sacrifices, d’isolement et de tensions psychologiques.

Un virage radical dans la communication gouvernementale ce samedi 13 juin vient donc rattraper ce flottement préjudiciable pour la gestion de la crise sanitaire. Ainsi, les ministères de l’Intérieur et de la Santé saluent les «efforts conjugués et constants du citoyen, de l’Administration et de l’ensemble des composantes de la société marocaine». Une mise en avant des citoyens qui permet de corriger le sentiment d’ingratitude perçu ces derniers jours malgré les efforts remarquables de la population.

L’annonce de la reprise en main des malades actifs par les structures sanitaires installés par l’armée au début du confinement, va permettre de soulager le personnel hospitalier dans le royaume, rassembler les compétences civiles et militaires au niveau de deux centres et permettre un retour sécurisé et massif des malades hors Covid-19 dans les hôpitaux publics.

L'armée en coulisse depuis le début de la crise

Certains internautes ont vu dans cette «reprise en main militaire» une réminiscence des épisodes sombres de l’histoire mondiale, parlant même de «camps de concentration». Mais combien parmi eux s’étaient émus de voir les blindés de l’armée débarquer dans nos villes par mesure de précaution, au cas où la population des quartiers pauvres lanceraient des «razzias» sur les quartiers résidentiels huppés ? Combien parmi eux ont critiqué la mise en place des hôpitaux de campagne par l’armée ? Combien parmi eux ont attaqué le regroupement obligatoire d’un contingent des étudiants rapatriés de Wuhan (en Chine) vers l’hôpital militaire de Rabat ? 

La place centrale de l’armée dans la gestion d’une crise de ce type n’est pas nouvelle au Maroc et ne s’est jamais démentie depuis le début de la Covid-19, avant même l’état d’urgence sanitaire. Depuis le début de la pandémie, l’armée est présente dans la gestion de la crise sanitaire, siégeant aux côtés du ministère de l’Intérieur lors des réunions avec le Roi. Le parallèle historique est précipité et erroné puisqu’un camp de concentration vise à emprisonner des prisonniers de guerre, des opposants politiques ou des minorités ciblées comme ennemies de la nation du fait de leur caractéristiques ethniques, religieuses, ou leurs orientations sexuelles, etc.

Soigner des malades de la Covid-19 dans deux hôpitaux gérés par l’armée comporte certes des désagréments propres à l’isolement obligatoire des malades d’une pandémie, mais ne constitue pas une résurgence des heures sombres de l’histoire.

La décision annoncée par les ministères de l’Intérieur et de la Santé vise surtout à rectifier le tir après une semaine de pédalage dans la semoule par le capitaine du pédalo. Le maroc passe à un nouveau braquet pour espérer un déconfinement plus rapide à partir du 20 juin. Mais un retour prochain à la normale ne doit pas réduire la vigilance citoyenne quant aux risques de dérives autoritaires. Il doit surtout nous conduite à une réflexion critique sur l’effritement de la cohésion gouvernementale et l’isolement du chef du gouvernement. 

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