M’jid El Guerrab est debout, en bas de la scène, alors qu’une petite foule se presse autour de Martine Aubry, il regarde la cohue, légèrement détaché, son portable à la main. M’jid El Guerrab, «franco-berbero-maroco-cantalou», comme il se définit lui-même et ancien membre du staff de Ségolène Royale pendant la campagne présidentielle de 2007, est aujourd’hui Conseiller pour la presse au cabinet du président PS du Sénat Jean Pierre Bel. Samedi 10 mars, il est venu conseiller, à titre gracieux, l’équipe de communication de Martine Aubry dans ses rapports avec la presse marocaine grâce à ses contacts.
29 ans, grand et costaud, M’jid vous regarde avec chaleur et franchise, sûr qu’un grand sourire reste encore le meilleur moyen de s’attacher quelqu’un. Un homme tellement habité par sa fonction de communiquant qu’elle déborde sans cesse sur son discours, même lorsqu’il vous raconte sa vie. Romancée, reconstruite parfois, elle ressemblerait presque à une pièce de théâtre.
Famille musulmane, école catholique
Né à Aurillac, en 1983, dans une famille originaire de Ait Ishaq, village berbère du Moyen Atlas marocain, immigrée en France quelques années plus tôt, le petit M’jid est le cinquième enfant d’une fratrie qui compte sept membres. «Je suis Berbère dans cette façon de se rebeller et de douter. En même temps je suis Cantalou, et grâce à ça je me suis fait plein de copains chez les brasseurs de Paris !», lance M’jid hilare et fier.
A Aurillac, élevé dans la religion musulmane, il commence sa scolarité à l’école catholique. «Même analphabète, ma mère a toujours insisté sur l’importance de l’école. Elle voulait que l’on participe à tout, y compris au catéchisme ; il ne fallait surtout pas créer de problème», se souvient M’jid. Il raconte comment sa famille, en bonne famille marocaine, ouvrait ses portes, parfois, à des gens venus leur rendre visite. «On leur offrait du thé et à manger et nous parlions de Dieu, jusqu’au jour où ces gens ont contesté l’existence du prophète Mohammad, là, ma mère s’est levée furieuse et les a mis dehors, se souvient, M’jid El Guerrab, ménageant son effet, c’était des témoins de Jéhovah !»
Avec un tel passif, ses études, après un DUT gestion d’entreprise et administration à Aurillac et une licence en management public à Marseille, le mènent logiquement à se spécialiser dans le fait religieux auprès de Bruno Etienne, à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) d’Aix en Provence. «L’IEP c’était l’objectif ultime, j’en rêvais depuis toujours, sans avoir même osé en parler tellement j’avais peur que l’on me rit au nez», assure le jeune homme.
Tout donner pour Ségolène Royale
Il réussit et sort finalement de l’institut, pour un stage, au bon moment : la campagne présidentielle de 2007. Du rôle de «frais diplômé», il passe directement à celui d’ «attaché de presse de Ségolène Royale», grâce à l’entremise de Benoit Pichard alors chef de cabinet de la candidate socialiste. Arrivé au Conseil Régional, à Poitiers, il est introduit auprès de Ségolène Royale. «Je n’ai jamais raconté cette anecdote à personne», indique M’jid, pour préparer son public. «Je suis entré et après m’avoir salué elle m’a demandé où je dormais et quel était mon contrat. A ce moment là je galérais pour le logement et j’étais en contrat de stage non rémunéré. Elle a tout de suite fixé mon contrat et a demandé à ce que l’on m’aide à trouver un logement stable», raconte le jeune socialiste. «Putain ! Cette femme, je vais tout donner pour elle !»
Pendant 8 mois, il ne verra pas sa famille, plongé dans la presse et les journaux télévisés, il vit la campagne socialiste depuis les coulisses. Il doit recenser toutes les fois où les médias parlent de la candidate pour lui en faire rapport. «A la fin de la campagne nous étions une vingtaine à suivre en permanence les médias», souligne M’jid. Par comparaison, aujourd’hui, le communiquant averti trouve la campagne présidentielle du candidat François Hollande bien huilée, mieux préparée. «Avec lui on est tranquille, on a un pilote dans l’avion, on peut dormir tranquille», estime-t-il.
Après la campagne, M’jid change de décor, il va à Marseille et participe rapidement à la campagne de Patrick Mennuci pour les législatives. «On a perdu à 300 voix d’écart à peine», regrette-t-il encore. Puis levé de rideau sur un nouvel acte : le Sénat. M’jid El Guerrab a rencontré Jean-Pierre Bel pendant la campagne présidentielle et s’engage à ses côtés en 2007 alors qu’il est président de l’opposition sénatoriale. Le jeune homme a eu du flair : en septembre 2011, à la faveur des élections, le Sénat passe à gauche, et Jean Pierre Bel devient président du Sénat, entraînant M’jid dans son sillage.
Lien PS-Maroc
Spécialiste de la communication politique pour le président du Sénat français, le jeune Frano-marocain est aussi parallèlement engagé sur un autre tableau : il organise, à partir de 2007-2008, des projets de développement local dans le cadre de son association Atlas Réseau Avenir, dans la ville d’origine de ses parents, d’Ait Ishaq. «Ma ville», signifie donc tantôt, selon l’endroit où il situe son discours, Ait Ishaq, tantôt Aurillac. Son action au Maroc n’est pas synonyme d’engagement en politique. «Quand je suis arrivé, tout le monde a cru que ce que je voulais me faire élire quelque part», mais il n’en est rien. Aujourd’hui, il confirme : «je suis attaché au deuxième cabinet de l’Etat français, je ne vais pas venir me présenter ici.»
Son détachement n’est pas synonyme de désintérêt pour la scène politique marocaine : M’jid est d’abord un communiquant, un homme de réseau. «Au PS, on est une bonne dizaine à se dire qu’il faut qu’on fasse un cercle d’échange pour se réapproprier la relation France-Maroc complètement phagocyté par des gens comme Jean François Copé ou Besson - au prisme de la gauche», diagnostique-t-il. En plus de ses conseils pour l’équipe de Martine Aubry et de ses cours à l’Institut supérieur de Génie Appliqué (IGA), il a donc profité de son passage au Maroc pour rencontrer «beaucoup de personnalités politiques de premier plan au sein des partis mais aussi du Palais royal. J’estime que nous avons une élite de très haut niveau», affirme-t-il. Lui qui a été très impressionné par Fouad Ali El Himma, conseiller royal, lors d’une précédente rencontre, regarde avec intérêt ce qui se joue au Maroc.