Hier, dimanche 11 mars, lors d’un grand meeting à Villepinte, près de Paris, Nicolas Sarkozy a menacé de réformer l’accord de Schengen, en allant même jusqu'à évoquer la volonté de faire sortir la France de cet accord d’ici un an. Objectif : mieux lutter contre l’immigration qu'il estime mal contrôlée par certains pays européens. «L'Europe ne doit plus être une menace, elle doit être une protection (…) L'Europe doit reprendre son destin en main, sinon elle risque la dislocation (...) A l'heure de la crise économique, si l'Europe ne choisit pas ceux qui peuvent entrer sur le territoire, elle ne pourra plus financer sa protection sociale, a déclaré Nicolas Sarkozy devant près de 75 000 supporters d’après des chiffres avancés par la direction du parti.
Pour rappel, l’espace Schengen a été créé en 1985 et est entré en vigueur en 1995. L'objectif était de supprimer les frontières entre les pays européens signataires afin de faciliter la libre circulation des marchandises et des personnes sans subir de contrôle poussé. Aujourd’hui, l’espace comprend 25 pays européens.
Boîte de Pandore
La grande question qui se pose alors : la France peut-elle réellement sortir de l’Espace Schengen. Certains politologues considèrent la proposition de Nicolas Sarkozy comme peu réaliste. «Revenir sur l'abolition des frontières, c'est faire un bond en arrière et retrouver les désagréments de la situation connue jusqu'en 1985, où des kilomètres de queues de camions s'accumulaient à la frontière franco-allemande», rappelle Yves Pascouau, chercheur au sein du European policy centre, un think tank bruxellois. «Des discussions avancent sur ce thème. [faisant référence à une réforme de l'Espace Schengen menée actuellement par l'Union Européen] Nicolas Sarkozy adopte en fait une posture pour mieux négocier, mais il ne pourra pas aller au bout. La mobilité est le noyau dur du projet européen. Y renoncer, c'est ouvrir une boîte de Pandore : la France a besoin des talents du monde, pas d'un repli sur elle-même.», lance de son côté Guillaume Klossa, président du "think tank" Europanova au Nouvel Observateur.
Conséquences pour les Marocains
Au Maroc, Mehdi Lahlou, Professeur de sciences politiques et spécialiste des migrations a suivi de près l’allocution de Nicolas Sarkozy. «Il ne s’agit là que d’un discours électoraliste. Nicolas Sarkozy est en train de faire de la surenchère politique afin de récupérer les voix du Front National», lance-t-il. «Un seul pays ne peut pas décider de se retirer de l’espace Schengen. La France a tout à gagner avec l’Union Européenne. Elle a besoin de l’Allemagne, si elle sort, elle se mettra l’Allemagne à dos et se trouvera isoler économiquement», poursuit-il.
Néanmoins, on peut envisager un scénario : si un jour la France ou d’autres pays sortent de l’Espace Schengen, quelles pourraient être les conséquences pour les Marocains ? Les conditions d’obtention de visas se durciraient-elles par exemple ? Pour Mehdi Lahlou, dans le cas d’une sortie de l’Espace Schengen, les Marocains auront tout à y gagner car il considère que la législation de l’Espace Schengen durcit encore plus l’obtention des visas pour les Marocains notamment. Si certains pays sortent de l’Espace Schengen, ils reviendront à leur ancienne législation qui délivrait auparavant plus facilement des visas, citant deux pays en particulier l’Italie et l’Espagne.
L’annonce de Nicolas Sarkozy a également, eu l’effet d’une bombe chez ses adversaires politiques. François Hollande, candidat socialiste, actuellement en tête des sondages, a accusé hier soir Nicolas Sarkozy d'avoir «occulté son bilan», et de faire de l'Europe «un bouc émissaire». «Cette proposition est un coup de poignard dans le dos de l'Europe», s’est indignée Eva Joly sur son site internet qui l’accuse de vouloir courir après Marine Le Pen. Ce matin sur RTL, le candidat centriste François Bayrou a qualifié cette proposition de «fantasme». «Est-ce qu'il y a quelqu'un d'assez censé dans le pays pour croire qu'on va réembaucher des douaniers et reconstruire les postes-frontière (...) ?, alors que les accords remontent à 22 ans.», a-t-il déclaré.