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Tribune

8 mars : Une journée pour la femme, et les 364 autres ?

Vite, vite, que je sorte mon étendard avant que la fugace journée internationale de la femme ne me glisse entre les doigts et que je ne sois dans l’obligation d’attendre trois cent soixante cinq jours pour le faire!

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Savez-vous ce que porte mon étendard ? Une interrogation : femme où es-tu ?

Es-tu, seule et unique dans le nouveau gouvernement pour représenter la moitié de la population marocaine? Islamiste et dument voilée car les autres partis de la coalition gouvernementale même les plus «progressistes» d’entre eux n’ont pas trouvé, parait-il, des femmes compétentes parmi leurs militantes. Femme à qui l’on a confié le département de la famille, de la solidarité sociale et des handicapés. Logique puisqu’elle a une connaissance très fine de ce domaine. Vous pensez bien qu’on n’allait pas lui donner à gérer les finances de l’Etat, les travaux publics ou la diplomatie. Il ne faut pas trop s’exciter !

Femme es-tu dans les deux hémicycles avec tes sœurs, les élues ? Je rêve de vous y voir si nombreuses que l’on n’entende que vous. La parité constitutionnelle n’a qu’à bien se tenir ! Vous présidez la presque totalité des commissions parlementaires. Vous proposez des lois à tour de bras donnant, ainsi, une leçon à vos confrères qui comprennent, enfin, que c’est là leur rôle premier, une fois élus.

Occupes-tu la moitié des postes de responsabilité ? Je sais bien que tu as investi toutes les professions mais je me prends à rêver que tu es la femme qu’il faut à la place qu’il faut ? Que tu prends les bonnes décisions qui feront entrer le Maroc dans la cour des grands. Que tu es arrivée à éradiquer la corruption et à promouvoir la compétence, tâche à laquelle ont échoué les hommes. Hommes qui reconnaissent enfin ta compétence et qui décident d’un commun accord de te faire présider le prochain gouvernement.

Je rêve, je rêve et je vous attrape à rêver comme moi!

Désolée, mais je suis obligée de vous ramener sur terre marocaine. Cette terre à l’unique femme ministre. Ce Maroc où seule une poignée de femmes est élue au parlement grâce à la discrimination positive et se contente de faire de la figuration, certaines à leur cœur défendant. Merci aux listes nationales !

Un Maroc où des femmes compétentes sont parquées dans des bureaux, souvent harcelées sexuellement quand elles sont jeunes pour une hypothétique promotion. Elles égrènent quand elles sont matures les jours qui les séparent de leur retraite.

Des femmes qui, lorsqu’elles rentrent chez elles harassées doivent faire en sorte que leur foyer soit chaleureux et confortable. Etre à l’écoute du mari, des enfants, faire les devoirs avec eux, faire des machines. Quand je vous disais que les femmes s’y connaissent en matière de famille !

Un Maroc qui bouge quand même. Voyez la révélation, cette semaine de la liste des bénéficiaires des «grimates [agréments, en darija]». Les femmes n’en constituent pas la moitié même si les «grimates» sont censés revenir aux veuves et aux orphelins.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais il me prend des envies de sortir dans la rue, en ce deuxième printemps béni, pour revendiquer l’application de la primauté des lois et des conventions internationales ratifiées sur les lois nationales que proclame la nouvelle constitution. Même si cette primauté est assortie d’un grand bémol : les «taouabit [constantes, en arabe]».

Allez mes sœurs, réclamons la mise en œuvre de la convention de lutte contre toutes formes de discrimination envers la femme et l’harmonisation des lois nationales avec cette convention.

Réclamons, par exemple, l’abolition de la polygamie ? Mais si vous voulez mon avis j’ai comme le sentiment que la conjoncture actuelle ne s’y prête pas.

Allez mes sœurs je vous laisse. A dans trois cent soixante cinq jours !

Tribune

Fatiha Daoudi
Juriste
 Juriste et militante activiste des droits humains ...
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