«La laïcité en elle-même, cette séparation de l’Eglise et de l’Etat, énoncée en 1905 ne me pose pas de problème », confie Jean Baubérot contacté par Yabiladi. «Malheureusement, elle n’est pas comprise de la population et les politiques l’invoquent très souvent pour cacher autre chose», poursuit-il. Garantie des libertés individuelles en France, elle est actuellement perçue comme une menace et fait régulièrement parler d’elle.
Selon ce spécialiste des religions et de la question de la laïcité, les hommes politiques français seraient «confrontés à une peur du flot continue des flux migratoires» tandis que la population française fait face, pour sa part «aux frottements culturels» consécutifs à l’immigration. Il est tout à fait normal que quelques tensions puissent exister entre les différentes couches de la société française, puisqu’il «faudrait à tout un chacun un temps raisonnable d’acclimatation». Les personnalités politiques se doivent à leur niveau de «garder leur sang-froid».
Certaines situations vont dans le bon sens
Notamment, en ce qui concerne l’implantation des mosquées en terre Française. Le processus se déroule sans encombre majeure. Car «il en existe beaucoup plus qu’auparavant même si leur nombre n'est pas encore suffisant». Les temples et mosquées se sont intégrés au fur et à mesure des dernières années. Des chiffres sont disponibles dans son ouvrage, nous révèle le sociologue, pour qui, pendant des siècles, les églises ont dominé le paysage urbain.
Celui-ci salue également la création des aumôneries musulmanes au sein de l'armée, des prisons et hôpitaux, mises en place avec la bonne volonté du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). L’historien rappelle que c’est bien ce qui est prévue par la loi de 1905. Cette action est ainsi entrée dans le cadre de la consolidation des principes républicains de liberté de culte et de non-discrimination.
Globalement, «les efforts ne sont pas assez nombreux pour une réelle application de la laïcité originelle», estime Jean Baubérot.
Dégonfler les baudruches
Les «incidents et frottements surmédiatisés», «hypertrophiés», empoisonnent le climat ambiant. Jean Baubérot cite Marine Le Pen au début de son livre, qui s’est «empressée d’exploiter les prières de rue». Celle-ci n’a pas exagéré selon le sociologue, en citant le nombre de lieux concernés (10 environ) mais elle en fait une affaire d'état. Et, malheureusement, à la suite d’un sondage, des personnes interrogées ont estimé à 185 le nombre de lieux utilisés par les musulmans pour effectuer la prière du Vendredi. Un chiffre biaisé en conséquence «aux réactions disproportionnées des médias et des personnalités politiques». Jean Baubérot recommande aux puissances publiques d’être neutres à la manière d’un arbitre de football. Les individus de leur côté devraient appliquer le même principe à l’instar de supporters de match de football. Par les temps qui courent, pas sûr que le match se joue sans heurts notables.
«La laicité falsifiée» par Jean Baubérot est un essai paru en Janvier 2012.