Dans une association, il est normal que les membres ne partagent pas tous le même avis. Il peut y avoir des désaccords pour un projet à mener dans l’avenir, un budget à débloquer ou une mesure à prendre face à un problème donné…Mais à l’association culturelle des musulmans qui gèrent la Mosquée de Corbeil-Essonnes, c’est une toute autre histoire. Là-bas, les conflits entre les membres tournent autour… de leur pays d’origine.
Marocains versus Algériens
Tout commence lorsque Rabi Maghri, l’ancien vice président de l’association et d’origine marocaine, prend le taureau par les cornes et décide de convoquer une Assemblée Générale, une Assemblée qui se tient ce soir. L’objectif est simple : renvoyer l’actuel président de l’association, Yahia Kandouci, d’origine algérienne et installer à sa place «un conseil de sages».
Radié de l’association au mois d’octobre dernier, Rabi Maghri dénonce une prise en main de la mosquée par des Algériens proches du consulat d’Algérie. Selon lui, plusieurs membres non algériens du bureau ont été écartés au mépris des règles de l’association et remplacés par des Algériens», explique le Parisien dans un article paru aujourd’hui.
Mais Rabi Maghri n’est pas le seul à penser cela. Ouahib Bouzar, ancien président de 1999 à 2004 qui est, non pas d’origine marocaine mais algérienne, dénonce également une prise en main de la mosquée par des proches du consulat algérien.
«Il n’y a pas de problème au sein du bureau, Rabi n’est plus vice-président. Il n’y a pas de souci.», tente de rassurer Yahia Kandouci au Parisien.
Le mécène Dassault
Mais l’ordre du jour de l’assemblée de ce soir ne devrait pas seulement tourner autour de l’intention d’exclure Yahia Kandouci. On risque bien d’y parler également de Serge Dassault. En effet, l’industriel milliardaire et sénateur UMP a déclaré qu’il était prêt à verser une somme d’argent à la mosquée pour l’agrandir, sans toutefois en préciser le montant.
Le 6 novembre dernier, date de l’Aïd el Kébir en France, des milliers de fidèles font leur prière dans la mosquée alors qu’elle ne peut en accueillir que 2000. Il y a tellement de personnes qu’un gymnase situé en face de la mosquée est spécialement ouvert pour accueillir une partie des fidèles. Serge Dassault était sur les lieux ce jour-là pour assister à la fête et remarque très vite le manque de place. Il annonce devant plusieurs personnes son intention de donner de l’argent afin d’agrandir la mosquée, «pas trop grand, mais juste ce qu’il faut», répète au Parisien un témoin présent.
«Ingérence financière»
Un élan de générosité qui ne plait pas à tout le monde et qui choque même certains fidèles. L’ancien responsable de la mosquée Ouahib Bouzar parle «d’une ingérence financière» et craint que l’industriel achète la sympathie des fidèles.
«On ne veut pas de l’argent de Dassault, il ne fait que diviser les gens. (…) Je voyais en lui quelqu’un de bon, mais avec le temps j’ai changé d’avis», explique-t-il sans donner plus de raisons à ce refus.
Néanmoins, Bouzar rappelle que lorsqu’il était président de l’association de 1999 à 2004 et qu’il avait besoin d’argent pour construire la mosquée, Dassault avait répondu présent en tant que «mécène privé et non en tant que maire de l’époque». Il avait d’ailleurs versé une coquette somme qui a largement permis de financer la construction dont le coût s’élevait à deux millions d’euros.
«Oui, il a dit qu’il agrandirait, mais officiellement on n’est au courant de rien. Ce n’est pas à notre demande», déclare simplement Yahia Kandouci au Parisien, sans donner plus de détails.
Cependant, dans ce dossier, le journal précise qu’un seul homme semble bien être au courant des projets de Dassault. Il s’agit d’Aboubacar Djiba, ancien trésorier de l’association et ancien conseiller municipal de la majorité de 2008 à 2010. Il était aux côtés de Dassault, le jour de la fête, lorsque le milliardaire a déclaré à haute voix son envie de donner de l’argent à la mosquée.
«Je suis l’homme de confiance. Mais je ne gère pas les fonds. C’est Dassault qui valide l’avancée des travaux et qui paie.», confirme-t-il au journal en expliquant que les sanitaires de la mosquée vont être déplacés pour y accueillir l’agrandissement de la mosquée et qu’un architecte est actuellement au travail.
«Dassault est extrêmement généreux. Il ne le fait pas pour acheter les musulmans. Il s’en fout de ça», conclut Djiba qui accuse certains membres de l’association d’envier sa place actuelle.