Depuis longtemps, Samir rêvait de partir avec son épouse faire le grand pèlerinage à la Mecque, raconte la Voix du Nord. Après avoir réussi à économiser près de 8000 euros, Samir décide de, non pas se tourner vers une agence de voyage pour préparer son voyage, mais plutôt de contacter un guide réputé au sein de la communauté musulmane, un guide qui, lui dit-on est sérieux et qui a depuis des années l’habitude de servir d’intermédiaire avec les agences de voyage.
Privés de Hajj
En toute confiance, Samir le rencontre et décide de lui remettre l’argent en liquide dans une enveloppe et en échange, le guide lui donne un simple reçu. Samir et son épouse prépare leurs bagages tous excités de leur voyage et attendent le jour du grand départ qui hélas ne viendra jamais.
En effet, la veille du jour J, le couple reçoit un coup de fil du guide qui leur explique que le départ n’aura jamais lieu à cause d’un problème de visas. Le guide avait décidé de passer par une agence de voyages située en Belgique qui avaient à son tour, sous-traité la demande par une agence de voyages de Paris. Après avoir campé pendant une semaine devant l’agence parisienne, le guide rentrera chez lui sans aucun visa. Samir n’est pas le seul à avoir fait appel à ce guide. Vingt et une autres personnes se retrouvent elles aussi lésées et ne peuvent partir. Le guide leur rend leurs passeports sans visa. Seul Samir se fera remboursé deux mois après, grâce à une reconnaissance de dette que le guide lui avait signé.
Samir est chanceux. Dans son groupe, il sera le seul à revoir la couleur de son argent. Pour les autres, il leur sera extrêmement difficile de récupérer en totalité leur argent car dans certains cas, les guides peuvent verser une avance pouvant aller jusqu’à 30% à l’agence de voyage pour qu’elle puisse, à son tour, payer une avance pour la réservation de l’hôtel ou du transport. Le seul moyen pour se faire rembourser reste la justice.
Mais les arnaqués au Hajj ne sont pas seulement les personnes qui n’ont pas pu obtenir un visa pour partir, ce sont aussi celles qui sont mal encadrées une fois à la Mecque ou qui séjournent dans des hôtels miteux ou trop éloignés alors que l’agence de voyage leur avait promis de bien meilleures prestations.
6000 plaintes déposées
D’après ses chiffres, l’association France Hajj a déjà reçu près de 1800 plaintes cette année. Des plaintes provenant surtout de la région parisienne et du grand Est, c’est-à-dire de Lyon jusqu’au nord de l’hexagone. Sur toute la France, il y aurait déjà eu plus de 6000 plaintes selon la Voix du Nord.
L’association France Hajj existe depuis 7 ans. Chaque année, elle mène le même combat : sensibiliser et prévenir les futurs pèlerins sur les personnes malhonnêtes qu’elles peuvent rencontrer dans l’organisation de leur départ.
«A un moment, nous avons même eu un pic de 2000 plaintes d’arnaques mais certaines de ses personnes ont été remboursées», explique Soufari Benabdallah, président de France Hajj.
«C’est le destin !»
Mais la grande difficulté à laquelle est confrontée l’association France Hajj chaque année est le mutisme dont certaines personnes arnaquées font preuve, des personnes qui n’iront jamais porter plainte.
«On pourrait multiplier le nombre de plaintes par deux si ces personnes portaient plainte.» regrette Soufari Benabdallah qui insiste sur le fait que ces personnes lésées ne feront aucune démarche parce qu’elles considèrent que c’est leur destin d’avoir été arnaqué. Il dénonce par ailleurs le manque de vigilance qu’ont certains futurs pèlerins lorsqu’ils versent une grosse somme à une personne qu’elles ont rencontré dans une mosquée ou au sein de leur communauté, des lieux qu’ils considèrent, en toute naïveté, pleine de confiance. «C’est cruel, on joue beaucoup avec les sentiments religieux ! Le Hajj altère leur réflexe de consommateurs.», lâche-t-il.
«Et puis il y a aussi les enfants qui ont un rôle à jouer. Ils savent bien qu’il existe des arnaques, mais ils ne font pas de suivi et pensent que leurs parents sont entre de bonnes mains et perdent à ce moment là une certaine paranoïa», poursuit Soufari Benabdallah.
Pour tenter de faire baisser le nombre d’arnaqués, le président France Hajj estime que les mosquées ne font pas assez leur travail de sensibilisation et qu’elles devraient informer beaucoup plus les futurs pèlerins du risque qu’ils encourent s’ils font confiance à n’importe qui et s’ils ne passent pas par des agences de voyages agréées.