Le sentiment d’injustice qui habite les proches et les avocats d’Ali Aarrass depuis le début de l’affaire, n’est pas prêt de se dissiper, alors que la cour d’appel de Rabat-Salé l’a condamné ce jeudi à 15 ans de prison ferme. Du côté des proches, la décision choque, mais c’est la manière dont elle a été rendue qui choque encore plus. D’après les témoignages concordants de sa sœur et de ses avocats, Ali Aarrass était seul face au juge au moment où il recevait sa sentence.
«Le juge a dit que la sentence serait rendue dans l’heure qui suivait les plaidoyers», nous explique Farida Aarrass, la sœur, contactée par nos soins. «Plusieurs personnes qui étaient là depuis le matin se sont précipitées pour prendre quelque chose à manger, et revenir avant l’heure en question. La salle était vide, quand ils sont revenus. La sentence a été donnée une demi-heure que l'audience ait été suspendue. Mon frère était seul, sans ses avocats, sa famille, ses amis. C’est de la lâcheté, c’est scandaleux». Déplore Farida Aarrass.
Le sentiment d’indignation est le même du côté des avocats de la défense, qui sont surpris du traitement et de la légèreté avec laquelle une peine aussi lourdea été prononcée et de la façon dont l’affaire a été traitée. «Le réquisitoire a duré une quarantaine deminutes. Le procureur a demandé la peine maximale, sans vraiment justifier, ce qui est étrange quand on demande une peine aussi lourde. Le dossier ne fournit «aucun élément pouvant la justifier. le Procureur a en partie fondé sa plaidoirie sur des éléments qui ne figurent pas au dossier: une audition d'un certain Nougaoui datant de 2005. C'est contraire au principe du contradictoire, au droit de la défense (art 14 du pacte international relatif au droit civil et politique)», nous a déclaré Me Dounia Alamat, l’une des avocates dela défense.
Me Zakaria Louski, autre avocat d’Ali Aarrass, également contacté par nos soins, nous a confiés que le plaidoyer de la défense, a duré «près de 2 heures et demi». Les principaux arguments de la défense reposaient principalement sur la faiblesse de l’accusation, mais aussi les lacunes d’une procédure qui amène Ali Aarrass à être jugé pour une affaire pour un motif différent de celui de son extradition. Ces arguments n’ont visiblement pas pesé lourd devant le juge.
Le combat continue
«Le comité de soutien est déçu, mais nous n’allons pas baisser les bras», nous a déclaré Farida Aarrass. La sœur d’Ali nous a également témoigné de l’esprit de mécontentement qui anime la communauté des citoyens belges d’origine marocaine. «Nous prévoyons des marches pour dénoncer le je-m’en-foutisme dont fait preuve le gouvernement belge à l’égard de l’un de ses citoyens parce qu’il s’appelle Ali et non Jean-Paul».
Indignés, plusieurs citoyens Maroco-Belges envisageraient même de brûler leurs passeports marocains devant le consulat. Cet acte par lequel ils entendent se «débarrasser» de façon symbolique de leur nationalité marocaine, vise à envoyer un message fort en direction des autorités marocaines. Les avocats, de leur côté, dénoncent une «parodie de justice», se demandent si «la justice remplacera un jour l’injustice au Maroc», et entendent faire appel dans une dizaine de jours.
Un livre à paraitre
Le 30 novembre prochain, un livre sortira en librairie sur l’Affaire Aarrass. L’ouvrage, de 90 pages, est intitulé «Ali Aarrass pour l’exemple» (Editions Egalité). Abdellah Boudami, l’un des auteurs, nous a déclaré que le livre retraçait dans l’ordre chronologique, les étapes de l’affaire.
Le titre selon lui, un clin d’œil à l’état des droits de l’homme au Maroc : Ali Aarrass, victime d’un jugement arbitraire, torturé, et livré à une parodie de procès. Un cas loin d’être isolé. «Le Maroc a pu traiter ainsi un innocent. A plus forte raison un prisonnier politique».
Abdellah Boudami, qui a rencontré Ali Aarrass plusieurs fois par le passé s’en souvient comme «d’un homme généreux et très apprécié de son entourage». «Le livre permet d’ailleurs de ressortir cette dimension du personnage : «un homme bon, qui aimait les enfants, et qui est arrêté justement au moment où il a enfin eu la chance d’avoir le sien. Un vrai drame».