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Grand Angle

Procédures de naturalisation : Difficiles et aléatoires

Les naturalisations sont de plus en plus difficiles à obtenir. Le renforcement du rôle des préfectures, qui ont chacune des exigences spécifiques, rend les décisions de naturalisation encore plus aléatoires.

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J'ai bien l’impression que le ministère de l’intérieur veut réduire le nombre de naturalisations», laisse tomber Zarrouk42 (pseudo), un membre très actif sur le forum du site www.yabiladi.com dans les discussions consacrées aux naturalisations. Que les Marocains soient si nombreux à se faire naturaliser en France relève presque d’un tour de force, tant peut être difficile le parcours qui y mène.

«Il existe une sorte de compétition sociale pour accéder à la naturalisation. On se prépare, on se renseigne, etc. Son échec est vécu comme une honte», raconte Zoubir Chattou, chercheur et auteur de «Migrations marocaines en Europe. Le paradoxe des itinéraires», en 1998. Une honte qu’ils pourraient être nombreux à connaître cette année encore. 30% de ceux qui avaient demandé la nationalité française de 2000 à 2005 ont essuyé un refus, selon l’Institut universitaire européen de Florence.

Moins de naturalisations

Depuis 2004, selon celui-ci, le nombre de naturalisation baisse chaque année, après une forte augmentation au  début des années 2000. Auparavant, la France délivrait 60 décrets de naturalisation par an, à raison de 4 à 6  décrets par mois pour près de 1000 nouveaux citoyens par décret, selon Zarrouk42. «Or, je n’en ai compté que  58 en 2008 et 56 en 2009, puis 2010, souligne-t-il. En cette fin d’année, le résultat risque d’être identique.»

Ses calculs correspondent à ce qu’il constate chaque jour, sur le forum. Par le passé, la prise en charge par les  parents, comme niveau de revenu, «permettait d’obtenir la naturalisation. Maintenant, ces dossiers là sont  ajournés», souligne Zarrouk42. Les personnes en CDD voient leur demande systématiquement ajournée, il en va de même lorsqu’un CDI a été signé trop récemment. Un étudiant qui gagne entre 300 et 400 euros par mois ne comptera pas non plus obtenir sa naturalisation. «Je vois tous ces gens qui déposent des recours contre l’ajournement. C’est inutile, à mon avis», soupire  Zarrouk42.

Nouvelle loi

Autant de restrictions dans les pratiques facilitées par le décret entré en application le 10 juillet 2010. Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, prévoyait, à l’origine, de transférer aux préfectures la décision finale de naturalisation. Jusque là, elle était prise par la Sous-Direction des Naturalisations (SDN), installée à Rezé, près de Nantes.

Chercheurs et associatifs s’y sont opposés dans un «Appel contre une naturalisation arbitraire», publié par le quotidien français la Croix, en février 2008. Les préfectures sont réputées constituer le maillon le plus «arbitraire» de la procédure de naturalisation. Selon une étude réalisée par la SDN à la demande du ministère de l’immigration, dans le département des Deux-Sèvres, le risque d’avoir un avis négatif s’élevait à 69 %, tandis que, dans les Côtes-d’Armor, il ne dépassait pas 15 %, rapportait le monde,le 24 avril 2009.

Un décret a finalement été publié dans lequel l’administration centrale continue de porter la décision finale. «Les préfectures sont seules compétentes pour examiner, dans un premier temps, les demandes de naturalisation ou  de réintégration déposées à leurs guichets, et prendre des décisions d’irrecevabilité, d’ajournement ou de rejet sur ces demandes. Seuls les dossiers pouvant faire l’objet d’une décision favorable de naturalisation ou de réintégration restent transmis aux services centraux du ministère de l’immigration pour décision», stipule le décret.

Arbitraire

Le rôle des préfectures a donc été renforcé alors qu’il «existe des cas où une personne voit sa naturalisation  refusée dans une préfecture et acceptée dans une autre, sans que son dossier ne change», reconnaît Zoubir  Chattou. «Alors que pour de nombreux bureaux des naturalisations, il n’existe aucun contrôle des voyages du  candidat (photocopies des pages intérieures du passeport), d’autres considèrent que, même s’il satisfait aux autres critères, le fait de séjourner plus de six mois à l’étranger est un motif d’irrecevabilité», signale Abdellali Hajjat, chercheur du Groupe d’analyse politique (EA1591), à l’université de Paris-Ouest Nanterre, dans le numéro de décembre 2008 de la publication «Plein droit».

A la SDN aussi, des décisions arbitraires peuvent tomber. Zarrouk42 raconte qu’une personne dont on venait  d’ajourner le dossier de naturalisation pour deux ans, avait téléphoné à la SDN, sous le coup de la colère, et  insulté tout le monde. Excédés, les personnels de l’administration l’ont puni : 2 ans d’ajournement supplémentaires.

La dimension de la procédure de naturalisation la plus aléatoire a changé, le 12 octobre. Désormais, «le niveau de langue ne sera plus évalué au cours d’un entretien individuel par un agent de préfecture [...] Il appartiendra à  l’étranger d’en justifier par la production d’un diplôme ou d’une attestation délivrée par un organisme reconnu par l’Etat ou par un prestataire agréé», indique le décret. Une nouvelle problématique apparaît alors : faudra-t-il mettre à la main à la poche pour être Français ?

2 ans de nationalité conditionnelle

 « Le décret portant naturalisation peut être retiré sur avis conforme du Conseil d'État dans un délai d'un an à compter de sa publication au Journal officiel s'il apparaît que le requérant ne satisfaisait pas aux conditions légales. Si la décision a été obtenue par mensonge ou par fraude, le décret peut être retiré dans le délai de 2 ans à partir de leur découverte. »

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