Les choses se sont elles améliorées depuis 2007, lorsque les électeurs marocains ont signifiés à leurs élites politiques qu’ils n’avaient plus aucune confiance en elles ? La situation semble au contraire encore plus dramatique. A la faveur de la dynamique du Printemps arabe et du Mouvement du 20 février, la parole s’est libérée et il n’est pas rare de voir des politiques comme des ministres se faire chahuter par des étudiants, des médecins ou plus généralement des citoyens.
2011, annus horribilis
Cette année 2011, est l’ «annus horribilis» pour la classe politique qui s’est montrée incapable de canaliser la rue, de l’écouter, de négocier avec elle. Au moment où la présence des politiques devenait primordiale face aux flots emportant les dirigeants de certains pays arabes, ils étaient aux abonnés absents, se cachant derrière l’institution monarchique pour ne pas devoir rendre des comptes et laisser le roi assumer seul la responsabilité. Comble de la couardise et de la ruse grossière, certains partis, après avoir dénigré cette rue frondeuse, lui ont fait des yeux doux, pour essayer d’acheter l’âme de certains membres du Mouvement du 20 février. Beaucoup rétorquerons, qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Mais comment qualifier ceux qui n’ont jamais aucun avis sur des questions cruciales pour notre pays ?
Un référendum entre le roi et le peuple
Lors des consultations pour la nouvelle constitution, les partis politiques se sont révélés en déphasage complet avec les exigences de leurs responsabilités. Ils n’ont pas joué leur rôle de courroie de transmission entre le peuple et l’institution monarchique, laissant ainsi le roi et les Marocains seuls acteurs de ce nouveau film institutionnel. Comment alors s’étonner que le référendum se transforme en plébiscite pour le roi alors que ce qui était demandé était de voter pour ou contre cette nouvelle constitution ? Par contre quand les résultats du plébiscite sont tombés, les premiers à se présenter devant les caméras étaient ces courtisans de marocains (les fauteuils pas les citoyens), ces politiques qui savent se faire discret en cas de tempête, et plastronner dès l’apparition du beau temps.
Quand le corporatisme politique éclipse les intérêts de la nation
Mais il est un domaine où les partis politiques se montrent véhéments, luttent avec acharnement et retrouve la hargne d’antan. Dès qu’il s’agit de défendre leurs intérêts politiques partisans comme le code électoral, le découpage des circonscriptions, les voilà qu’ils sortent de la torpeur du premier semestre, cette longue hibernation hivernale et printanière. N’est-ce-pas là le comble de la déchéance de la représentation politique nationale ? Ceux qui sont censés défendre l’intérêt général, ne luttent que pour leurs intérêts particuliers. A l’heure où le Maroc est sur le long et sinueux chemin de la démocratisation, les partis ont préféré abdiquer pour ne s’occuper que de leurs petites affaires privées.
L’épicerie politique
Mais le paroxysme de la privatisation de la représentation politique a été atteint lors de l’ouverture de la session parlementaire par le roi. Un député de l’Union Constitutionnelle a poussé la déchéance du politique à son comble en jetant une lettre de doléance aux pieds du souverain. Sa missive n’avait pas pour objectif de faire connaitre au roi un problème inextricable lié à la région qu’il représente, mais tout simplement pour débloquer un crédit pour sa fille auprès d’une banque de la place. Nous sommes là dans une grande épicerie politique, où chacun œuvre pour son intérêt personnel.
Et le reste de l’hémicycle n’était pas plus glorieux. Alors que le souverain a insisté dans son discours sur la responsabilité historique des représentants du peuple, dès le dos tourné, nos députés se sont rués sur le buffet pour ensuite prendre la poudre d’escampette. Ainsi la quasi-totalité des députés n’a pas assisté à la séance pour le vote des lois organiques, ô combien nécessaire pour la mise en place de cette nouvelle constitution.
Alors demain, lorsque les citoyennes et citoyens marocains seront appelés à élire leurs représentants, quelle sera leur attitude ? Au vu de l’irresponsabilité affligeante de nos responsables politiques, il est fort à parier que les électeurs désabusés, bouderont une fois de plus, un processus démocratique pris en otage par les notables des partis.