Etre homosexuel au Maroc n’est pas une mince affaire. L’association KifKif organise aujourd’hui une soirée pour fêter ce que ses fondateurs appellent désormais «La journée nationale de l’homosexuel marocain». Un rendez-vous annuel depuis maintenant trois ans et qui réunit les homosexuels marocains. L’objectif est de sensibiliser mais aussi dédramatiser. «Nous portons un message fort, surtout pour les adolescents qui vivent leur homosexualité dans la solitude. Les homosexuels au Maroc souffrent de dépression, les chiffres font peur : vous ne pouvez pas imaginer le nombre d’homosexuels qui pensent au suicide» déplore Samir Bargachi, président de KifKif Maroc. En effet, avec des lois répressives, un milieu socioculturel hostile à l’homosexualité, les homosexuels au Maroc sont obligés de raser les murs.
Dur, dur d’être homo au Maroc
«Quand des fois, certains se doutent de mon homosexualité, je me débrouille pour brouiller les pistes, raconte Amir, étudiant en médecine à Rabat. Je deviens même un peu parano des fois, et à la moindre allusion ou plaisanterie, j'ai l'impression que mon secret est révélé. Et encore, ici à Rabat ça va, le pire c'est quand j’habitais à Oujda. Là bas si tu en parles, tu es sûr de te faire castrer». Fatiguée d’être stigmatisée à cause de son attirance pour les femmes, Aida, quant à elle, a choisi le mariage arrangé. « Personnellement j’ai arrêté de fréquenter des filles parce que notre société ne me le permet pas. Je n’embête personne moi. Mais tout le monde me pointait du doigt, me jugeait… Je n’en pouvais plus.» Rafik, un ingénieur de 27 ans, n’est pas du même avis : «Les lesbiennes sont plus ou moins bien accueillies alors que chez les garçons, impossible de sortir du placard. Le plus difficile, c'est d'avoir une vie sentimentale normale».
Une soirée «normale»
En effet les occasions de rencontrer ses «semblables» restent très limitées. Tous passent par le net aujourd’hui, à travers des forums spécialisés ou encore facebook. Quelques soirées privées permettent des rencontres effectives. Mehdi, fonctionnaire hétéro a déjà assisté à l’une de ces soirées. «Je suis déjà allé à une soirée «rencontres» chez un couple gay à Rabat, par curiosité. Mais une bonne partie d’entre eux étaient méfiants vis à vis de moi, parce que je suis hétéro», déplore-t-il. Mais il assure que «si KifKif organise une soirée pas loin de chez moi j'irai sans doute, par solidarité. Mais à condition que ça soit plus décomplexé que la soirée à laquelle j’ai été : toutes les discussions tournaient autour de l'homosexualité, ça gagnerait à être moins caricatural à mon avis».
En tout cas, les préparatifs pour la soirée à Sebta vont bon train. Les organisateurs prévoient une conférence-débat avant le démarrage des festivités, où une étude sur les tendances suicidaires des homosexuels au Maroc sera dévoilée. «Des personnalités publiques homosexuelles seront de la partie, mais je ne peux pas vous dévoiler les noms. Elles seront là pour dire aux autres personnes présentes : «ce soir on va vivre notre homosexualité de façon normale».» explique Samir Bargachi. KifKif s’attend à une «large» présence au Sala Cafe club, «sans doute une centaine, parce que ce n’est pas évident pour tout le monde de se déplacer à Sebta. Les années précédentes nous étions des centaines».