Les premières réunions de configuration du projet du musée de l’Histoire de France seraient en cours, en ce début d’année scolaire 2011-2012, selon un enseignant-chercheur ayant souhaité rester anonyme. Le projet a été lancé, le 13 janvier 2009, par Nicolas Sarkozy. Le même président de la République française qui avait refusé, le 10 octobre 2007, de participer à l’inauguration de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (CNHI).
«Le Figaro Magazine a publié un article [le 27 août] intitulé Collège : l’histoire de France assassinée, c’est un peu désolant», soupire Suzanne Citron, historienne et membre du groupe Aggiornamento. Dans cet article, le journaliste regrette la disparition, cette année, de Clovis des programmes du collège. «Raison invoquée par l’Education nationale : il faut consacrer du temps, entre la sixième et la cinquième, à l’enseignement des civilisations extra-européennes», un choix inconcevable pour le journaliste et pour Dimitri Casali auteur de «Altermanuel d’histoire de France» (Perrin, août 2011).
Immigration : histoire française ou étrangère ?
«Depuis 2008, nous connaissons une régression ethno-centrée de la vision de l’histoire avec le sarkozysme», estime Suzanne Citron. Pourtant, depuis 1988 et la publication de l’ouvrage de Gérard Noiriel, pionnier de l’histoire de l’immigration, «Le creuset français», la recherche en histoire a commencé à se pencher sur l’immigration et poussé à intégrer cette dimension aux programmes scolaires.
Les historiens ont remis en cause «le roman national» conçu pour unifier tous les citoyens autour d’une histoire commune de la nation. Ce nouveau positionnement a été appuyé par des pressions venues de la société française où différents groupes ont milité pour que la reconnaissance de leur histoire spécifique. Votée, le 10 mai 2001, la loi Taubira exigeait que l’histoire de l’esclavage s’insère dans les programmes scolaires.
L'immigration intègre les manuels scolaires
En 2006, cette position historiographique a eu gain de cause avec l’une des toutes premières introductions de l’histoire de l’immigration dans le programme en 1ère STG. Depuis, les programmes se sont étoffés. En 2007, la CNHI a aussi ouvert ses portes. «Par des stages dans les IUFM, des journées académiques, une documentation riche, nous essayons de donner aux professeurs un maximum de moyens pour enseigner l’histoire de l’immigration. Nous pouvons aussi les accompagner dans certains projets pédagogiques», explique Peggy Derder, Responsable du département Education à la CNHI.
Un travail de fond qui ne s’avance pas sur la scène publique. «Les enseignants que nous rencontrons viennent avec leurs propres interrogations, ils se demandent, notamment, pourquoi la Cité de l’immigration n’intervient pas dans les débats sur l’identité nationale», note Christiane Audran-Delhez, professeur-relais pour l’Académie de Versailles auprès de la CNHI. Selon elle, la Cité est encore jeune et son silence relève d’une certaine timidité.
Les tentatives pour contester ces changements historiographiques ont provoqué des réactions parmi les historiens. Le groupe Aggiornamento et le Comité de vigilance pour les usages publics de l’histoire regroupent des historiens et professeurs qui militent pour une vision de l’enseignement de l’histoire moins ethno-centrée, moins nationaliste et qui ne porterait aucun jugement moral.
Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°10