Le décor du film «Les Hommes Libres», est celui de Paris, sous occupation nazie en 1942. Ismael Ferroukhi y raconte l’histoire d’un immigré algérien, Younès, arrêté par la police française, et chargé d’espionner pour son compte, la Mosquée de Paris. Kaddour Ben Ghabrit, recteur était alors suspecté de délivrer de faux papiers à des juifs.
Dans sa mission d’infiltration, Younès rencontre Salim (Salim Hilali) un chanteur, lui aussi d’origine algérienne. Younès se lie d’amitié avec l’artiste, et découvre un terrible secret à son sujet. Salim, s’appelle en fait Simon. Un cruel dilemme s’impose alors à Younès, obligé de choisir entre son amitié et sa mission. Il décide alors d’arrêter sa collaboration avec la police, et de se ranger du côté des combattants de la liberté.
Querelles d’historiens
Sorti au cinéma le 28 septembre dernier, le film a depuis lors, déclenché une vive polémique entre les historiens. Ces derniers s’affrontent depuis quelques jours par tribunes interposées, sur le site d’information Rue89. Michel Renard, a lancé les premières attaques, dans une critique publiée le 1er octobre, dans laquelle il estime que «"Les Hommes libres" d'Ismël Ferroukhi est sympathique mais entretient des rapports assez lointains avec la vérité historique». Sa tribune, intitulée «Résistance à la Mosquée de Paris : Histoire ou fiction ?», se base sur le rôle joué par le lieu de culte, et son recteur, Kaddour Ben Ghabrit , dans le soutien apportés aux juifs de Paris, au temps de l’occupation.
Benjamin Stora, qui a été sollicité par Ismael Ferroukhi en tant que conseiller historique lors de la réalisation, a vivement réagi à ces attaques. Il a ainsi, rétorqué que «La critique historique de Michel Renard de cette œuvre est infondée». Il a poursuivi «Les sauvetages sont le produit de rencontres et pas de plans idéologiques pré-établis. Si le film n'évoque que le sort d'un résistant algérien, de l'amitié entre un jeune immigré et un chanteur juif sauvé par la mosquée (tous ces personnages sont bien réels), alors pourquoi cet article si virulent contre un film qui montre des gestes d'humanité ?». Il a rappelé au passage que le personnage central du film était Salim (et non le recteur Kaddour Ben Ghabrit).
Un film sur l'ingratitude des juifs vis à vis des musulmans ?
Rebondissant sur la critique de Michel Renard, Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire contemporaine, a ramené la polémique à la délicate affaire du conflit israélo-palestinien. Pour lui, Ismael Ferroukhi et Benjamin Stora, essaieraient de faire passer les juifs pour ces ingrats qui refusent de reconnaitre un Etat palestinien, alors que des musulmans ont risqué leur vie pour sauver la leur, alors qu’ils étaient persécutés par les nazis. Voici ses propos : «Une autre conclusion, lourde de menaces, pourrait en être tirée, au moment même où l'Autorité palestinienne s'efforce de faire reconnaître l'existence d'un Etat palestinien contre la volonté d'Israël : les juifs sont décidément bien ingrats vis-à-vis des musulmans qui ont tant fait et pris tant de risques, sous l'Occupation, pour les sauver de la barbarie nazie.»
Pour Pierre Haski, journaliste et cofondateur du site Rue89, l’argumentation de Daniel Lefeuvre est «dérisoire». En effet, pourquoi extrapoler d’une telle manière, le message d’une œuvre qui veut montrer que musulmans et juifs peuvent s’entendre ?
Bande annonce "Les Hommes Libres"