Le salon MaroCuir s'est tenu de mercredi 28 septembre à samedi 1er octobre, à Casablanca, à l'Office des expositions. Face à la concurrence et à la hausse des prix qui touchent le secteur du cuir dans le monde, les professionnels marocains tentent de se diversifier pour plaire à une clientèle haut de gamme, que ce soit au Maroc où à l’international.
L'autruche el dorado du cuir
Pour attirer cette clientèle dans ses filets, les professionnels travaillent sur des peaux d’animaux beaucoup plus rares et plus nobles comme par exemple la peau d’autruche. «La production d'autruche, c’est tout nouveau au Maroc», explique El Rhali Oudghiri, Directeur Général d’une tannerie à Fès.«On a principalement deux points d’élevage : un à Témara et un autre dans la route de Settat. Il y a quelques années au Maroc, on ne mangeait pas de viande d’autruche, maintenant on en trouve même dans les supermarchés ou dans les menus des restaurants. Mais ça reste encore trop cher. Le kilo de viande d’autruche coûte aujourd’hui entre 150 à 200 dirhams. Ce qui marche le mieux c’est le cuir de mouton, d’agneau, de vachette ou de chèvre».
Avec un cheptel de 30 millions de moutons, les professionnels marocains ont beaucoup de matière première. A titre de comparaison, une peau de mouton coûte 150 dirhams alors qu’une peau d’autruche vaut entre 4500 à 5000 dirhams.
Le chameau craint pour sa peau
D’autres tanneurs se lancent également dans l’exploitation d’autres peaux comme celles du chameau. C’est ce qu’explique Yassir Zakraoui, directeur commercial d’une tannerie casablancaise. Pour trouver ces peaux, l’entreprise se tourne vers la Mauritanie, un pays qui consomme beaucoup plus de chameaux que le Maroc.
«Au Maroc, ça a du mal à décoller parce que les peaux de chameau sont plus petites que celles de la vachette par exemple. De plus, au Maroc il n’y a pas d’abattoirs de chameaux comme en Mauritanie. On ne sait pas quel circuit l’animal va emprunter, contrairement au mouton ou à la vachette qui sont soumis à des contrôles beaucoup plus rigoureux». Pour une peau de chameau, il faut compter entre 450 à 500 dirhams, ce qui est l’équivalent du prix d’une peau de veau.
Une industrie à restructurer
Yassir Zakraoui insiste également sur le fait que le secteur connait actuellement plusieurs grandes difficultés auxquelles le Maroc doit faire face rapidement. La première c’est la pollution. «Ca c’est le plus gros problème que vit actuellement la tannerie au Maroc. Ca fait 15 ans qu’on attend des stations d’épurations à Fès ou à Settat», lance-t-il. Contrairement aux tanneries traditionnelles, les tanneries modernes sont extrêmement polluantes car elles utilisent des produits chimiques comme du chrome, du sulfure, du sulfate ou de l’acide formique. Ainsi au lieu d’attendre presque deux mois avant que les peaux soient tannées, avec les produits chimiques, une peau est prête en deux ou trois jours. Mais la productivité a un coût sur l’environnement puisque ces produits chimiques peuvent se déverser dans les rivières ou les fleuves avoisinants.
Ensuite, la seconde difficulté, selon Yassir Zakraoui, c’est l’absence d’une centrale d’achat de peaux, comme ça peut être le cas en Espagne ou en Italie, une centrale qui permettrait de mieux contrôler la qualité des peaux. Selon Zakraoui, cette centrale permettrait à l’acheteur de ne pas acheter à l’aveuglette et d’éviter de se retrouver avec des imperfections et des marques sur la peau. «Un tanneur doit faire face à une clientèle de plus en plus exigeante. Pour un client, une peau c’est une peau ! Il ne comprend pas qu’une peau peut avoir des cicatrices, que c’est naturelle comme la peau de l’homme, malheureusement il n’y a pas de botox pour lutter contre ces petits défauts», conclut-il avec sourire.