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Grand Angle

TGV : Le Maroc s'offre un cadeau empoisonné [Edito]

Aujourd’hui, jeudi 29 septembre 2011, est un grand jour. En tant que franco-marocain, mes deux chefs d’Etat à savoir le président Nicolas Sarkozy pour lequel je n’ai pas voté en 2007, et le roi Mohammed VI pour lequel je n’ai pas non plus voté mais ça c’est une autre histoire, vont inaugurer le premier train à grande vitesse marocain. Si Nador a attendu plusieurs décennies pour avoir un modeste train, c’est à grande vitesse que Tanger et Casablanca entreront dans la modernité fin 2015. 

Publié
Mohamed VI et Nicolas Sarkozy (Archives - DR)
Temps de lecture: 4'

Aujourd’hui, le Maroc va faire un bond dans le 3ème millénaire, un saut vertigineux qui permettra à nos trains poussifs de doubler, voire tripler la vitesse de pointe grâce au TGV. Même si cet exploit n’est pas le fruit de nos ingénieurs et de notre industrie, nous serons le premier pays africain et arabe à se doter d’un train à grande vitesse. Pour un pays aux modestes moyens (excepté la Mauritanie, notre PIB par habitant est le plus faible d’Afrique du Nord), le choix a du être compliqué pour décider d’investir 33 milliards de dirhams (3 milliards d’euros) pour se payer cette coquetterie.

29 septembre, date de la fête du TGV au Maroc

Oui coquetterie car la question que tout le monde se pose est la suivante : quelle clientèle pourra se permettre de se payer un ticket Tanger-Casablanca en TGV ? Alors qu’aujourd’hui un aller simple pour ce trajet en train coûte 125 DH la place en deuxième classe. A combien devra s’élever le ticket pour que le TGV soit rentable ?  Le ministre de l’Equipement et du Transport, Karim Ghellab assure dans une interview publiée aujourd’hui dans le quotidien l’Economiste, que le prix du TGV «sera un peu plus cher que le train actuel». Admettons ! Même en fixant un prix moyen de 200 DH  avec les 6 à 8 millions de voyageurs annuels escomptés on se retrouverait avec un chiffre d’affaire de 1,2 à 1,6 milliards de dirhams. Pour amortir seulement le coût initial de ce TGV (rames et rails), il nous faudrait plus de 30 ans !  Comment alors donner de la crédibilité au 8,5% de taux de rentabilité avancé par le ministre ?

Si la France dont le revenu médian des foyers s’élève à 2400€ n’a pas réussi à rentabiliser son TGV, comment allons-nous réaliser cet exploit au Maroc avec un revenu médian de 3 500 DH (soit 320€) ?

Un TGV pour Michlifen ?

Mais parler de 33 milliards de dirhams n’est pas très significatif. Pour vous rendre compte de l’ampleur de l’investissement, il faut savoir que cela représente plus du double du budget de l’ensemble de toutes les autoroutes en chantier ou en projet d’ici 2015 (14 milliards de DH). Ce qui signifie qu’en lieu et place du TGV nous aurions pu tripler nos projets autoroutiers d’ici 2015. Ainsi Fès aurait pu être reliée à Tanger, Safi à Essaouira, Agadir à Laâyoune ! Et si l’ONCF ne veut pas voir son budget profiter à ADM, il peut très bien déployer les lignes de chemin de fer pour relier plus de villes avec le fameux Train National Rapide (TNR). Agadir attend toujours sa ligne de chemin de fer depuis 1970. Mais les habitants de la capitale du Souss ayant patienté 40 ans, peuvent bien attendre encore 25 ans, puisque le TGV ne devrait arriver chez eux qu’en 2035. A l’ONCF on a le sens des priorités et on sait rester cohérent. Un peu comme pour l’hôtel le Michlifen appartenant à l’office. Il est tout de même cocasse de voir sur le site de l’ONCF une publicité pour son hôtel de luxe situé à Ifrane, alors que cette ville n’est même pas reliée par le rail. C’est comme si Atlas Hospitality (filiale de la RAM) ouvrait un hôtel dans la ville de Taounate ou Chefchaouen, qui ne possèdent pas d’aéroport.

2015 : Quand l’avion rame face au TGV

L’ONCF et la RAM risquent d’ailleurs de s’affronter sur un autre terrain que l’hôtellerie. En France, la SNCF est directement en concurrence avec Air France sur les liaisons entre les grandes villes. Elle profite de son avantage qui réside dans la connexion centre ville à centre ville comme par exemple Paris-Marseille. L’avion doit se contenter d’aéroport très éloignés du centre ville ce qui le rend moins pratique.

Au Maroc, il n’est un secret pour personne que la RAM est en très grande difficulté. La compagnie est en train de mettre en place un douloureux plan de restructuration et l’Etat est appelé à mettre la main à votre la poche. Plus grave, RAM Express la filiale pour les vols intérieurs a été mise en place en 2009 afin justement de relier les différentes grandes villes marocaines au hub de Casablanca. Que deviendra dans 4 ans la liaison Casablanca-Tanger qui est déjà déficitaire ? Si l’ouverture des liaisons autoroutières récentes (Agadir, Oujda) a rendu l’avion moins attrayant, il est fort à parier que le TGV signe la fin des ambitions de RAM Express. Car en plus de la liaison directe Tanger-Casa, le TGV a l’avantage de pouvoir s’arrêter pour desservir plusieurs grandes gares comme Kenitra ou Rabat.

Ni vainqueurs, ni… que des vaincus !

Mais la victoire du TGV ne serait qu’une victoire à la Pyrrhus. En plus de mettre en difficulté la RAM (quoiqu'elle n’ait pas vraiment eu besoin de l’ONCF), le TGV restera difficile à rentabiliser. En Europe, seuls les riches pays de l’Ouest possèdent des lignes à grande vitesse. Tous les pays de l’Est, y compris la Pologne bien plus riche que nous, ont fait l’impasse sur cette coquetterie.  Car il y a un paramètre incontournable pour ce type de transport : le volume de passagers. Autant dire que la population marocaine, couplé à son faible pouvoir d’achat risque de peser sur les prévisions optimistes du ministre. Et si il y a bien une chose qui caractérise le Marocain moyen c’est qu’il a tout son temps. Il suffit de voir les terrasses de café et ce, quelque soit le moment de la journée, pour comprendre la difficulté pour un Marocain de payer plus cher pour gagner 2 heures. Aujourd’hui déjà, le train classique est concurrencé par les autocars légèrement moins chers. Demain, sans prix du ticket subventionné, une grande partie de la clientèle actuelle de l’ONCF se reportera sur l’autocar. L’Etat n’a donc pas le choix puisque la ligne TGV devrait mettre fin à la ligne de train classique entre Tanger et Kenitra.

La farine ou le TGV, il faudra choisir

Et oui, souriez chers Marocains, après la farine, le sucre, le gaz et le carburant, on vient de rajouter le TGV comme nouveau produit subventionné par la caisse de compensation. Et en 2020, nos technocrates devront réfléchir sur le moyen de limiter les dépenses liées à la caisse de compensation devenues insoutenables. Il s’agira alors d’arbitrer pour l’éviction de la farine ou du sucre du panier des produits subventionnés, car entre temps, le TGV sera devenu un produit de première nécessité. Vous pensez que je délire ? Pourtant il y a quelques années nous avons bien eu droit à la sortie de l’huile pour préservez la subvention aux produits pétroliers.

ESt ce une priorité
Auteur : magribyo
Date : le 03 octobre 2011 à 12h31
Il y a d' autres choses a développer , les routes, l' enseignement, le service médicale etc... ce n'est pas une bonne chose pour le Maroc l' avenir nous le confirmera !
Hors Sujet
Auteur : webmaster
Date : le 03 octobre 2011 à 12h15
Abdo447 vous passez sur du hors sujet.
La caisse de compensation c'est une autre histoire. Veuillez ouvrir une discussion sur notre forum si vous souhaitez en débattre.

Merci de revenir sur le sujet de l'article : le projet de TGV.

caisse de compensation = ARNAQUE!
Auteur : abdo447
Date : le 03 octobre 2011 à 11h51
la caisse de compensation ne profite qu'au RICHES au MAROC!

Vous avez suivez le Dossier des Industriels du SUCRE qui touche des Subventions et Exportent leur Produits ???!!!!

Pouvez-Vous m'expliquer comme une BOUTEILLE de L'huile de TABLE Subventionnée est commercialisée à 17DHS ( 1.60€ ) alors qu'en FRANCE sans être subventionné elle est à 1.20€ ???!!!!

LE Rôle de la Caisse de Compensation c'est UNIQUEMENT de Protéger les MONOPOLES au MAROC.
Car il suffit d'ouvrir le marché des Produits Subventionné pour Voir leur PRIX S'effondrer. et Comme ça on économisera le RaCKKETTE de 4 Milliards € annuel!!
Rentabilité car le déficit sera pour tous les Marocains
Auteur : webmaster
Date : le 03 octobre 2011 à 11h38
Abdo447, certes l'ONCF est une entreprise publique comme la RAM. Mais si le projet de TGV passe par pertes et profits, c'est le contribuable qui paie. Donc quand on parle de rentabilité ce n'est pas pour gagner de l'argent, filer des dividendes aux actionnaires, mais pouvoir rembourser les crédits, et assurer la maintenance du projet dans 10, 20 ou 30 ans.
A moins que vous acceptiez de voir le DG de l'ONCF venir devant le gouvernement pour expliquer que le projet de TGV qu'il n'a pas choisi n'est pas rentable et qu'il lui faut quelques milliards pour pouvoir le maintenir. :)

Pour la caisse de compensation, elle bénéficie indistinctement aux pauvres comme aux riches. Le pauvre marocain a ainsi du pain, du sucre, du gaz subventionné. (L'huile n'est plus subventionnée)
40 milliards de DH ne concerne pas intégralement le carburant. Et le carburant ne va pas intégralement dans les 4x4 des classes aisées.
Mais c'est effectivement le principal problème budgétaire à régler au Maroc, et nous avons publié de nombreux articles à ce sujet. Sauf que c'est délicat car il faut trouver le moyen de ne plus subventionner autant l'essence, le gaz, .... tout en maintenant un soutien financier aux classes modestes et moyennes et sans créer d'emballement.
J'avais même eu l'occasion de publier un article proposant une solution pour faire payer les véhicules consommateurs de carburants qui profitait le plus de la subvention de l'essence :
http://www.yabiladi.com/articles/details/3531/maroc-mesures-pour-dynamiser-marche.html




Débat à bâtons rompus :)
Auteur : webmaster
Date : le 03 octobre 2011 à 11h26
Bonjour Berhoc,

1. Le TGV chinois n'est rentable ni la première, ni la deuxième année. Il ne permet même pas de payer les frais de fonctionnent, maintenance,...
Il faut plus de 30 millions de passagers pour arriver au point mort et 40 millions de passagers par an pour rembourser l'investissement de départ.

2. Si le TGV chinois doit (et peut) doubler le nombre de passagers, comprenez qu'au Maroc passer de 8 à 12 ou à 16 millions de passagers, c'est mission impossible. On n'a pas un réservoir de population classe moyenne ou classe supérieure aussi vaste que la Chine.
Vous voyez bien que même en prenant les chiffres les plus optimistes 8 millions de passagers, et un prix du billet de 200DH (au lieu de 125 DH aujourd'hui), on arrive à peine au CA de la première année du TGV chinois qui lui est un chiffre réel et non une prévision. Et ce CA ne permet même pas de payer les frais de fonctionnement, la maintenance, ....

3. Sur le coût du TGV, le ministre joue au chat et à la souris. Au départ, 20 Md de DH, puis on annonce une augmentation du budget. Aujourd'hui on reparle de 20 Md de DH alors que la presse française et une partie de la presse marocaine cite 3 milliards d'Euro. http://www.lefigaro.fr/societes/2011/09/29/04015-20110929ARTFIG00557-nicolas-sarkozy-va-lancer-les-travaux-du-tgv-marocain.php
Quoiqu'il en soit c'est ridicule de la part du ministre de citer 20 milliards de DH alors qu'il y a au bas mot comme vous le citiez plus de 26 milliards de DH programmés. (Chiffres ONCF)

Et encore ce n'est qu'un coût estimé. Les dérapages dans ce genre de projets sont fréquents. Le TGV chinois a par exemple était prévu avec un coût moindre au départ pour finir à environ 2 milliards d'euro.

4. Le don ne concerne que la France : environ 1 milliard de DH de mémoire.
Les 4,8 milliards de DH ne sont pas des fonds propres de l'ONCF mais un financement de l'Etat. Mais ce n'est pas le plus important, c'est pourquoi je n'insiste pas sur les conditions de financement. L'ensemble du prêt reste à des conditions avantageuses (notamment la France).

5. Vous voyez Berhoc, on a poussé nos arguments jusqu'au bout dans le cadre d'un débat honnête et sérieux. On aurait aimé voir ce même débat à la télévision entre les anti et les pro projet TGV.
Mon but n'est pas de dénigrer les grands projets d'infrastructures qui sont essentiels au développement du Maroc mais de faire un arbitrage judicieux en fonction de nos moyens et de nos priorités.
Beaucoup encensait le projet d'achat d'avion Rafale alors que c'était suicidaire pour un pays comme le Maroc. Finalement on est revenu sur quelque chose de plus cohérent : avions F16 block 50/52.
Le TGV n'est pas rentable pour un petit pays comme le Maroc où le nombre de passagers disposés à se payer le TGV pour gagner 2 h de trajet reste modeste.
Le TGV est un choix politique pour rattraper l'affront fait à la France sur les Rafale.
Là où je tic, c'est quand le ministre de l'Equipement et du Transport essaye de justifier la rentabilité du projet sans même donner les chiffres estimés (normalement il a déjà ces données en main) et en se contentant de dire que ca fera moins de pollution et moins de morts sur les routes.
Si c'est les même projections que celles faites pour le nouveau Code de la route, le réveil risque d'être douloureux.
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