«L’argent des Marocains [de la diaspora, ndlr] n’a pas fait le bonheur de tout le monde, […] on veut du savoir-faire, des compétences». L’intervention de Brahim Safini, président de la commune rurale d’Arbaa Sahel et associatif de la région résume les nouveaux besoins qui sont ressortis lors de la rencontre préparatoire pour le Forum global pour la migration et le développement qui se tiendra le 1er et le 2 décembre prochains en Suisse.
Compétences et savoir-faire
«Quand on a fait le diagnostic de ce qui manque dans un village, tout le monde veut contribuer à faire des petites routes, des classes… Personne n’a l’audace de penser un projet sur le long terme» tonne Brahim Safini qui poursuit : «Les populations d’aujourd’hui ne sont plus celles d’il y a 10 ans, les besoins ne sont plus les mêmes». Même son de cloche chez Hicham Fathallah, délégué provincial de l’Entraide Nationale. «Les migrants sont toujours considérés comme des donateurs […] Aujourd’hui, nous voulons qu’ils soient acteurs dans le développement de leur région […] Nous avons assez de fonds depuis le lancement de l’INDH (en 2005, ndlr), mais nous avons besoin d’expertise». Responsabiliser les migrants et les impliquer personnellement dans le développement de leur région d’origine : voici le mot d’ordre de cette rencontre.
Une influence culturelle et citoyenne
Hormis les compétences acquises dans le pays d’accueil, ces immigrés qui se rendent à leur village peuvent «apprendre aux gens la citoyenneté». «Les migrants sont parmi les familles les plus aisées et donc les plus écoutées dans le village. Leur influence culturelle est très importante […] notamment concernant la scolarisation des filles, et le traitement réservé à la femme par son mari et sa place dans le foyer» souligne Mohamed Moustaghfir, membre du Conseil économique et social. «Les immigrés par leur manière d’agir doivent être un modèle pour les autres» explique Allal Achaba, professeur à l’ENCG d’Agadir qui poursuit «On parle de développement économique, de développement global, mais certaines régions restent encore totalement enclavées», et donc hermétiques au changement social et culturel, et le retour de migrants investisseurs reste restreint dans ces conditions. Jacques Ould Aoudia, président de l’association Migrations et Développement qui œuvre dans la région depuis 26 ans, le confirme. «Nous ne pouvons pas forcer les migrants au retour. Nous ne pouvons pas les inciter non plus, ce n’est pas notre rôle. Notre rôle est d’aider ceux qui le souhaitent» explique-t-il.
Et pour les aider, un grand nombre de projets a été présenté par différents élus locaux présents à cette rencontre. Beaucoup de bonne volonté se dégage des interventions, et même un horizon fixé à 2025, axé sur l’éducation et la solidarité. «C’est difficile de faire des projets de développement sur tant d’années. Le contexte politique et social est changeant. Les besoins d’ici là ne seront sans doute plus les mêmes», objecte Mohamed Moustaghfir qui voit en cet énième horizon lointain la plus grande faille du projet.