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Grand Angle

Negafa : De Paris à Casablanca, un métier en pleine évolution [Magazine]

Qui a dit que les mariages ne se fêtaient qu début de l'été ? Le mythique Moussem des fiançailles d’Imilchil, qui rassemble de jeunes couples des tribus du Haut Atlas pour se marier, aura lieu cette année du 15 au 17 septembre. Suivi du moussem des fiancailles des Ait Haddidou du 16 au 25 septembre. A près les fiancailles viennent les mariages et au cœur de tout mariage marocain se tient la negafa. De Paris à Casablanca, le travail des negafas suit les mêmes évolutions : celles de la société marocaine.

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«Avant, c'était la mère qui me contactait pour que je m'occupe de sa fille, commence Nadya, negafa marocaine à Paris, car à l'époque c'était essentiellement les parents qui finançaient son mariage.» De l'autre côté de la Méditerranée, à Casablanca, quartier Bourgogne, la negafa Nadia, avec un «i», cette fois, fait le même constat : «les fu-tures mariées viennent toujours nous voir avec leur maman, mais elles font elles-mêmes leurs choix.» En France et au Maroc, les mariages marocains - et par la même le travail des negafas - connaissent des évo¬lutions similaires, parallèles aux changements que connaissent les femmes au sein de la société marocaine.

Pour choisir leur negafa, les femmes font jouer leur ré¬seau. «Certaines mères me re¬contactent. Elles ont apprécié ce que j'avais fait avec la première de leur fille qui s'était marié et veulent me confier la seconde», explique Nadya. Cependant, leur rôle se réduit rapidement. «Les parents intervenaient plus par le passé parce qu'ils finançaient le mariage. C'est moins le cas au¬jourd'hui», continue Nadya.

Cette liberté nouvelle pour les futures mariées crée des difficul¬tés supplémentaires aux nega- fas. «Elles viennent 3 ou 4 mois avant la date de leur mariage pour tout choisir : caftans, bi¬joux, accessoires du henné. Une semaine avant le mariage, elles reviennent à nouveau, puis c'est tous les jours : elles hésitent, veulent essayer d'autres caf¬tans... Elles n'ont pas confiance en elles», soupire Nora, assis¬tante et cousine de Nadia Rbatia. Auparavant, la mère faisait arbi¬trairement tous les choix pour sa fille et c'en était fini.

En France, la mixité croissante des ma­riages vient encore retirer à l'influence des parents de la mariée. «Les parents interviennent moins dans les mariages mixtes - souvent avec des Algériens, des Pakistanais, des Français - que dans les mariages 100% marocains», souligne Nadya. La mixité est souvent une source de conflit. Il faut beaucoup de subtilité de la part des futurs mariés pour ne léser personne. «Par exemple, les Algériens font la cérémonie du henné après le mariage quand les Marocains la font avant. En Algérie, il n'y a pas de negafa, même si la mode se développe, et la mariée porte beaucoup moins de robes qu'au Maroc», détaille Nadya.

Dans tous ces cas, les mariages s'occi­dentalisent peu, sauf si l'un des mariés est seulement Français. «Les mariées souhaiteraient que ce soit beaucoup plus le cas, mais les parents servent de garde-fou», explique Nadya. Pour elle, le rôle d'une negafa est aussi d'être garante de la tradition, «parfois les mariées ne connaissent pas précisément les diffé­rentes étapes du mariage. Nous sommes là pour les guider dans le respect de la tra­dition», explique la negafa.

Conserver les traditions, mais ne pas res­ter vieux jeu. A Paris, comme à Casablan­ca, les negafas doivent rester à l'affût des nouvelles tendances. «J'achète de nou­veaux caftans pour les mariées tous les 4 mois, et, pour les femmes qui l'accom­pagnent, c'est tous les mois que j'apporte de nouvelles pièces à ma collection», as­sure Nadia. «Avant, les mariées devaient obligatoirement entrer en blanc, à présent, elles peuvent choisir n'importe quelle cou­leur», constate Nora.

Les traditions associées aux grands ma­riages marocains évoluent aussi pour des questions de coût. «En principe la cérémo­nie du henné se fait la veille du mariage, mais certaines choisissent de concentrer tous les évènements du mariage le même jour», explique Nadia. «La cérémonie du 7° jour après le mariage se perd», pour­suit Nadya. Après 14 ans d'exercice, Nadia Rbatia compte une quarantaine de caftans car désormais les mariées ne portent plus leurs propres caftans. Nora explique, «comme les femmes qui les accompagnent, elles louent les caftans de leur mariage à la negafa. Ça nous coûte cher !»

Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Magn°9

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