En France, le projet de loi asile et immigration irrite jusque dans les rangs de l’administration. A la réticence des acteurs associatifs, se greffe désormais celle de la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté (CGLPL), Adeline Hazan.
Elle qui avait déjà fait part de ses observations dans son rapport annuel sur les lieux de privation de liberté, dont les centres de rétention administrative (CRA), s’en retourne à la présidente de la commission des lois, la députée LREM Yaël Braun-Pivet, d’après Libération. Adeline Hazan lui a ainsi adressé un courrier, en date du 26 mars, dans lequel elle appelle les députés à ne pas augmenter la durée maximale de la rétention, à quelques semaines de l’amendement et du vote du projet de loi asile et immigration, présenté le 21 février dernier par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb.
Certains axes crispent la Contrôleure (et la société civile), notamment le délai de détention dans les CRA, aujourd’hui de 45 jours, mais qui pourrait s’étendre à 90 jours, voire 135 si «obstruction».
L’interdiction de mineurs en rétention rejetée
Les centres de rétention administrative accueillent, «sur volonté de la préfecture puis sous le contrôle d’un juge, les personnes en situation irrégulière à qui l’on a demandé de partir de France quand on estime qu’elles risquent de disparaître dans la nature plutôt que de quitter le territoire», rappelle Libération.
Adeline Hazan appelle également à rompre avec une pratique de plus en plus répandue : la rétention des enfants, en l’occurrence ceux qui accompagnent leurs parents. Les mineurs isolés ne peuvent pourtant pas être envoyés dans les CRA.
«En 2017, la France a enfermé, pour la seule métropole, 275 enfants dont de nombreux nourrissons, soit presque autant que durant les années 2012, 2013, 2014 et 2015 réunies», d’après le Défenseur des droits Jacques Toubon, cité par le quotidien. En 2016, ils ont été plus de 4 000 à Mayotte. Un chiffre qui pourrait être amené à augmenter, les députés ayant rejeté mercredi 4 avril l’interdiction de mineurs en rétention.
Une large frange de l’échiquier politique avait pourtant déposé des amendements, dont les Insoumis, les communistes et les socialistes, mais aussi des députés du MoDem et de LREM. Tous ont été rejetés «à l’issue d’une longue discussion en présence du ministre».
Pas d’accès à l’eau potable
Les autorités françaises semblent par ailleurs accumuler les lacunes sur le volet migratoire. Mercredi 4 avril, les Nations unies ont publié un long communiqué, «[exhortant] la France à mettre en œuvre des mesures effectives pour fournir aux migrants l’accès à l’eau et aux services d’assainissement». Dans le nord du pays, à Calais, Grande-Synthe, Tatinghem et Dieppe, entre autres, ces derniers sont en effet soumis à des conditions d’accueil particulièrement rudes.
«Selon les estimations, jusqu’à 900 migrants et demandeurs d’asile à Calais, 350 à Grande-Synthe, et un nombre inconnu dans d’autres régions de la côte nord de la France vivent actuellement sans accès à des abris d’urgence convenables et sans accès régulier à l’eau potable, aux toilettes et aux installations sanitaires», soulignent les experts de l’ONU.
Léo Heller, le Rapporteur spécial sur les droits à l’eau potable et à l’assainissement auprès de l’ONU, précise que «les migrants et les demandeurs d’asile situés le long de la côte du nord de la France et ceux qui ne peuvent pas être accueillis dans le gymnase de Grande-Synthe vivent une situation inhumaine. Ils logent dans des tentes, sans toilettes, et se lavent dans des eaux polluées d’une rivière ou d’un lac».
«Des efforts ont été faits, mais ils ne sont pas suffisants. Je suis préoccupé que pour chaque pas en avant, nous en faisons deux en arrière. La situation le long de la côte nord de la France est emblématique du besoin d’attention accrue des autorités nationales et internationales à cet égard», a insisté Léo Heller.