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Grand Angle

Maroc : L’état du patrimoine historique, reflet de notre inculture [Edito]

L’histoire est un grand présent, et pas seulement un passé, écrivait Alain.

Publié
Voilier antique gravé sur le site d’Azrou Iklane / Ph. Michel Aymerich
Temps de lecture: 2'

Coincé entre désert et mers, comprimé par l’Atlas et le Rif, le Maroc est une terre bénie. Un étroit corridor qui a vu passer des populations aux origines les plus diverses, chacunes lèguant au fil des millénaires un patrimoine inestimable. Des gravures rupestres dans le sud du Maroc, aux imposants monuments hérités des différentes dynasties ayant gouverné dans le pays, en passant par les marabouts, les mosquées, ou les bibliothèques de manuscrits, à chaque période, nos aïeux nous ont légué un témoignage de leur passage, comme une pièce de notre puzzle civilisationnel.

Mais, sommes-nous à la hauteur de cet héritage ? Qu’avons-nous fait des richesses qui ont traversé les siècles ? Si le patrimoine historique nous permet de raconter le temps passé, le peu de soin que nous accordons collectivement à sa préservation en dit beaucoup sur nous et sur notre présent. Amnésie, matérialisme primaire, inculture, consumérisme, autant de maux qui finiront par consumer ce qui subsiste difficilement après des décennies de destruction.

Les éboueurs du patrimoine

Pillages, sites transformés en dépotoirs, prédation immobilière, irresponsabilité de nos responsables censés prendre soin des biens communs, tout concourt pour faire de notre patrimoine une espèce en voie de disparition. Lors de ma dernière visite de la Koutoubia à Marrakech, une fosse historique était devenue une poubelle, en plein coeur de la cité ocre.

El gour, mausolée amazigh du VIIe siècle dans la région de Meknès, après avoir été pillé, est laissé à l’abandon alors même qu’il a été inscrit dans la liste indicative de l’Unesco en 1995 par les autorités marocaines.

Que dire du site archéologique Ahl Loughlam transformé en décharge publique à la lisière de Casablanca, gourmande capitale économique incapable de prendre soin de ses racines historiques issues de la préhistoire, ou culturelles avec son patrimoine architectural en ruine.

Vue de la porte volée qui protégeait des restes de fossiles. / Ph. A. MohibVue de la porte volée qui protégeait des restes de fossiles à Ahl Loughlam. / Ph. A. Mohib

Hasard du calendrier, notre billet #Nomad consacré au site Ahl Loughlam a été publié en même temps que l’annonce par le ministère de la Culture de l’extension de la liste du patrimoine culturel à de nouveaux sites historiques.

Mesure de protection louable tant l’actualité récente regorge de ventes aux enchères de squelettes de dinosaures ou de fossiles de trilobites préservés depuis la nuit des temps. Mais une action encore bien loin des enjeux. Le Maroc se voit comme destination touristique de premier plan, alors même que des pans entiers de son héritage qui fondent sa singularité sont en train de disparaitre.

Frileux quand il s’agit de faire de la préservation de ce patrimoine une priorité nationale, nos décideurs regorgent d’idées et de moyens quand du business est en jeu, à coup de Plan Azur et autres assises du tourisme. Si nous sommes incapables de produire autant que ce qu’on nous a légué, au moins pouvons-nous nous distinguer en préservant cet héritage pour les générations futures.

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