Depuis le 22 mai, les manifestations du Mouvement du 20 février ont souvent défrayé la chronique. La presse marocaine a perdu toute sympathie à leur égard. Le quotidien gratuit, Au Fait, le 30 mai, relève que le nombre de manifestants était, la veille, de très loin inférieur aux audiences enregistrées par Mawazine. L’Economiste, le même jour, condamne sans retour «les nostalgiques de Trotski». Le succès du concert de Shakira est, selon la journaliste, la preuve indéniable que tout va bien dans le pays et que les barbus ne sont pas près de gagner.
Les deux journaux font référence aux oppositions, même de faible ampleur, au Mouvement. L’Economiste justifie la dispersion violente des manifestants par l’absence d’autorisation à manifester, puis assure que «la manifestation a pris des allures de fête nationale» quand une marche spontanée pro-régime s’est déclarée. [...] cette fois sous l’oeil bienveillant des policiers». Au Fait commence son article par «Dégagez de notre quartier, personne ne vous a autorisé à parler en notre nom». La pancarte accrochée à Sbata par les habitants du quartier prouverait l’impopularité du Mouvement dans les quartiers populaires. L’éditorialiste de l’Economiste avance des arguments d’ordre économique pour condamner le Mouvement et justifier la violence. Le quotidien du parti de l’Istiqlal, L’Opinion, relaye, la veille de la manifestation du 29, l’appel à un sit-in des «commerçants, artisans, cafetiers et restaurateurs» devant le parlement, qui en auraient «ras-le-bol des sit-in» !
Cependant, au lendemain du match historique du 4 juin qui a opposé le Maroc à l’Algérie, changement de discours pour Au Fait qui condamnait quelques numéros plus tôt ce même Mouvement. «Quoique l’on en pense, que le mouvement du 20 février puisse manifester sans être réprimé est une valeur sûre pour l’avancée vers la démocratie et les libertés individuelles, dont celle d’exprimer ses revendications» Nombre d’autres publications évoquent la récupération du Mouvement par les Adlistes et extrémistes de tout acabit. Selon Aujourd’hui le Maroc (ALM), les violences policières du 22 mai seraient un «frein à la manipulation». ALM assure que les mouvements extrémistes qui gravitent autour du Mouvement du 20, à savoir Al Adl, les salafistes, et les altermondialistes, ont fini par le noyauter.
La théorie de la manipulation fait recette. Le 4 juin Libération, le journal officiel de l’USFP, met en évidence les risques de dérapages du Mouvement qui de plus en plus se fait maitriser par les islamistes et les gauchistes extrémistes. A propos des violences policières, il ajoute «peut-on faire des omelettes sans casser des oeufs ?». Le 8 juin, l’Opinion présente, plus radicalement, le Mouvement du 20 comme «un cheval de Troie» où se dissimulent «des formations politiques d’extrême gauche en mal de popularité et des organisations islamistes radicales aux plans machiavéliques».
Dans un article publié le 9 juin, la rédaction de Goud.ma, composé des journalistes du défunt hebdomadaire arabophone Nichane, s’étend très largement sur les violentes disputes des membres du Mouvement avant de rappeler rapidement, en fin d’article, les décisions prises par le groupe. Plus neutre que ses confrères, la Vie Eco revient, le 30 mai, sur la législation en matière de rassemblements et de sit-in. L’hebdomadaire économique explique qu’ils ne nécessitent pas d’autorisation, mais que les marches sont conditionnées à une déclaration préalable que l’Etat peut refuser, en expliquant le motif. Leur source, au sein du ministère de l’intérieur, assure : «nous ne sommes pas contre le mouvement du 20 Février. Au contraire, nous le considérons comme un phénomène sain dans la société marocaine», mais «la récupération par des mouvements extrémistes inquiète.»
Rachid Niny, directeur de publication du groupe Al Massae s’est longtemps montré très virulent contre le Mouvement du 20, dans ses chroniques. Cependant, la journaliste spécialisée dans la couverture du Mouvement pour le plus grand quotidien arabophone marocain, Al Massae, se limite à rapporter les faits, selon des sources précises, pro-Mouvement du 20 février la plupart du temps. Une exception.
Cet article a été précedemment publié dans Yabiladi Mag n°8