L’exception marocaine dans le «printemps arabe» se conjugue avec l’usage méthodique des matraques. Comme ce fut le cas ce dimanche 15 mai à Temara, dans la périphérie de Rabat. Le Mouvement du 20 février y avait appelé à un «pique-nique» devant les locaux supposés abriter un centre de détention réputé être un haut lieu de torture. Mais c’était sans compter avec le niet des autorités qui ont empêché les manifestants de se rassembler. La répression policière fut sans merci.
Bilan : une quinzaine d’hospitalisation, dont l’un des membres fondateurs du Mouvement du 20 février, Oussama Khlifi, qui souffre d’un traumatisme crânien, 44 personnes arrêtées avant d’être relâchées, des téléphones portables et autres caméras confisquées, indique un communiqué du Mouvement du 20 février. Même les journalistes n’ont pas été épargnés. Au moins quatre d’entre eux, dont le photographe des quotidiens L’Economiste et Assabah, Abdelmajid Bizouat, ont fait les frais de la bavure policière. Poussant le Syndicat nationale de la presse marocaine (SNPM) à dénoncer leur «agression» et à appeler à un sit-in jeudi dans la capitale.
L’Etat a-t-il peur ?
Les autorités, par la voix du porte-parole du gouvernement, Khalid Naciri, justifient l’intervention des forces de l’ordre, en parlant de «marche non autorisée». L’Association marocaine des droits humains condamne «cette intervention violente. C’est illégal car il s’agit d’un lieu public et la manifestation était pacifique». Pour sa présidente, Khadija Ryadi «l’Etat a peur que ce centre soit dévoilé». Un centre dont l’existence est également dénoncée par Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), notamment dans son rapport de 2010. Mais le gouvernement continue de nier son existence.
Inspections
Après son collègue de l’Intérieur devant le Parlement il y a quelques semaines, le ministre de la Communication a lui aussi répété hier à propos de ce centre qu’ «il ne s'agit pas d'un lieu de détention secret, mais d'un siège administratif de la Direction générale de la surveillance du territoire». Khalid Naciri a aussi fait savoir que ce lieu fera prochainement l’objet d’une visite d’inspection du procureur du roi, ainsi que du Conseil national des droits de l’Homme, créé en mars dernier.
Ailleurs dans le royaume, comme à Casablanca, Fès et Tanger, des milliers de personnes étaient de nouveau dans les rues. Dans la capitale économique, entre 15 000 et 50 000 personnes se sont rassemblées en fin d’après-midi dans le quartier populaire de Hay Mohammady, toujours à l’appel du Mouvement du 20 février (section Casablanca).
Un communiqué de la coordination des anciens détenus islamistes faisait état pour sa part, ce dimanche 15 mai, de l’arrestation de plus de 40 personnes à la préfecture de police de Fès, dans le but de les empêcher de venir assister au sit-in de Temara.