Menu

Grand Angle

France : Le parcours du combattant pour construire des mosquées

Qu’elles soient administratives, judiciaires ou financières, nombreuses sont les barrières qui freinent parfois la construction des mosquées en France. Certaines pourraient être progressivement levées, notamment grâce à la transparence des financements, réclamée par le gouvernement.

Publié
Le Maroc est sur le point de prendre les rênes de la construction de la mosquée Othmane pour qu’enfin elle sorte de terre. / DR
Temps de lecture: 3'

A l’été dernier, Christian Estrosi était contraint de s’avouer vaincu : la mosquée En-Nour, dont l'ouverture avait failli être annulée par l’élu niçois, accueillait finalement ses premiers fidèles. En novembre, c’est à Clichy, dans les Hauts-de-Seine, que des musulmans étaient venus battre le pavé pour protester contre le réaménagement de leur mosquée en une médiathèque. Quelques semaines plus tard, les femmes musulmanes de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, apprenaient quant à elles que leur salle de prière n’était désormais plus accessible - le tout sur fond de bataille judiciaire. Enfin, les travaux de la mosquée Othmane de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, entamés il y a une dizaine d’années, sont à l’arrêt depuis plusieurs mois. Lueur d’espoir : le Maroc est sur le point de prendre les rênes de la construction de cet édifice pour qu’enfin il sorte de terre.

La liste, déjà longue, n’a rien d’exhaustif. Plus encore, elle traduit la bataille - judiciaire, administrative ou financière - que se livrent parfois les représentants religieux et les autorités locales pour construire une mosquée ou s’approprier un bâtiment dédié à leur culte. «Dans leur grande majorité, les maires ne dénient plus aux musulmans le droit de posséder des lieux de cultes», tempère France Inter dans un reportage consacré à ce délicat processus - «périlleux», même. «Le constat est assez unanimement partagé, en dehors du Front national, que le nombre de mosquées en France est insuffisant.»

Inclure les populations musulmanes à la vie de la cité

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, le territoire français abritait 2 449 lieux de cultes musulmans en 2012. En moyenne, 150 mosquées ou lieux de cultes musulmans sont construits, rénovés ou agrandis chaque année. Comptez donc 2 700 édifices cultuels musulmans pour environ 3,5 million de pratiquants. A titre de comparaison, les 11 millions de catholiques recensés dans l’Hexagone se partagent 40 000 églises.  

Des aides financières ont bien été allouées ces 30 dernières années à des associations musulmanes pour la construction de lieux cultuels, explique Bernard Godard, expert de l’islam à l’Intérieur entre 1997 et 2014, mais elles se sont souvent heurtées à la sacro-sainte laïcité, si chère à la France. «Certains ont vu dans ces procédés un moyen de contourner la loi de 1905 et qualifié ces aides de ‘détournements’», souligne en effet France Inter. Pour Bernard Godard, il s’agissait avant tout pour ces élus de reconnaître ces populations musulmanes au sein de leurs villes, «de les inclure à la vie de la cité».

Le Maroc se paie Strasbourg et Saint-Etienne

D’autres sources de financement, opaques et manifestement intarissables, ont également fait débat. D’après les derniers chiffres donnés par les Renseignements généraux, 20% de projets de grands lieux de cultes musulmans en France sont financés par des pays étrangers. Pour court-circuiter ces appuis financiers colossaux - auquel le gouvernement est opposé -, Jean-Pierre Chevènement, à la tête de la Fondation des œuvres de l'islam de France, a suggéré la création de deux instances : l’une serait une fondation du patrimoine, sur le modèle de la fondation du patrimoine juif de France créé par le consistoire ; l’autre serait une fondation à vocation cultuelle.

D’autres pays sont déjà intervenus pour lever les obstacles à la construction de certaines mosquées, mais de manière plus transparente et officielle. Le 19 juin 2012, le ministre des Habous et des affaires islamiques Ahmed Taoufiq avait fait le déplacement à Saint-Etienne pour inaugurer la Grande Mosquée Mohammed VI. Sa construction aura nécessité huit années de travaux, auxquels 53 ouvriers qualifiés marocains ont participé, précise Jeune Afrique. Le royaume a apporté une contribution de 700 000 euros (7,5 millions de dirhams).

Trois mois plus tard, le 27 septembre, Ahmed Taoufiq participait à l’inauguration de la Grande Mosquée de Strasbourg, accompagné d’une délégation marocaine. Le Maroc a participé à son financement à hauteur de 3 900 000 euros, soit 37% du budget total.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com