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Grand Angle

Spoliation immobilière au Maroc : Une préoccupation désormais royale selon Mustapha Ramid

Le roi Mohammed VI a adressé une lettre au ministre de la Justice et des libertés quant à la spoliation immobilière. C’est ce qu’a révélé Mustapha Ramid lors d’une rencontre à l’Institut supérieur de la magistrature à Rabat. «Un grand jour» pour le juriste franco-marocain Moussa El Khal, lui qui disait que «seul le roi mettra fin» à la spoliation immobilière. Réaction.

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Le roi Mohammed VI en compagnie notamment du ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid. / MAP
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Ce lundi, le ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid a annoncé, lors d’une rencontre à Rabat, que le roi Mohammed VI lui a adressé une lettre l’exhortant à mettre en place une stratégie urgente pour faire face à la spoliation immobilière et ses mafias au Maroc. Selon Alaoual qui annonce cette information, Mustapha Ramid a partagé, lors de la rencontre organisée au sein de l’Institut supérieur de la magistrature de Rabat, les grandes lignes de la lettre royale. «[La spoliation immobilière], phénomène dangereux, sévit de façon spectaculaire et nécessite une réponse rapide et ferme afin d’éviter ses répercussions négatives sur l’état et l’efficacité de la loi dans le maintien des droits», indique un extrait de la lettre du roi Mohammed VI, repris par le média.

Contacté par Yabiladi, le juriste franco-marocain Moussa El Khal, de l’Association pour le Droit et la Justice au Maroc (ADJM) et assistant de l’avocate Viviane Sonier qui représente les intérêts d’une dizaine de familles spoliées de leur bien au Maroc, s’est dit «avoir la chair de poule» en apprenant l’intervention du roi. «C’est un grand jour pour nous. Le roi a répondu aux attentes des victimes de spoliation», nous déclare-t-il.

Lui qui disait que «seul le roi mettra fin» à la spoliation immobilière, une «mascarade qui n’a que trop durée», souligne qu’il «ne remercierait jamais assez le roi d’avoir pris cette initiative, parce que des milliers de personnes en souffrent». «Je dis bien des milliers de personnes puisque les dossiers trainent pendant de nombreuses et de douloureuses années», martèle-t-il.

Parler des victimes et des dysfonctionnements

Rappelant que l’une des batailles juridiques les plus célèbres est celle dite de San-Victor, étalée sur 65 ans, Moussa El Khal souligne que «pour que le Cabinet royal et sa majesté à sa tête puissent aujourd’hui sonner l’alarme, c’est que nous avons écrit et réécrit depuis six ans». Mais il faut parler des victimes également, estime-t-il.

«Nous sommes dans un pays musulman et en islam, l’héritage est sacré. Et j’ai l’impression qu’au Maroc, il n’y a rien de sacré et l’héritage encore moins, parce que souvent, ce sont des orphelins qui souffrent, des jeunes qui ne savent pas où aller pour trouver leurs droits et souvent c’est aussi des vieux, âgés et malades donc vulnérables. La mafia ne s’attaque pas qu’à eux, mais aussi à tous ceux qui ne peuvent être présents au quotidien pour défendre leurs causes, c’est-à-dire les Marocains résident à l’étranger.»

Le juriste franco-marocain souligne que «la majorité des gens de la justice font un travail énorme et colossal», mais qu’il existe «une minorité de gens de la justice qui ont semé la zizanie et la terreur au sein même des tribunaux». «Si la justice ne règle pas ce problème, rien ne sera fait», avertit-il. Moussa El Khal rappelle aussi qu’il «y a des avocats qui sont impliqués dans ces affaires, qui sont accusés mais qui redeviennent avocats». Et les notaires ? «C’est pareil, ils ne sont pas radiés et donc ils recommencent», nous répond-t-il.

Toujours concernant la spoliation immobilière, le juriste ne manque pas de rappeler son autre proposition qui appelle à répertorier les affaires et créer une juridiction spéciale. «Je viens de voir que toutes les juridictions marocaines devront donner le nombre de dossiers de spoliation, aussi bien en civil qu’en pénal et comme cela on répertorie. C’est une idée que j’avais il y a cinq ans et elle est écrite sur votre site. J’avais dit que l’ampleur est tellement grande qu’il faudrait créer une juridiction spéciale pour notamment relier les affaires entre elles», nous détaille-t-il.

Vers un mécanisme réactif, performant et avec des mesures strictes

Sur un autre registre, Moussa El Khal revient aussi sur les inconvénients de la loi 39-08. Un texte largement décrié par les associatifs, les avocats et les victimes. «Sa majesté fait un travail colossal pour emmener des investisseurs mais malheureusement quand un investisseur prend connaissance de la loi 39-08, et donc apprend que tous les quatre ans, il est obligé de se rendre à la Conservation foncière pour regarder ce qui se passe, et si sa maison est toujours à son nom, quel est le groupe qui va venir ?», s’interroge-t-il.

Il est à rappeler que le ministre de la Justice et des libertés a souligné, lundi, à Rabat, la nécessité d’adopter une approche participative entre les différents acteurs pour des solutions efficaces afin de préserver les biens immobiliers d’autrui et renforcer la confiance dans les institutions chargées de la protections de ces biens. Mustapha Ramid a rappelé, lors de la rencontre, les instructions royales appelant à la création d’un mécanisme réactif, performant et qui veille à l’application de mesures strictes. 

Le ministre s’est également adressé au pouvoir juridiques et à ses responsables, les invitant à accorder une importance particulière aux dossiers de spoliation immobilière et de veiller à des jugements exemplaires qui vont de pair avec la menace que représente ces actes criminels et leurs impacts sur la sûreté immobilière. L’occasion pour lui également d’exhorter les magistrats à accélérer les traitements de ces affaires.

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