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Grand Angle

France : Un policier pointé du doigt après avoir dénoncé un mail raciste de ses collègues

Un brigadier d'un centre de rétention administrative, où sont envoyés les étrangers sur le point d'être expulsés, a fait remonter des propos racistes et islamophobes émanant de sa hiérarchie. Il se voit aujourd'hui reprocher son manque de solidarité envers ses collègues.

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Le CRA de Mesnil-Amelot compte 240 places de rétention administrative réservées à des étrangers en voie d’expulsion. Ici, le CRA de Lyon. / Ph. Laurent Burlet, Rue89Lyon
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Dans une institution où l'omerta est de mise, il ne fait pas bon soulever un lièvre. L'un des brigadiers du plus grand centre de rétention administrative (CRA) en France, au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), en sait quelque chose. Ce policier a dénoncé, sous couvert d'anonymat, le racisme qui y sévit, rapporte Le Monde.

L'arme du crime ? Un mail qu'il a intercepté le 4 octobre dernier, envoyé par la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) à plusieurs services de police. «L’islam est le cancer de l’Europe. Les musulmans sont ses métastases. Jamais la France n'a été aussi gravement malade», peut-on y lire. Le texte va plus loin, incitant à la haine raciale :

«Il est de droit de tout homme libre de s'y opposer (à l'islam, ndlr) de toutes ses forces et par tous les moyens.»

Le brigadier l'a aussitôt transmis à sa hiérarchie. Avant cela, en août, il avait déjà rapporté la présence, dans les locaux du centre, d’un autocollant à l’effigie du spectacle de Dieudonné, Le Mur, dont la représentation avait été interdite en raison de passages constitutifs de provocation à la haine et d’apologie de crimes contre l’humanité, entre autres.

La petite bête

Au CRA de Mesnil-Amelot, qui compte 240 places de rétention administrative réservées à des étrangers en voie d’expulsion, on a préféré jeter l'opprobre sur celui qui a jeté un pavé dans la marre. «Un responsable de ma brigade m’a dit que je n’avais pas été solidaire, que tout ça n’était qu’une plaisanterie, comme on plaisante sur les blondes. Les jours d’après, j’ai mangé tout seul», a confié le fonctionnaire au Monde. Il évoque également son ostracisation, des tentatives de décrédibilisation, des critiques infondées sur son travail... «On cherche la faute, considère son avocat, Me Daoud Achour. Mon client est un lanceur d’alerte et comme dans toutes les organisations, il faut museler celui qui jette l’opprobre sur l’institution.»

Au micro de l'émission «Quotidien», diffusée sur TMC, le brigadier raconte qu'un dessin a été affiché dans une salle où les étrangers peuvent s'informer de leurs droits. On y voit notamment un pied - «la peau blanche» - qui écrase sous terre un individu aux mains noires - «qui s'agitent et appellent au secours». Le tout sur fond d'une carte de la France.

Un esprit revanchard ?

Le fonctionnaire a décidé de porter directement l’affaire devant l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Dans un mail adressé à sa directrice, Marie-France Moneger-Guyomarc’h, le 23 novembre, il a relaté les faits en détail. Sollicité par Le Monde, le ministère de l’Intérieur assure prendre l’affaire «au sérieux». Une enquête administrative a été ouverte, le 2 décembre, confiée à la direction interdépartementale de la police aux frontières, autorité de tutelle du CRA du Mesnil-Amelot.

En coulisse, des sources proches du dossier invitent cependant à la «prudence», en raison du profil du policier. Celui-ci a été muté au Mesnil-Amelot en août 2016, après dix ans au sein des renseignements généraux, aujourd’hui rebaptisés renseignement territorial. Une sorte de «mise au placard» liée à des différends avec une partie de sa hiérarchie, relate le quotidien français. Faut-il pour autant soupçonner un esprit revanchard ? A la décharge du brigadier, les faits dénoncés n'ont pas été contestés. Plus encore, des récits viennent corroborer ses signalements. Ceux-là même que la direction du centre, sollicitée, n'a pas souhaité commenter.

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