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Cécité : L’enseignement du Braille, entre défis de la généralisation et nécessité d’évolution

Le monde célèbre ce 4 janvier la journée mondiale du Braille. Au Maroc, l’enseignement par le biais de ce système d’écriture tactile à points saillants se fait notamment dans les 13 centres de l’Organisation alaouite pour la promotion des aveugles au Maroc et celui de la Ligue braille du Maroc, situé à Taza. Le point sur ses champs de travail et la situation globale de cet enseignement.

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Photo d'illustration. / DR
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Le monde célèbre chaque 4 janvier la naissance de Louis Braille, l’inventeur français du code alphabétique éponyme. Le système d’écriture tactile à points saillants destiné aux personnes atteintes de déficience visuelle a été construit à partir de 2 rangées de 3 points. Il offre 64 combinaisons couvrant les lettres de l’alphabet, la ponctuation ainsi que les accents. La célébration de cette journée mondiale est aussi l’occasion de se pencher sur le handicap dont souffrent les personnes malvoyantes et les opportunités qui s’offrent à eux, notamment en matière de formation.

Au Maroc, les données les plus récentes datent de 2015. En février 2016, le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social avait publié les résultats de la deuxième enquête nationale sur le handicap. Une étude dont on retient qu’en général, les personnes atteintes de déficience s'intègrent difficilement dans les écoles. Le rapport cite également plusieurs facteurs pour expliquer l’abandon scolaire auquel sont contraintes les personnes aveugles ou malvoyantes.

Les ONG prennent le relai pour l’enseignement

Heureusement, des centres spéciaux pour la formation des enfants atteints de déficience visuelle existent au Maroc. Le travail de l’Organisation alaouite pour la promotion des aveugles au Maroc (OAPAM), créée en 1967, n’est plus à présenter puisque ces 13 centres situés dans plusieurs régions du Maroc assurent l’éducation des enfants malvoyants en âge de scolarisation. Depuis 1998, la Ligue Braille du Maroc (LBM), via son centre de Taza, s'occupe quant à elle de celles et ceux qui ont dépassé l'âge d'être scolarisés.

L'ONG travaille sur différents axes, précise Azelarab Idrissi, son président fondateur. Il cite notamment «la prévention contre la cécité, l’apprentissage des techniques de Braille et la formation professionnelle». Puis d'ajouter :

«Notre association travaille aussi dans l’approche 'Droits des personnes handicapées'. Dernièrement, on a aussi commencé à travailler sur un quatrième axe, qui consiste à préparer les jeunes souffrant de déficiences visuelles à passer les examens certifiés, comme le baccalauréat.»

Actuellement, plus de 10 personnes ont déjà décroché leur baccalauréat, contre une douzaine ayant obtenu leur certificats primaires et quatre personnes leurs certificats de fin de collège. Un hébergement gratuit pour les personnes souffrant de déficiences visuelles est également proposé au centre de Taza, poursuit Azelarab Idrissi, bien que ses capacités d'accueil ne dépassent pas la vingtaine de personnes. Cette année, 12 filles et 12 garçons y sont hébergés. «Compte tenu de l’intérêt et de la demande, on a essayé d’ajouter ces quatre personnes en plus des externes qui viennent deux ou trois fois par semaine», précise Azelarab Idrissi.

Les établissements doivent se préparer à la mutation

La Ligue Braille du Maroc dispose également d’un partenariat avec l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) en proposant des certificats de fin de formation reconnus par l’état. L’ONG coopère également avec le ministère de l’Education nationale pour les certificats et diplômes de l’enseignement.

Sur le front de l'emploi, en revanche, les complications persistent. «Ce n’est pas toujours facile, mais c'est important qu'ils viennent ici», insiste le président fondateur de la LBM. Le militant associatif rappelle également l'importance, pour ces personnes, de «rencontrer d’autres jeunes dans la même situation qu'eux, alors qu’ils étaient autrefois isolés».

Il pointe en revanche quelques dysfonctionnements. D’abord, des conditions de travail favorables aux personnes souffrant de déficience visuelle.

«Il faut que les établissements publics soient prêts à changer pour recevoir les gens qui se forment en adaptant leurs postes de travail. Par exemple, il faut mettre des ordinateurs équipés d’une synthèse vocale avec une plage Braille pour permettre aux malvoyants de travailler avec autonomie.»

Une plage Braille. /DRUne plage Braille. /DR

Selon notre interlocuteur, l’Etat doit aussi veiller à cette égalité des chances et à la lutte contre la discrimination, «dans la mesure où le Maroc a déjà signé et ratifié la convention relative aux droits des personnes handicapées. Il est donc obligé de remplir ces obligations envers ses citoyens et au niveau international».

Braille et synthèse vocale : deux systèmes complémentaires

Le combat de ces personnes commencent plutôt au niveau des écoles, des collèges, des écoles supérieures et des facultés. «Lorsqu’on passe des examens, au primaire, au collège ou dans les facultés, la personne malvoyante a toujours un guide pour lui écrire. Les autorités peuvent mettre en place des enseignants de Braille. Les personnes atteintes de déficience visuelle auront donc l’occasion de passer ces examens en Braille et leurs copies pourront par la suite être corrigées par les enseignants de Braille», suggère Azelarab Idrissi. «Les choses ne sont pas développées au Maroc. On est encore très loin de ce mode», reconnaît-il.

La deuxième revendication majeure qu'il formule est relative au «traité de Marrakech», signé par le royaume en 2013 mais toujours pas ratifié, qui vise à faciliter l'accès des aveugles. «En 2013, il y avait le traité de Marrakech en marge d’une conférence diplomatique. Il doit permettre aux déficients visuels d’avoir accès à la communication et à des documents imprimés», rappelle-t-il. La ratification puis l’application de ce traité, en vigueur depuis septembre dernier, offre la possibilité de transcrire des livres en Braille au profit des étudiants en manque de références, d’ouvrages ou de mémoires. «Dans le monde dans lequel nous vivons, il n’y a même pas 1% des documents publiés annuellement et transcris en Braille», regrette le militant associatif. L’occasion pour lui de lancer un appel pour exhorter les autorités compétentes à accélérer la procédure pour ratifier ce traité.

Mais dans un monde où la technologie avance à vitesse grand V, certains font désormais appel à la synthèse vocale au lieu de faire appel au système de Braille. Notre interlocuteur, lui, préfère parler de complémentarité. «Le Braille s’est bien développé mais malheureusement, il n’est pas bien utilisé par les enfants et les jeunes malvoyants puisque désormais, la synthèse vocale existe. Cela fait 200 ans que le Braille existe. La technologie ne le remplacera pas mais elle peut l’aider», soutient-il. Avant de souligner que «la continuité de ce système et son efficacité viennent du fait qu’il a été créé par un non-voyant lui-même». «Si on s’y intéresse vraiment, le Braille permettra à ces personnes de s’intégrer, d’être autonome et de participer à la société.»

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